Stephen Roche - Le Loup de Dublin


Le plus Français des Irlandais 

HENRI QUIQUERE' ET ARNAUD PAUPER
Tour de France - 100 ans: le vainqueurs (2003)

Non seulement il a gagné les Tours de France et d’Italie, endossé le maillot arc-en-ciel de champion du monde, mais encore a-t-il, en cette saison 1987, emporté toutes les sympathies, conquis tous les publics et bien au-delà de celui du vélo et des sportifs ! En quelques mois, il est devenu une grande vedette par la grâce de ses résultats tout à fait exceptionnels et par son comportement fait de sympathie, d’humour, de simplicité et de sportivité. Il est vrai que l’homme capable, à l’arrivée d’une étape de haute montagne, de répondre à une question aussi urgente et pertinente que : « Comment avez-vous passé la journée ? », de répondre dans le souffle : « À vélo », cet homme-là inspire la sympathie, voire l’amitié. De la même façon ne peut-on le considérer que comme intelligent quand à un intervieweur tenté de le déranger en lui demandant : « Un champion est-il égoïste ? », il rétorque : « Les autres, je ne sais pas mais moi, je ne crois pas, puisque je suis encore en mesure de mesurer l’égoïsme des autres ! » 

On a prétendu que la victoire l’avait métamorphosé. C’est naturellement faux. Simplement, avant d’avoir gagné, avant de s’être affirmé parmi les plus grand avec ce triplé exceptionnel que le seul Eddy Merckx avait pu accomplir avant lui en 1974, il n’avait cure de passer pour un paysan irlandais qu’il n’était pas et de n’être pas approché de très près par les journalistes. Ce qui comptait à ses yeux, c’était de devenir le champion de légende qu’il avait rêvé d’être dans son Dublin natal quand il avait commencé à gagner ses premières courses et qu’il s’était découvert une ambition telle qu’il vaut mieux ne pas l’avouer pour ne pas être considéré tel un prétentieux. Une ambition qui lui avait fait traverser la Manche pour venir s’installer à Paris et signer une licence à l’Athletic Club de Boulogne-Billancourt. C’était en 1979, il avait 20 ans (né le 28 novembre 1959), il ne parlait pas un mot de français même s’il se targuait d’un ancêtre hexagonal lui ayant donné ce nom de famille bien de chez nous et possédait au plus haut point cet esprit de combat attribué ataviquement à ses compatriotes, alors qu’il n’est en fait que celui d’hommes fiers d’une terre pauvre et longtemps opprimée, où le fait de se battre est une condition absolue de survie… La misère, disons plutôt une gêne proche de la misère, Stephen l’avait vécue dans son Dublin guère différent de celui décrit par Joyce. Son père, ouvrier d’usine, se devant d’accepter des salaires de misère pour ne pas pointer au chômage, et lui, plombier-zingueur, devant faire mille petits boulots pour payer une partie de ses études d’abord, puis pour s’offrir le vélo décent dont-il avait besoin pour satisfaire à sa passion. Alors, à Paris, il n’y venait pas tel un Rastignac pour entrer dans le monde, mais bien tel un jeune loup affamé, à qui gagner de quoi s’offrir le billet de retour ne suffisait absolument pas. Et dès la saison suivante, celle de 1980, il gagnait quelques classiques amateurs dont un Paris-Roubaix qui lui valut d’être engagé chez les professionnels au sein de l’équipe Peugeot. Et quelle entrée fracassante dans ce monde, au moins aussi impitoyable que celui de son Irlande, puisqu’il alignait coup sur coup : le Tour de Corse, Paris-Nice, le Circuit d’Indre et Loire, l’Étoile des Espoirs, et accrochait une deuxième place dans les Nations. La suite ne devait pas être à l’instar. Certes, il gagnait des courses et des belles : plusieurs fois le Tour de Romandie, le Grand Prix de Wallonie, l’Étoile des Espoirs encore, mais il était loin de concrétiser les espoirs qu’il avait fait lever. 

Des excuses ? On avançait des questions de moral, d’environnement, et puis il y eut aussi des blessures, des problèmes de santé. Jusqu’à cette année 1987 où il s’est mis enfin à ressembler au portrait que traçait de lui Raphaël Géminiani durant le Tour de France 1985. Un Tour qu’il termina en troisième position et où il gagna une étape dans les Pyrénées. C’est là que le « Grand Fusil » affirma : « C’est un super champions, il gagnera le Tour l’année prochaine ou dans deux ans au plus tard. » Cela fit rire. Sacré « Gem », qui a toujours tort d’avoir raison trop tôt ! 

« Je suis irlandais, dit Stephen avec ce sourire qui lui éclaire tout le visage, les yeux et le front compris. C’est un pays où les hommes tranquilles savent se mettre en colère. Je me suis mis en colère, il n’y a pas d’autres explications. » 

Pourquoi pas ? 

Et sa plus grande fierté n’est peut-être pas d’avoir gagné tant et tant en 1987. Ce serait plutôt d’être rentré dans son pays, qui n’est plus tout à fait le sien puisqu’il s’est marié en France, qu’il a deux enfants, qu’il y a fait bâtir une maison, tel un héros national. Dans son ile d’Émeraude, là où il fait si bon vivre mais d’où il faut si souvent partir, il a été accueilli comme jamais personne ne l’avait été. Au pays du rugby et de la boxe, ils étaient plusieurs milliers massés entre l’aéroport de Dublin et l’hôtel de ville à l’acclamer. Ni le pape, ni Kennedy, autre émigré célèbre, n’avaient reçu un tel accueil : « Il faut être irlandais pour comprendre ce qu’on ressent dans ces moments-là », soupire-t-il. De la même façon, faut-il être irlandais pour supporter avec autant de quiétude la rançon de la gloire, c’est-à-dire les festivités et les sollicitations de toutes parts. S’il en a accepté beaucoup, il en a refusé beaucoup plus encore, préférant durant l’hiver remettre le bleu de chauffe pour bricoler les Triumph dont il fait la collection et manier le poste à soudure autogène pour fabriquer une barrière métallique à la maison du Vexin. Il est toutefois quelque chose qui l’a profondément touché : l’invitation faite par François Mitterrand de l’accompagner dans son voyage officiel en Irlande. Il sait maintenant être reconnu dans son pays natal autant que dans celui que le vélo et la vie lui ont fait adopter. Un homme heureux ? 

Oui, oui, oui ! Et en dépit de cette opération au genou subite durant l’hiver, qui a fortement retardé sa préparation pour l’an 1988, Stephen est un optimiste. Et à tout crin. On lui a soufflé la phrase de Paul Valéry : « Les optimistes écrivent mal. » Il rétorque : « Mais ils pédalent bien. » Cela en riant et avec la gouaille de l’enfant des villes qu’il est et qu’il tient à demeurer. Titi de Dublin, c’est sa différence avec son compatriote, rival et néanmoins ami, Sean Kelly qui, lui, était laitier. 

« La seule chose importante, dit-il, c’est qu’à deux Irlandais nous ayons fait d’une discipline d’exil l’une des meilleures du monde. C’est tout de même plus honorable d’être les meilleurs en vélo que d’avoir fait la meilleure police du monde à New York. » 

Handicapé par des blessures à répétition, Stephen n’a pas réédité les exploits de son année 1987. Il n’en a pas moins inscrit à son palmarès le Grand Prix d’Eibar (1989), les Quatre Jours de Dunkerque (1990), le Critérium international de la route, la Semaine catalane (1991) et il a tenu à finir la tête haute sa carrière en enlevant une étape du Tour de France 1992. Certes, il a laissé un gout d’inachevé tant sa classe était évidente mais il ne regrette rien et se refuse à évoquer ses échecs parce que ne voulant se souvenir que de ses réussites. Celle sur laquelle il est plus loquace concerne sa reconversion. Il a eu l’idée de monter, aux Baléares, un centre d’entrainement pour les amateurs et les cyclosportifs, et cela marche très bien. Au point de lui lasser du temps pour profiter de ses trois voitures, des Triumph de collection. 


Longtemps considéré comme un coureur au mental fragile 
Et aux allures dilettantes, Stephen Roche démontra très vite 
Qu’il était bel et bien tout le contraire de cela. Sou son visage 
Angélique se cachait un redoutable combattant doté 
D’un véritable tempérament de guerrier. C’est dans 
L’adversité que l’on découvrait ce véritable coureur.

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