L’Arabie saoudite active le «media power»


Gianni Infantino, président de la FIFA, et Ronaldo, jeudi, 
lors du tirage au sort de la Coupe du monde des clubs.

Plusieurs observateurs voient l’ombre du royaume saoudien derrière l’acquisition récente, auprès de la FIFA, des droits télé du Mondial des clubs par DAZN. 
D’autant plus qu’il est sur le point d’obtenir l’organisation de la Coupe du monde 2034.

7 Dec 2024 - L'Équipe
SACHA NOKOVITCH

On ne sait pas si Gianni Infantino, le président de la FIFA, est doué en affaires, mais il parvient pour l’instant toujours à ses fins. Y compris pour sa Coupe du monde des clubs nouvelle formule, à 32 équipes, organisée aux États-Unis du 15 juin au 13 juillet prochains. Même s’il a dû revoir ses ambitions à la baisse (2 milliards de dollars, soit 1,9 Md€, de revenus espérés, contre 4 visés au départ), le Suisse est en train d’aller chercher cet argent avec les dents… Et surtout avec son influence.Gianni Infantino, président de la FIFA, et Ronaldo, jeudi, lors du tirage au sort de la Coupe du monde des clubs.

Le milliard généré par des partenaires commerciaux (Bank of America, Hisense, en attendant certainement Coca-Cola et d’autres, possiblement saoudiens) semble atteignable. L’autre milliard, provenant des droits de diffusion, est, lui, tombé mercredi comme par miracle la veille du tirage au sort de la compétition. La plateforme DAZN aurait en effet posé sur la table une somme proche de celle attendue pour diffuser la compétition dans le mondeentier,gratuitement,mêmesilemontantdu deal n’a pas été confirmé par les deux partenaires.

Pendant longtemps, Infantino imaginait convaincre Apple et sa plateforme Apple TV +tout comme Vincent Labrune l’escomptait pour les droits de la Ligue 1… Sans succès, à l’instar de son homologue de la LFP. Sentant le vent tourner dans le mauvais sens, le patron du foot mondial a dû se résoudre, en septembre, à sonder l’ensemble du marché sur les différents territoires. Mais en cumulant les offres potentielles, comme celle de la chaîne américaine Fox (10 millions de dollars) ou celle encore moindre de la française M6, le compte était loin d’être bon.

Selon plusieurs acteurs du marché, ces dernières semaines, la FIFA semblait d’ailleurs toujours en quête d’un accord… Jusqu’à ce que la pluie de dollars tombe de DAZN, la société du milliardaire britannique d’origine ukrainienne Len Blavatnik.

Et alors que, depuis plusieurs semaines, est annoncée la prise de participation imminente de 10 % de la plateforme par le Fonds d’investissement public de l’Arabie saoudite (PIF) contre… un milliard de dollars. Une information démentie à Reuters par le PIF en octobre. Sollicité ces derniers jours par L’Équipe, le fonds souverain n’a cette fois pas répondu. Quant à DAZN, aucune réaction officielle non plus, même si une source proche de la direction nous assure que « l’accord avec la FIFA est entièrement financé par les actionnaires existants de DAZN et qu’il n’y a pas d’accord entre DAZN et l’Arabie saoudite pour vendre une participation dans la société » .

Entre ce silence du PIF et un démenti du bout des lèvres de la plateforme, tout le milieu audiovisuel imagine les liens entre l’Arabie saoudite et DAZN se resserrer davantage. D’autant plus que le groupe média n’est toujours pas rentable, malgré les 5 milliards de dollars déjà injectés par Blavatnik. Et que de nombreux contrats ont été déjà signés ces dernières années autour des événements organisés par le royaume et diffusés par la plateforme: de la boxe au Championnat national de foot (Saudi Pro League) en passant par le LIV Golf. Surtout, les observateurs voient dans cette probable entrée au capital de DAZN, accompagnée d’argent frais, une façon déguisée de l’Arabie saoudite de venir en aide à la FIFA et à son président, alors que le congrès de l’instance doit officiellement la désigner mercredi prochain organisatrice du Mondial 2034.

« Il n’y a évidemment aucun modèle économique pour DAZN à ce prix-là, avec une diffusion gratuite de cette Coupe du monde des clubs, à une période peu idéale sur le marché publicitaire, assure JeanClaude Darmon, l’ex-argentier du football français. Mais pour le PIF, via DAZN, cet investissement serait valorisé par la communication internationale autour de sa future Coupe du monde et le gain d’influence qui en découleront. Ces prochaines années, l’Arabie saoudite, en accroissant ensuite sa participation au sein de la plateforme, pourrait couvrir les coûts, par exemple, d’une acquisition des droits de diffusion de son Mondial et de Championnats européens influents.»

Cette stratégie en rappelle une autre. En 2011, quelques mois après avoir obtenu l’organisation de la Coupe du monde 2022, le Qatar avait racheté le PSG et commencé à développer mondialement sa chaîne Al Jazeera Sport, renommée dès 2012 beIN Sports. « Honnêtement, à ce jour, le secteur des médias n’a pas encore été pleinement développé ni exploité par le PIF, signale Mazen Hayek, consultant médias et ancien porte-parole du diffuseur saoudien MBC. Ce domaine ne figurait pas parmi leurs priorités stratégiques et est souvent perçu comme un “centre de coûts”. Mais l’organisation à venir de la Coupe du monde 2034 ouvre un potentiel considérable pour une augmentation significative de leurs investissements dans ce secteur pour les années à venir. Le Qatar et beIN Sports ont perdu de l’argent avec l’organisation, la tenue et les droits de diffusion du Mondial 2022. Mais ceci dit, pour l’Arabie saoudite, tout comme pour le Qatar, la tenue d’un Mondial de foot fait partie de son soft power et donc de sa réputation globale. Les pertes seraient “justifiées” d’une façon ou d’une autre. » « C’est une copie conforme de la stratégie qatarienne, qui coûte cher, mais qui a payé, renchérit Darmon. Regardez le résultat, personne ne savait que le Qatar existait avant l’obtention de l’organisation de la Coupe du monde et tous les investissements qui ont suivi. Aujourd’hui, le monde entier reçoit l’émir. »

Mais l’Arabie saoudite doit aussi soigner sa réputation dans les médias. Pour développer sa Saudi Pro League, avec l’arrivée de Cristiano Ronaldo à AlNassr en janvier 2023, le royaume a voulu soigner la production de ses matches. Pour cela, il en avait confié la réalisation des plus grosses affiches au réputé réalisateur français François Lanaud, accompagné de plusieurs techniciens français. Payés par la société Alamiyah au début, une partie d’entre eux attendrait depuis janvier d’être réglés de plusieurs mois d’impayés. Lanaud aurait aussi stoppé sa collaboration.

« Me concernant, cela fait 7 000 euros que je réclame depuis des mois, témoigne un opérateur ralenti préférant garder l’anonymat. Ils ont mis des moyens extraordinaires sur la production de leurs matches, plus que ce qu’on connaît en Ligue 1, avec plus de 25 caméras pour les gros matches, 6 loupes, des spider cams, des drones dans tous les sens… Mais pour nous payer, c’est plus compliqué. » Contactée, Alamiyah n’a pas répondu à nos sollicitations. En attendant, en France, la Saudi Pro League ne décolle toujours pas sur Canal+ (4000 abonnés devant Al Nassr - Damac, 2-0, le vendredi29 novembre), alors que les contrats du Championnat avec les diffuseurs du monde entier arrivent à échéance à l’issue de cette saison. À défaut de proposition de ses concurrents, DAZN pourra toujours candidater pour une diffusion mondiale…

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