L’Italie si loin du conte


Depuis 2014 et Vincenzo Nibali, aucun coureur transalpin n’a gagné le Tour et la perspective d’en voir un s’imposer ne semble pas se profiler à l’horizon.

"On n’a ni la base ni le haut de la pyramide. 
La machine tourne sur elle-même. 
C’est comme une fleur à qui on ne donne pas d’eau"
   - ROBERTO DAMIANI, DIRECTEUR SPORTIF DE COFIDIS

"Il n’y a peut-être pas de raison, 
c’est une question de talent.
Si vous trouvez un Tadej Pogacar, 
c’est tout de suite plus facile"
   - ANDREA AGOSTINI, DIRIGEANT D’UAE

29 Jun 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL YOHANN HAUTBOIS (avec P. Me.)
L’Italie si loin du conte

Les ombres portées de la réplique du David de Michel-Ange sur la façade du Palazzo Vecchio dessinaient assez symboliquement le prestige passé du cyclisme italien et les supporters se sont surtout animés, jeudi, lors de la présentation des équipes, pour Tadej Pogacar, Primoz Roglic voire Egan Bernal? qui s’est exprimé en italien. La délégation transalpine, sur ce Tour, est de toute façon réduite à sa portion congrue, tout juste de quoi monter une équipe de huit coureurs : Giulio Ciccone (29 ans), Gianni Moscon (30 ans), Matteo Sobrero (27 ans), Alberto Bettiol (30 ans), Davide Formolo (31 ans), Davide Ballerini (29 ans), Michele Gazzoli (25 ans) et Luca Mozzato (26 ans). Plus très jeunes et, sauf accident, pas en capacité de remporter un grand Tour.

Déjà, en mai, lors du Giro, plutôt que Jonathan Milan ou Antonio Tiberi, le public applaudis sait les vieilles gloires Ivan Basso, Paolo Bettini et Vincenzo Nibali, dernier Italien à avoir gagné la Vuelta (en 2010), le Tour (en 2014) et le Giro (en 2013 et 2016). Depuis, c’est le désert ou presque et les raisons sont multiples.

Collectives, déjà: en 1997, huit équipes transalpines (sur 18) étaient de niveau World Tour, elles n’étaient déjà plus que trois en 2007 et, cette année, il n’y en avait aucune. Pour Bettini, ancien sélectionneur italien, «c’est mathématique. À l’époque, on avait 7 ou 8 grandes équipes où les jeunes coureurs signaient des contrats professionnels. Si chaque année, tu as trente coureurs qui passent pro, tuas plus de chances d’avoir 5 ou 6 très bons coureurs. Aujourd’hui, nous n’avons plus de grandes équipes» .

Celle de Roberto Reverberi, Group Bardiani CSF - Faizanè, tente de se faire une place mais le dirigeant italien sait qu’il ne peut pas rivaliser avec «un budget de 5 millions. Déjà avec un budget de 20 millions, une équipe World Tour ne va pas gagner grandchose. Il n’y a plus de sponsor».

Par le passé, Mercatone Uno, Liquigas, Fassa Bortolo, entre autres, ouvraient le robinet plus facilement, mais Bettini considère l’époque révolue et le problème insoluble: «Si je vais voir l’UCI pour demander une licence et que je leur dis que je représente un grand groupe italien, l’UCI va me demander des garanties financières. Quand je retourne voir l’entreprise, elle va d’abord me demander la licence. Il n’y a rien de concret.»

Àl’absence d’équipe World Tour s’agrège un «changement de mentalité dans toute la société italienne» (Bettini), une désaffection aussi des plus jeunes pour le vélo liée moins aux années de dopage ( «Beaucoup ont été dégoûtés mais ce n’est pas la cause principale de cette situation» , analyse Roberto Damiani, directeur sportif de Cofidis) qu’à la dangerosité de la pratique, constate Reverberi: «Les parents ont peur. Il y a vingt ans, nous avions 2000 juniors licenciés, ils ne sont plus que 200 aujourd’hui.»

La base s’étant rétrécie, les chances de voir émerger un ou plusieurs champions capables de disputer le général sur les Grands Tours se réduisent également mais Roberto Damiani, directeur sportif de Cofidis, remarque que «la base n’est pas le seul problème. Il faut plutôt regarder de l’autre côté de la pyramide. Aujourd’hui, on a ni la base ni le haut de la pyramide. La machine tourne sur elle-même. C’est comme une fleur à qui on ne donne pas d’eau» .

«Est-ce qu’on a travaillé les dix dernières années avec les catégories inférieures? interroge Ivan Basso, à la tête de Polti Kometa. Avons-nous tous bien travaillé? Moi, je crois que oui. Avec la fondation Alberto-Contador, et ce qu’on a développé en Italie, je crois qu’on a fait de notre mieux. Mais je ne sais pas si tout le monde a fait de même. Il faut savoir si on travaille avec les générations de jeunes pour en faire de futurs champions ou si c’est pour gagner chez les jeunes.»

Pour Bettini, c’est tout vu: «Nous avons une catégorie historique des U23 qui n’a plus de sens alors que les meilleurs dans le peloton ont aujourd’hui 18 ou 19 ans. » Pour la plupart des acteurs, l’Italie n’a pas su prendre non plus le virage de la mondialisation de la discipline ( «Certaines équipes de jeunes ont la même organisation, le même programme de courses italiennes depuis vingt ans alors que le monde a changé» , insiste Bettini), au contraire de ses coureurs.

Absent du Tour, Andrea Vendrame, vainqueur d’une étape du Giro cette année, n’a pas hésité à franchir la frontière en 2020 «pour trouver chez Decathlon - AG2R une famille et une façon de travailler qui me convient bien» . En mai, Simone Velasco (Astana Qazaqstan) observait également que «le cyclisme est mondial. Beaucoup de coureurs venus d’autres pays ont débuté le vélo et sont de plus en plus forts. On a eu des années incroyables en Italie et maintenant, nous n’avons plus le même niveau. Mais je trouve que nous sommes en progrès» .

Les noms de Giulio Pellizzari (20 ans, Bardiani), de Davide Piganzoli (21 ans, Polti, 13e du Giro), respectivement 2e et 3e du Tour de l’Avenir l’an passé, comme celui d’Antonio Tiberi (5e du Giro), affleurent au moment de trouver un successeur à Nibali, même si, pour Damiani, «on n’a pas Michele Scarponi, Vincenzo Nibali, Fabio Aru… Peut-être dans deux ans».

Une question de génération, donc, l’argument le plus cité, à commencer par le dirigeant d’UAE Andrea Agostini, dirigeant «exilé» dans une équipe étrangère comme beaucoup de ses collègues italiens: «Il n’y a peut-être pas de raison, c’est une question de talent. Si vous trouvez un Tadej Pogacar, c’est tout de suite plus facile… Aujourd’hui, le niveau italien est un peu moins élevé», concède-t-il, fataliste comme un peu tous les tifosi.

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