Grégoire sans débat
Romain Grégoire s’est imposé en solitaire
sur la première étape du Tour de Suisse hier.
Auteur d’un numéro d’équilibriste sous la pluie, le coureur de Groupama-FDJ se montrait soulagé de s’être imposé sans polémique, cette fois.
"Il a gagné avec les jambes et la tête.
Il est sorti au bon moment et il a résisté derrière"
- JULIAN ALAPHILIPPE, QUATRIÈME DE L’ÉTAPE
16 Jun 2025 - L'Équipe
YOHANN HAUTBOIS
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
KÜSSNACHT (SUI) – Le car de Groupama-FDJ avait beau surmonter le cimetière de Küssnacht et son joyeux fronton ( «Was Ihr seid das weren wir, was wir sind das werdet Ihr » , « Ce que vous êtes nous étions, ce que nous sommes vous deviendrez », pour ceux qui n’ont pas fait LV2 allemand), il ne fallait pas se fier aux signes, hier. Au contraire, sous la tente protocolaire blanche, le cri de bête de Romain Grégoire – qui aurait réveillé les morts, justement – validait sa victoire lors de la première étape du Tour de Suisse.
Le Bisontin évacuait ainsi la frustration (« C’est un soulagement ») qui n’a d’égale que son exigence, alors qu’il a cumulé les tops 10 cette saison (4e du Tour d’Algarve, 7e de l’Amstel et de la Flèche Wallonne). Si ce n’est pas son premier succès de la saison, celui-ci a une autre valeur que l’Ardèche Classic le 1er mars, après que le groupe de tête eut lu le road-book à l’envers, ce dont il avait très logiquement profité. Sur le Tour du Pays basque, lors de la troisième étape, il était même remonté sur le podium pour aller chercher un bouquet que, finalement, on lui a arraché après le déclassement-reclassement d’Alex Aranburu, vainqueur initial au sens de l’orientation approximatif, lui aussi.
Hier, en prenant la tangente, avec des costauds à portée d’éclaboussures (Kevin Vauquelin 2e, Bart Lemmen 3e et Julian Alaphilippe 4e), le coureur de 22 ans s’est donné une chance de finir tout seul, comme un grand: « Après ce qui s’est passé à l’Ardèche et au Pays basque, cela fait du bien de gagner avec un peu d’avance. C’est clair, net et précis. Il n’y a pas de doute.» Il en eut un peu, quand même. Le matin, le Bisontin ignorait comment il allait digérer son passage du volcan Teide, d’où il était descendu après un stage en altitude, à la Suisse : « J’étais vraiment dans le flou (sourire). Je n’étais pas serein. Je savais que j’avais bien travaillé, mais de là à avoir de bonnes sensations dès la reprise, j’en étais bien loin.»
Et si l’étape vallonnée semblait dessinée pour son profil de puncheur, il avait imaginé un autre scénario que celui du jour (un groupe de 29 échappés dès la première difficulté et qui s’est émietté à l’approche de l’arrivée) avec une attaque qui n’en était pas une : « Au sommet de la dernière difficulté, j’ai voulu me mettre devant pour faire la descente en sécurité, sans subir les trajectoires des autres et finalement, au bout de deux ou trois courbes, je me suis rendu compte que j’avais un petit gap sur les coureurs de derrière et que cela valait le coup de prendre des risques. J’ai descendu à fond jusqu’en bas.»
Non sans connaître une petite frayeur avec une moto (« Dans le virage où j’ai décidé d’accélérer et de prendre des risques, la moto était là. C’était un peu chaud, mais j’étais sûr de ma trajectoire, et c’est passé») mais le coureur de Groupama-FDJ avait le droit, aussi, de bénéficier d’un petit peu de chance, à l’inverse de Vauquelin, pénalisé par la perte de ses lunettes, plus tôt, et qui a navigué à l’aveugle dans la descente sur les routes saucées par les différents orages.
Mais le coureur d’Arkéa-B&B Hotels n’a pas cherché d’excuse, et d’une révérence, le corps incliné en avant sur la ligne d’arrivée, il a salué la performance de son adversaire: «Chapeau à lui, il a mérité sa victoire, il a fait un très grand numéro. Mentalement, il était très fort.» Même hommage, mais sans le geste, chez Alaphilippe : « Romain, c’est un super gars. Je l’ai vu arriver dans le peloton, on a été en équipe de France ensemble. On sait qu’il a de grandes capacités, et aujourd’hui, il a gagné avec les jambes et la tête. Il est sorti au bon moment et il a résisté derrière.»
Même quand l’oreillette a rendu l’âme « à cause de la pluie dans les dix derniers kilomètres» , il a maintenu son numéro de funambule, applaudi par son coéquipier Valentin Madouas : « Il a flairé le bon coup. Il m’avait fait un peu peur, car je l’avais trouvé loin dans la côte quand c’est sorti. Mais c’est qu’il était très fort puisqu’il a réussi à boucher le trou. Dans ces conditions, il gagne en costaud.»
Arrivé peu après, un autre de ses coéquipiers, Olivier LeGac, a appris son succès en passant la ligne, à peine surpris : « Il est à l’aise sur le vélo, sur des routes mouillées, c’est un bon puncheur, le parcours lui correspondait bien.» Le jaune du maillot de leader du général, enfilé à l’heure où un autre Romain tirait sa révérence à quelques heures de là (voir par ailleurs), lui sied bien également.
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Joao Almeida fait partie des prétendants à la
victoire finale qui ont perdu beaucoup de temps hier.
L’échappée d’hier a placé des candidats à la victoire finale en mauvaise posture. En attendant les étapes les plus exigeantes, mercredi et surtout jeudi.
Y. H.
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL
Les principaux favoris pris au piège
KÜSSNACHT – C’est ballot et, si rien n’est joué, les principaux favoris se sont mis dans de sales draps, hier, en laissant se former une échappée composée d’un cinquième du peloton. Toutes les formations étaient à peu près représentées (à part Red Bull Bora Hansgrohe) et, au cours de « cette journée à bloc » (Julian Alaphilippe), le peloton n’a jamais pu revenir sur les hommes de tête.
Dans l’absolu, rien de gênant si de solides outsiders comme Ben O’Connor, voire Kévin Vauquelin, n’avaient pas fait partie des fuyards alors que Joao Almeida, Pello Bilbao ou encore Felix Gall, avec des équipiers à l’avant (Felix Grossschartner pour le Portugais d’UAE qui a vu Jan Christen chuter et se râper le côté gauche), se sont fait piéger avec près de trois minutes concédées (2’58”) dès le premier jour sur le Normand d’Arkéa-B & BHôtels, mais surtout 2’5” sur O’Connor.
Il reste du temps et l’affaire devrait se régler en altitude, mercredi mais surtout jeudi avec trois cols de première catégorie où l’Australien de Jayco AlUla, deuxième de la dernière Vuelta, vendra cher sa peau.
Leader du classement général, Romain Grégoire aussi, mais sans trop se faire d’illusions : « C’est quelque chose qu’on peut envisager, on va défendre ce maillot jaune, lui faire honneur, ce n’est pas n’importe quoi sur une course World Tour. Après, il y a des coureurs de classement général qui ont pris aussi de l’avance, je pense à O’Connor et Vauquelin, mieux positionnés que moi pour jouer le général. Mais le Tour de Suisse est déjà réussi. Ce sera super de porter le maillot jaune demain (aujourd’hui). On verra ensuite où cela nous mène. »
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2 - Grâce aux succès de Lenny Martinez sur la 8e étape du Critérium du Dauphiné et de Romain Grégoire sur la 1re étape du Tour de Suisse hier, le cyclisme français a signé deux victoires sur des courses World Tour dans la même journée pour la première
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