Vingegaard: «Ma meilleure performance sur une minute»
Proche de craquer un instant, le Danois est parvenu à suivre son rival, Tadej Pogacar, dans le raidard final, une petite victoire morale et physique pour lui, malgré le succès du Slovène.
"Demain (aujourd’hui), on verra mieux dans
quelle condition physique chacun se trouve"
- TADEJ POGACAR, VAINQUEUR DE LA 4e ÉTAPE
9 Jul 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT
ROUEN – Sous les platanes rouennais, Jonas Vingegaard a pris le temps de signer tout ce que les gamins lui tendaient, maillots à pois, bobs, cartes. Le souffle encore profond, après sa récup sur son vélo de chrono. Après « un final d’étape brutal », surtout, insistait-il. Dans lequel il a manoeuvré à merveille et apporté de sérieuses garanties sur un terrain pourtant taillé pour son rival, Tadej Pogacar, qui s’est certes imposé mais n’a pas fait plier les ailes au Danois.
Le premier duel, seuls face à face, s’est tenu dans la rampe Saint-Hilaire, cette petite montée scabreuse avec son pifpaf pour casser les jambes en plein milieu. Où Pogacar a tiré sa première balle. Et Vingegaard a répondu, en danseuse comme le Slovène. Avant de se rasseoir, au bout de 250 mètres, et de se retourner. Dans le rouge. « Le rythme était juste un peu trop élevé pour moi», j ust i - fiait-il. Mais q u e l q u e s mètres plus loin, le champion du monde se posait à son tour sur la selle. Galv ani s é, l e leader de Visma - L e a s e a bike relançait, parvenait à basculer dans la roue. «J’ai vu que c’était trop dur pour lui aussi, il a dû ralentir, et j’ai purevenir» , revivait-il.
Un effort violent. « Je pense que c’est ma meilleure performance sur une minute », osait ainsi Vingegaard. Qui a également rivalisé dans la bosse finale, juste avant la ligne, où il a pris la 3e place derrière Pogacar et Mathieu van der Poel, le Maillot Jaune. «C’est dommage d’être si proche du deuxième, mais je peux être heureux de ce résultat», jugeait-il. «Physiquement et mentalement, c’est un très bon signe», relevait son directeur sportif Grischa Niermann.
Il confirme une chose, déjà aperçue lors de la première étape du Dauphiné vers Montluçon (2e derrière Pogacar): le Danois a gagné en explosivité. Comme prévu, ou plutôt comme espéré, après un long travail de musculation depuis cet hiver, afin de retrouver de la force dans les jambes, un peu perdue en avril 2024 lors de sa chute au Tour du Pays Basque. « Là, il est plus ou moins de retour à son corps normal », affirmait son DS. « Je sens que je suis davantage explosif, oui », confirmait son grimpeur.
Il faudra l’être à nouveau ces prochains jours, demain à Vire, vendredi à Mûr-de-Bretagne. Autant de journées dangereuses, plus favorables à son rival sur le papier. Puis c’est avec la montagne, dans la seconde moitié du Tour, que tout se jouera. Il y a un an, lors du Grand Départ en Italie, Vingegaard avait réussi à s’accrocher sur la montée très punchy de Bologne (2e étape), ce qui ne l’avait pas empêché de s’écrouler en montagne par la suite, ce que son manque d’entraînement pouvait alors expliquer.
Début juin, en revanche, il n’avait aucune excuse, et sa belle performance en ouverture du Dauphiné fut suivie d’une explosion dans les sommets alpins (2e à 59’’ au classement général final). « Ce n’est pas sur l’étape d’aujourd’hui (hier) qu’on peut dire qui se situe où parmi les principaux candidats au général, a d’ailleurs souligné Pogacar hier après son succès. Demain (aujourd’hui), on verra mieux dans quelle condition physique chacun se trouve. »
« La forme est là, j’ai hâte d’être aux prochains jours », répondait en écho le Danois. Peut-être perdra-t-il du temps, aujourd’hui, avec ce contre-la-montre de 33 kilomètres taillé pour les purs rouleurs qu’il reconnaîtra ce matin. Mais il prendra le départ de Caen avec des petits cailloux de confiance dans la poche, ramassés ces derniers jours sur la route de Boulogne-sur-Mer et Rouen.
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Romain Grégoire a fini une nouvelle
fois dans le top 5 de l’étape hier.
Le plafond du punch français
Comme Kévin Vauquelin, Romain Grégoire est en pleine forme sur ce Tour et il a tout bien fait hier, mais cela ne suffit pas pour battre les cadors.
“Les rivaux sont une demipatte au-dessus.
Il ne faut pas se leurrer et chercher une ouverture stratégique,
plutôt que vouloir les plier à la pédale ''
- MAXIME LATOURTE, ENTRAÎNEUR DE ROMAIN GRÉGOIRE
ANTHONY CLÉMENT
ROUEN – Les cinquièmes places peuvent avoir un petit goût de victoire, l’ivresse du champagne en moins, et Romain Grégoire a tout à fait le droit de savourer la satisfaction du travail accompli. Attendu lors des premières étapes, le grand talent de Groupama-FDJ a fini quatrième dimanche à Boulogne-sur-Mer, cinquième hier, et il a comblé le manager général de son équipe.
« Ce sont les hypergros qui gagnent, mais on est tout près d’eux, donc c’est sympa, apprécie Marc Madiot, qui ne peut pas être frustré de s’incliner devant Tadej Pogacar, Mathieu Van der Poel ou Jonas Vingegaard. Ce sont des rock stars devant, c’est Mick Jagger, ce n’est pas un chanteur de quartier ! Romain est avec eux, de manière régulière. Il a passé un cap depuis l’année dernière. Franchement, je suis impressionné par ce que j’ai vu niveau intensité, savoir-faire du vélo, car c’est aussi une question d’engagement technique. Il ne peut pas faire plus, ni mieux. »
C’est le problème des puncheurs français : ils sont très forts, assument les promesses qu’ils ont semées, n’ont rien à se reprocher, mais ils n’ont aucune chance de gagner à la régulière face à de tels monstres. Huitième dimanche, dixième hier, Kévin Vauquelin se cogne au même plafond et il a payé un mauvais placement avant la rampe SaintHilaire : « Face aux champions, dans de tels pourcentages, je n’ai pas trop de marge. Qu’est-ce que vous voulez que je vous dise sur Pogacar ? Vous êtes marrants, je ne l’ai pas vu, j’étais derrière! »
Le Normand plaisante de bon coeur, et son maillot blanc lui donne accès au podium, mais il a bien compris qu’il faisait partie de l’autre monde, où la fatigue pétrifie les organismes plus tôt. « Ils sont au-dessus du lot, ils voltigent » , remarque également Grégoire, qui a trouvé quelques parades. Après la course, il glissait à Madiot : « Heureusement qu’il y a les descentes.» Au Tour de Suisse, il en avait exploité une pour gagner la première étape.
Hier, elle lui a permis de revenir à hauteur des favoris après avoir perdu du terrain dans la rampe Saint-Hilaire. « Les suivre à la pédale dans les montées, c’est compliqué, il faut trouver des alternatives, explique-t-il en souriant. J’ai réussi à rentrer, vraiment au courage. Eux, ils arrivent à ressortir un gros sprint dans les 200 derniers mètres. Moi, je me mets debout histoire de, mais il n’y avait plus grand-chose dans les jambes… Un top 5, vu ceux qui sont devant, c’est un très beau résultat. »
Comment profiter de sa constance pour gagner ? Croiser les doigts pour que Pogacar ne veuille pas rafler toutes les étapes de puncheurs, ou élargir le champ d’action. « C’est délicat, les rivaux sont une demi-patte audessus. Il ne faut pas se leurrer et chercher une ouverture stratégique, plutôt que vouloir les plier à la pédale. Sauf circonstances improbables, un principe de réalité s’applique, observe Maxime Latourte, l’entraîneur de Grégoire. Il est très fort, pas loin de ce qu’il peut faire de mieux, surtout que ses équipiers sont excellents pour le placer au bon endroit, au bon moment. Il faut que la course soit dure longtemps pour que ça lui convienne bien, et il peut donc aussi aller dans des échappées au long cours. » Après ce qu’il a montré, ils seront toutefois nombreux à se méfier de lui quand il faudra collaborer pour viser une étape de loin.
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En avant toute !
Lenny Martinez a retrouvé des jambes et le sourire hier entre Amiens et Rouen. Il a passé 150 kilomètres à l’avant.
"On a été repris trop tôt dans le final,
ce n’était pas possible de faire les autres points"
- LENNY MARTINEZ
THOMAS PEROTTO
ROUEN – Lenny Martinez est arrivé, hier, le dernier au car de son équipe, comme samedi lors de la première étape, mais l’état d’esprit était radicalement différent. Le grimpeur de poche de Bahrain Victorious était à la bourre, parce qu’il a décroché le prix de la combativité et qu’il a dû passer par le podium protocolaire. Cent cinquante kilomètres dans l’échappée, deux points au Grand Prix de la montagne et du temps passé à l’avant. Largement de quoi oublier celui passé à l’arrière, et même devant la voiture-balai samedi à Lille. « Honnêtement les jambes sont revenues depuis quelques jours, ça va bien, j’espère continuer sur cette bonne lancée » , a expliqué le Français, chargé par sa formation de se glisser à l’avant s’il le pouvait. « Je voulais aller dans l’échappée, je pensais qu’une échappée pouvait gagner aujourd’hui ( hier), a-t-il glissé. C’est dommage, on n’était que quatre coureurs. Avec plus de monde, on aurait pu aller plus loin je pense. Je me fais reprendre à 20 kilomètres de l’arrivée… » Il a même fait 8,5 kilomètres seul au courage devant le peloton après avoir poursuivi dans des pourcentages importants.
« On voulait être dans l’échappée avec un de nos trois coureurs dont c’était la mission. Lenny était l’un d’entre eux, avait analysé en descendant de sa voiture Roman Kreuziger, son directeur sportif. Mais on espérait que ce soit un plus gros groupe à l’avant, nous étions surpris d’être si peu devant. Il manquait deux ou trois hommes devant pour espérer quelque chose, ça aurait été l’échappée parfaite. Lenny aurait pu vraiment jouer le maillot à pois ou l’étape. »
Martinez n’a pris que deux points au classement (côte Belbeuf, 3e catégorie) et il aurait pu en prendre un troisième s’il n’avait pas déclenché trop tôt les hostilités dans la première difficulté (côte Jacques-Anquetil, 4e catégorie). « J’ai essayé aussi pour les points du meilleur grimpeur, mais on a été repris trop tôt dans le final, ce n’était pas possible de faire les autres points, a-t-il reconnu. Mais ça peut être bon pour les prochaines étapes. » Le maillot à pois est moins un objectif qu’une victoire d’étape dans ce Tour de France, mais il peut devenir un fil rouge intéressant. Surtout au regard des qualités de grimpeur et de sa forme qui revient. « C’était juste les médias qui étaient inquiets pour lui, remarquait Kreuziger. Nous, on n’a jamais douté de Lenny, de ses jambes. » « Je retournerai dans les échappées pour essayer d’avoir une victoire sur le Tour, je vais essayer jusqu’à ce que ça marche » , rappelait encore Martinez dans la soirée.
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