PAR-DELÀ LES NUAGES


À gauche, Marie-José Pérec et Teddy Riner ont allumé la vasque. 
Le bateau des Français devant la tour Eiffel, hier soir, dernière délégation du défilé. 
Un porteur masqué a tenu la flamme tout au long de la cérémonie.

Malgré la pluie, les sabotages et quelques longueurs, la cérémonie d’ouverture des JO de Paris 2024 a insufflé un formidable élan d’optimisme aux athlètes, Français en tête.

27 Jul 2024 - L'Équipe
JEAN-DENIS COQUARD (avec la rubrique)

Paris s’était réveillé hier matin le ciel et l’humeur gris , la couleur des cendres des incendies qui avaient tenté de barrer l’accès de la capitale par voies ferrées, un jour de départ en vacances et d’ouverture des JO.Triste prélude anxiogène à un événement que le pays et sa capitale préparent depuis dix ans. Preuve qu’au sortir d’une séquence électorale bien tendue, la France ne fait toujours pas société, même à l’heure d’accueillir une fête olympique qu’elle attendait depuis cent ans, même quand le président de la RépubliqueEmmanuelMacronladéclare ouverte sous quelques sifflets, face à une Tour Eiffel qui muera bientôt boule à facettes.

Les Jeux ne peuvent donc jamais ignorer les nuages. De toutes façons, ils s’étaient tous donné rendez-vous au-dessus de la Seine, un 26 juillet, en plein été. Prince aurait adoré cette Purple Rain aux couleurs de Paris 2024 mais ça dénotait quand même un sacré sens de l’impromptu qui nous rendait désolés pour Thomas Jolly, ses 20 000 troupes et ses plus beaux rêves, noyés sous une pluie forcissant au fil d’une soirée qu’ils ont mitonnée depuis deux ans. Sacrée déveine qui donnait des sueurs aux écrans géants du Trocadéro et un air des Parapluies de Cherbourg aux quais hauts, presque une chorégraphie en soi ceci dit, et incitait les moins téméraires à quitter les lieux bien avant le final pour se mettre au sec. On s’y était massé de bonne heure pourtant, patients dans la queue, placides sous la flotte. En haut, il y avait beaucoup de Français, en bas pas mal d’étrangers, tous curieux de découvrir cet objet insolite : une cérémonie inédite sur la Seine, sortie du cocon d’un stade. Elle était déjà historique, bien avant d’être la première à ouvrir sous les vannes depuis l’après-midi maussade de Helsinki 1952.

Alors, quitte à faire flic-floc, autant danser sous la pluie ! Les artistes y ont mis toute leur âme, sans rien céder de la météo, à l’image de la mezzo-soprano Axelle Saint-Criel, imperturbable interprète épaule dénudée de la Marseillaise sous le déluge. La Carmagnole a été foutraque et classieuse, un french cancan survitaminé. Les scènes se sont succédées, certaines absolument sublimes, tels cette allégorie collective du travail des artisans et des (re)bâtisseurs de Notre Dame, cinq ans après l’incendie qui avait mis à bas la Cathédrale, ou le ballet métal Gojiva des têtes décapitées à la Conciergerie, au son du «Ah ça ira!» révolutionnaire.

Dix mois après la cérémonie sépia de la Coupe du monde de rugby, c’était une France flashy, joyeuse et métissée que célébraient cette entrée en matière. Bande-son hétéroclite et moderne,pontsosésentrehieret aujourd’hui, clins d’oeil militants et frondeurs comme cette sortie d’Aya Nakamura émergeant en or de l’Institut de France, siège de l’Académie française, pour rejoindreune garde Républicaine qui biguinait. Un pied de nez assumé à l’intense polémique qui avait émergé quand le nom de la chanteuse française la plus populaire du moment avait fuité. On y rendait aussi hommage aux savoirfaire locaux, de l’animation des Minions à la mode, passerelle Debilly, introduite par une Cène blasphématoire et décadente.On y célébrait l’ouverture aux autres, accueillant l’étranger qu’il ait un «truc en plumes» comme Lady Gaga. C’était génial, incroyablement festif, au rythme d’un dancefloor improvisé, talons surcompensés, baskets et déhanchés, habits traditionnels, sur un tapis rouge détrempé. Même les policiers dans les zodiacs en dansaient d’aise, rassurés sans doute par une soirée qui se passait sans que le souci sécuritaire, tellement omniprésent ces derniers moins, ne prenne sa part à la célébration.

Alors, bien sûr, cette volonté de casser la tradition, un passage obligé pour animer une parade sur 6 km, a aussi son revers. Finie certes l’interminable procession des athlètes mais à découper ainsi le show, on brisait parfois la poésie des plus beaux tableaux et le fil narratif de la cérémonie, que maintenait poussivement la vidéo du porteur de flamme masqué, arrivé de Saint-Denis jusqu’au Trocadéro.Lesathlètes,eux,n’ont pas semblé en souffrir, au contraire, passagers enthousiastes enfin d’un spectacle dont ils sont les stars ultimes et qu’ils regardent le plus souvent dans les coursives d’un stade. Le fleuve prenait vie devant eux et et les quais, les balcons, les ponts d’Arcole et d’ailleurs réchauffés par les volontaires, véritables vigie du feu populaire tels des rescapés de Koh-Lanta, ont salué cette revue, en premier lieu le bateau bleu bien sûr, escorté par la clameur et quelques feux d’artifice tout au long du défilé.

L’émotion Céline Dion

La féérie n’a pas tout emporté, évidemment, notamment pas tous les sifflets au passage d’Israël, ni de... l’Argentine, marquée au fer par les débordements racistes et anti-français de ses footballeurs-chanteurs récemment. Mais l’ambiance est resté joyeusement fiévreuse, enjouée (jusqu’à la dernière embarcation bleue), devant cette nuit d’un jour, cette nuit d’une vie en fait.

Les sportifs y ont pris toute leur part, Brésiliens, Italiens, Hollandais, Nigérians et consorts échangeant harangues, olas et salsas malgré les kway et le dilemme à rester au grand air quand celui-ci vous fouette les sangs à la veille de votre entrée en compétition. Trempés, réfrigérés, ils n’ont pas tous (loin de là !) rejoint le Trocadéro ni aperçu le cavalier-mystère, chevauchant les flots sur sa monture mécanique, dans une scène à la magie toute cinématographique.

Ils n’ont pas tous retrouvé en fin d esoirée l’icône de France 98, Zinédine Zidane, qu’on attendait depuis l’arrivée de la flamme à Marseille, sa ville, le 8 mai. Ils n’ont pas accompagné la torche et ses (très) haut gradés (Rafael Nadal, Serena Williams, Nadia Comaneci et CarlLewis) jusqu’à la patrouille de France sportive et ses deux derniers fleurons, MarieJosé Pérec et Teddy Riner. Mais même sur le chemin retour, même sur leurs téléphones, même au village olympique à quelques kilomètres de là, même sur les sites excentrés jusqu’à Tahiti, sans doute auront-ils vu le ballon-torche et l’Hymne à l’amour version Céline Dion planer au-dessus des Tuileries.À la dernière note de la star canadienne, l’averse a cessé. Et les larmes sur les joues n’étaient pas de pluie.

Les Jeux ont débuté, la soirée a filé sans heurt, féérique, émouvante, unique et, pour tous même arrosés de tous les seaux, inoubliable. Ce matin, les compétitions prennent le relais, les Bleus ont déjà des podiums en vue. Et dans le ciel de Paris, il y a désormais une flamme.

***
PANTHÉON

27 Jul 2024 - L'Équipe
Lionel Dangoumau - Directeur de la rédaction

Toutes les hypothèses nous étaient passées par la tête, les plus séduisantes mais aussi les plus farfelues, les plus improbables. Il faut bien reconnaître que personne n’avait vu venir le dénouement qui s’est joué hier soir, peu après 23 heures, quand nos légendes se sont retrouvées, les unes après les autres, dans une incroyable chaîne humaine qui racontait une histoire du sport français.

Il aurait fallu enlever nos oeillères, cet entêtement à trouver un nom, voire deux, qui auraient fait l’unanimité : celui d’un grand sportif, masculin ou féminin, français bien sûr et plutôt olympien, mais aussi connu à l’international. Bref, un mouton à cinq pattes. Puisqu’il n’y avait peut-être pas de candidat idéal, Paris 2024 a préféré ne pas trancher. Refus d’obstacle ? Peut-être, mais en choisissant de ne pas choisir et donc de faire plaisir à tout le monde, les organisateurs sont restés dans le ton d’une soirée qui avait mis en lumière les édifices les plus célèbres de Paris, au fil d’une longue parade sur la Seine. Après la Tour Eiffel et Notre-Dame, les monuments s’appelaient Tony Parker, Félicia Ballanger, Renaud Lavillenie ou Laure Manaudou.

Au sein de ce collectif, les deux capitaines étaient une évidence, avec leur palmarès olympique qui a peu d’égaux ( trois médailles d’or chacun). Marie-José Pérec, la plus grande athlète française, a longtemps fait partie des favorites et Teddy Riner, qui espère un quatrième titre olympique cette année, pourra inspirer ses coéquipiers de 2024.

Si l’émotion est parfois retombée, dans une cérémonie souvent bluffante, ce Panthéon du sport français, rassemblé comme pour un footing entre potes, de la cour Napoléon du Louvre jusqu’au jardin des Tuileries, a rallumé la flamme au meilleur moment. Ils et elles incarnent tant de souvenirs et d’émotions intimes, pour chacun d’entre nous, même ceux que l’on n’a pas vus, avec ce bel hommage à Charles Coste, le doyen des champions olympiques français, né en 1924, l’année des derniers Jeux d’été en France.

Juste avant ce relais de légende, Florent Manaudou et Mélina Robert-Michon, les porte-drapeaux des Bleus, avaient prononcé le serment olympique la voix un peu tremblante, sous le double coup de l’émotion et de l’averse, sans doute. Qu’ils se disent ce matin que la saga est loin d’être terminée.



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