MANO A MANO - UNE BASCULE


Jonas Vingegaard a battu Tadej Pogacar au sprint et s’il n’a repris qu’une seconde au Maillot Jaune, il lui a fait très mal au moral.

11 Jul 2024 - L'Équipe
ALEXANDRE ROOS

Il y a bien match entre JONAS VINGEGAARD et TADEJ POGACAR : vainqueur au sprint d’une étape de montagne qui a tenu toutes ses promesses, le Danois a résisté à l’attaque du Slovène et montré qu’il montait en puissance. LE LIORAN (CANTAL) – Et sur la ligne, Jonas Vingegaard serra d’un dernier tour la vis qu’il avait enfoncée dans la tête de Tadej Pogacar une quinzaine de kilomètres plus tôt, aux alentours du sommet du col de Pertus, sous la surveillance de ces volcans endormis, dont la quiétude tranchait avec la guerre que les coureurs étaient en train de se livrer, petites billes de couleurs qui glissaient sur les vermicelles de goudron au milieu de cette immensité verdoyante et éternelle. La bagarre a été tellement féroce encore, le compromis mou comme un pudding n’existe pas dans ce Tour.

Deux premières heures avalées à 50 km/h de moyenne, 100km pour valider une échappée condamnée d’avance, un groupe Maillot Jaune réduit à 13 survivants à 32km de l’arrivée et les 211km et 4350m de dénivelé positif engloutis à une allure d’étape de plaine (42,5 km/h de moyenne). Pour bien comprendre la folie: David Gaudu, 73e hier soir, éjecté à 26’50’’ des deux zinzins, a bouclé l’étape dans la moyenne la plus rapide que les organisateurs avaient anticipée dans leur livre de route (39km/h). Et dans tout cela, il a encore fallu un sprint pour départager Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar, une nouvelle illustration qu’ils sont les seuls habitants de leur galaxie. Pour la première fois, le Danois a dominé le Slovène, normalement plus punchy, dans un face-à-face à l’arrivée et ce fut donc le dernier coup de hache de la journée planté dans le moral du Maillot Jaune.

Celui-ci avait pourtant lancé le manège comme il l’avait imaginé, après avoir cravaché ses chevaux d’UAE dans le col de Néronne, première des quatre ascensions du final, avec pour résultat une explosion générale, d’une accélération à 600m du sommet du pas de Peyrol, dans les pourcentages les plus durs de la journée. Comme au Galibier, le 2juillet, le Slovène creusa un petit trou sur Vingegaard dans les derniers mètres de la pente, 5 secondes, alors qu’en deuxième rideau, Primoz Roglic et Remco Evenepoel patinaient, mais sans se déliter. Un avantage qu’il agrandit dans la descente, comme dans les Alpes, pour le porter à 30 secondes au pied de la montée suivante, celle du col de Pertus. Mais la comparaison s’arrêta là et ce fut le point de bascule.

Vingegaard est vraiment entré dans son Tour

Le leader de Visma-Lease a bike, en gestion, produisit son effort à ce moment-là pour aller repêcher son rival en seulement 4,4 km d’ascension et l’assommer d’un premier coup de gourdin. Au bilan des opérations, le gain est marginal, une seconde au jeu des bonifications, encore 1’14’’ de débours au général sur Pogacar, mais le Danois sait qu’il a gagné bien plus. Malgré ce match quasi nul, le combat a basculé de son côté pour la première fois dans ce Tour, du moins d’une manière si tranchée.

Depuis le départ de Florence, il avait déjà montré qu’il était capable de répondre au Slovène, mais hier il a créé l’impression que le meilleur était à venir, qu’il lui restait toujours à ouvrir les vannes, dans l’attente de la journée où il aura décidé de vider le réservoir, à l’image du Granon il y a deux ans ou du chrono de Combloux l’an passé. Il a ébranlé le moral de Pogacar avec ce qu’il a réalisé hier sur le vélo, en le rattrapant et en le neutralisant, mais encore plus avec ce qu’il a laissé planer pour la suite, la perspective que la foudre tomberait un jour.

Le Danois est vraiment entré dans le Tour de France hier, parce qu’il a effacé tout le blabla d’avant-départ, le bluff de son staff sur son niveau de jeu, et parce qu’à l’arrivée il a fendillé l’armure de ses larmes, de ses sanglots, au moment de regarder dans les rétroviseurs, les trois mois depuis sa chute au Pays basque.

Loin d’une fragilité, il dévoilait plutôt son implication émotionnelle, les ressorts psychologiques qui l’accompagnent dans sa mission et qui seront des adjuvants quand il puisera très profond. Les Pyrénées, à partir de samedi, devraient être la prochaine escale de leur lutte et d’ici là, Pogacar aura quelques points à ruminer. Dans le final, il avait l’air d’être à la recherche d’un gel, ce qui a alimenté la piste d’une hypoglycémie, mais si cela avait été le cas, il n’aurait jamais pu suivre Vingegaard jusqu’à l’arrivée. Une partie de ses réserves était à plat, c’est certain, et c’est pour cela qu’il ne s’est pas imposé au sprint, privé de turbo.

L’imprévisibilité de Pogacar et la méticulosité de son équipe désaccordées

Surtout, dans la stratégie, la nature imprévisible, sauvage et offensive du Maillot Jaune a pour l’instant du mal à se mettre en harmonie avec le travail du train de son équipe, par définition précis, méticuleux, comme si les deux ne parvenaient pas à s’emboîter, comme si le leader d’UAE n’arrivait pas à tirer le meilleur de son effrayante armada.

Hier, Pogacar a ainsi attaqué à l’endroit que beaucoup auraient pu prédire, dans la dernière partie redoutable du pas de Peyrol, une manoeuvre téléphonée et peutêtre trop loin de l’arrivée, plus de 30km, alors qu’une de ses forces a toujours été de porter le danger partout et tout le temps. Surtout, il s’est envolé alors que Joao Almeida était encore dans les parages et qu’il n’avait pas assuré un relais. Il n’a donc pas utilisé toute la profondeur de banc de sa formation, et d’autant plus que Juan Ayuso ne se sentait pas bien et n’a donc servi à rien.

On se demande bien comment l’étape se serait achevée si Tadej Pogacar avait demandé à ses gardes du corps de moins s’épuiser derrière l’échappée, de rouler jusqu’au bout de l’étape pour qu’il décolle plus loin, à un moment où il aurait pu creuser un écart et le conserver jusqu’à la ligne. Pendant ce temps-là, Jonas Vingegaard a navigué quasiment seul, puisque son dernier lieutenant, Matteo Jorgenson, a été dégagé à plus de 30 bornes du terme (16e de l’étape à plus de quatre minutes). Une dernière pierre dans le jardin du Maillot Jaune.

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