De la terre à la lune


Trois mois après sa très lourde chute au Pays basque, le double vainqueur sortant Jonas Vingegaard est bien au départ du Tour, qu’il rêve à peine de remporter tant l’objectif semble inatteignable.

"Je ne suis pas en mauvaise forme, 
j’ai mes espoirs, 
je veux me battre pour la victoire"

29 Jun 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PIERRE MENJOT

Méconnaissable Jonas Vingegaard. Lui, le champion du Tour de France, vainqueur des deux dernières éditions, était en queue de peloton dans le Jardin des Iris, jeudi soir, lors de la présentation des équipes. Lui, méticuleux comme pas deux devenu rebelle des bacs à sable, n’avait pas la bonne paire de chaussettes au moment de rejoindre le centre de Florence, troquant les blanches de son équipe pour des bas personnalisés, avec les visages de sa femme Trina et de sa fille Frida, cette dernière jouant en couche-culotte dans le frais Palazzo Vecchio pendant la conférence de presse de son père. Non, vraiment, rien ne va plus pour le Danois.

Il l’a dit lui-même: «Honnêtement, je ne sais pas si je peux gagner le Tour de France.» Vingegaard (27ans) répondait à la question de son niveau réel, après, petit rappel pour ceux qui auraient abusé du Prosecco et souffrent de petits trous de mémoire, sa grave chute au Tour du Pays Basque, le 4avril. Depuis, le leader de Visma-Lease a bike n’a plus couru. Son tout-droit dans le fossé, en pleine descente, l’avait laissé avec un pneumothorax, une contusion pulmonaire, des fractures de la clavicule gauche et aux côtes. Depuis son lit d’hôpital, à Vitoria (Espagne), le grand blessé s’est tout de suite projeté sur le Tour, trois mois plus loin, promettant à ses directeurs sportifs qu’il serait remis, mais l’horizon fut parfois flou, ensuite, comme il l’a avoué. «Chaque jour, j’ai pensé que j’étais capable de le faire, puis que je ne le pouvais pas, lâcha-t-il. En trois mois, il y a eu beaucoup de changements. Alors je suis juste heureux d’être sur la ligne de départ, c’est une victoire en soi et, à partir de maintenant, ce n’est que du bonus.»

Le dossard n° 1 sait tout ce qu’il a traversé, les deux semaines alité avant d’enfin quitter l’hôpital, la douleur après une heure à mouliner sur les routes toutes plates du Danemark, l’incertitude. «C’est le moment le plus dur de ma vie» , a confessé celui qu’une fracture du fémur, en 2017 (alité cinq mois, neuf mois sans vélo), avait endurci mentalement. Mais il s’en est sorti, «parce que les vainqueurs du Tour sont des monstres de la nature», pétille Merijn Zeeman, le manager des Néerlandais, et la décision a été prise il y a dix jours de l’envoyer sur la course au maillot jaune.

JONAS VINGEGAARD Un pari insensé, fou, impossible, que Bernard Hinault, interrogé par le Nieuwsblad, a résumé ainsi: «S’il gagne le Tour, alors je ne comprends plus rien au cyclisme.» Les éléments contraires paraissent bien trop nombreux pour un potentiel vainqueur. Vingegaard «n’a pas pu effectuer la préparation traditionnelle, avec les reconnaissances d’étape, le stage en altitude en Sierra Nevada, le Dauphiné, le plan qui en fait normalement le favori naturel du Tour », énumère Zeeman. Il a perdu son saintbernard, Sepp Kuss, élément clé de la stratégie en très haute altitude insuffisamment remis du Covid, tandis que le grimpeur Steven Kruijswijk (clavicule) a lui aussi été contraint au forfait, ce qui affaiblit vraiment les Visma en montagne, puisque le polyvalent Wout Van Aert a prévenu qu’il aiderait «d’abord sur les étapes de plat, puis nous verrons si les jambes s’améliorent pour les journées plus difficiles» .

Enfin, son meilleur ennemi Tadej Pogačar n’a jamais paru si fort, omnipotent sur le Giro (20 jours sur 21 en rose, vainqueur du général, de six étapes et meilleur grimpeur) et entouré d’une armada peut-être jamais vue (A. Yates, Ayuso, Almeida, Sivakov, Soler…).

Que vient-il faire là, alors? «Cette course signifie beaucoup, pas seulement pour moi mais aussi pour toute ma famille, a répondu Vingegaard, qui a eu le dernier mot pour valider sa participation. J’ai tout fait pour être prêt. Je ne suis pas en mauvaise forme, j’ai mes espoirs, je veux me battre pour la victoire et si je fais un résultat, je serai très heureux.» Zeeman sait que son protégé «n’est pas à 100% comme l’an passé, ce n’est pas l’idéal, mais je pense qu’il fait partie du groupe de coureurs qui peuvent gagner le Tour». Et compte sur un niveau ascendant. Tant pis si le Tour n’est en général pas le meilleur endroit pour se refaire la cerise. « Je me souviens de 2022, après quelques jours, personne ne pensait la victoire possible pour Jonas et notre équipe (*)» , sourit le Néerlandais.

Pogačar prudent vis-à-vis de son adversaire

En lice pour un doublé dont tout le monde lui parle depuis cet hiver, Pogacar s’est montré prudent, a jugé que le vainqueur sortant «était prêt, sinon il ne serait pas là». Il s’est aussi remémoré «les moments extraordinaires, cette histoire qu’on écrit ensemble en tant que rivaux» . Deux ans que les trublions se battent épaule contre épaule, une jambe au-dessus de toute concurrence. Après deux Tours gagnés, vingt-sept jours en jaune sans jamais perdre sa tunique, Vingegaard se trouve face à un nouveau défi, dans une position d’outsider qu’il n’a plus connue sur aucune course par étapes depuis deux ans. Le voir souffrir puis se retrouver dans la position du battu ne pourra que lui attirer un peu de sympathie, alors que sa supériorité a été tant décriée l’été dernier, en particulier lors du contre-la-montre de Combloux (vainqueur avec 1’38’’ sur Pogačar, 2e de l’étape). Tout ça, le Danois le sait, et il est prêt «à se battre, à s’accrocher». Voilà trois mois qu’il ne fait que ça.

(*) Tadej Pogačar, Maillot Jaune avec 39 secondes d’avance sur Vingegaard au matin de la 11e étape, avait craqué dans le col du Granon (2’51’’ de lâchées) et n’avait jamais pu faire vaciller son adversaire.

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