Mort de Maggie Smith, chapeau bas


Elle était déjà l’un des visages les plus connus du théâtre et du cinéma britannique avant de devenir une actrice d’envergure internationale avec ses rôles dans «Harry Potter» et «Downton Abbey». Elle est morte vendredi à 89 ans.

28 Sep 2024 - Libération
Par Juliette Démas - Correspondante à Londres

C’est un ton inimitable, qui sort d’une bouche pincée, ne découvrant que les dents du bas. Un mélange d’humour et d’autodépréciation acide, coulé du bout des lèvres – la quintessence de l’intraduisible britishness. Maggie Smith est au cinéma britannique ce que la sauce à la menthe est au gigot d’agneau outre-Manche: incontournable, relevée, et un peu étonnante pour les novices. «Quelqu’un a dit un jour […] qu’elle soupirait avec l’air de quelqu’un dont le pied vient de rencontrer, à nouveau, une peau de banane», écrivait en 1969 une journaliste du Guardian à son sujet. Dame Maggie s’apprête alors à recevoir l’oscar de la meilleure actrice pour les Belles Années de Miss Brodie, film dans lequel elle incarne –déjà– une professeure écossaise et excentrique. C’est la première récompense d’une longue liste qui comptera un second oscar (en 1979 pour California Hotel), trois Golden Globes, trois Emmy Awards et six Baftas, en plus des décorations réglementaires pour «services rendus aux arts de la scène».

Smith n’est, de son propre aveu, pas une grande tragédienne. Shakespeare n’est «pas son dramaturge préféré» malgré ses débuts sur scène dans la Nuit des rois et Othello. Les principaux rôles classiques lui ont échappé – la faute à une certaine Judi Dench, assure-t-elle, qui est toujours la première à s’en emparer. Son talent réside plutôt dans le rire. Son style, précis et sec, introduit une distance entre elle et ses rôles, où vient se nicher un comique qui donne aux personnages toute leur saveur. Smith a développé au fil des ans un ensemble de regards désapprobateurs et de mimiques qui jugent sans rien dire, et ont fait le succès de films tels que la Dame dans la camionnette (2015), dans lequel elle incarne une sans-abri venue vivre dans l’allée d’un dramaturge britannique. Son visage angulaire, avec ses yeux immenses, retient l’attention. Son sens acéré du langage fait le reste.

Saga. En plus d’éclipser les performances de ceux qui jouent à ses côtés, Dame Maggie Smith (elle a été anoblie en 1990) a la réputation de terroriser ses collègues. Ce qu’elle assume parfaitement: «C’est allé trop loin pour revenir en arrière maintenant. Les gens seraient encore plus effrayés si j’étais gentille.» D’abord connue pour ses rôles dans Voyages avec ma tante (1972), Mort sur le Nil (1978) et Chambre avec vue (1985), elle a fini par prêter son visage, à partir de 2001, à Minerva McGonagall, sévère professeure de métamorphose à l’école de sorciers de Poudlard, dans les adaptations cinématographiques de la saga Harry Potter. Les acteurs disent souvent qu’il ne faut jamais jouer avec des enfants ou des animaux : elle se retrouvera donc tout naturellement dans une salle de classe avec une soixantaine d’espèces à pattes, à plumes et à écailles, ainsi que plusieurs dizaines d’enfants armés de baguettes magiques. Malgré un cancer du sein en 2007, elle reviendra tourner le reste de la saga, dont les sorties s’échelonneront jusqu’en 2011. Elle en gardera certains de ses pires souvenirs de tournage, et une aversion prononcée pour les «stupides» chapeaux pointus.

Mais c’est depuis qu’elle a incarné la piquante comtesse douairière de Grantham, Violet Crawley, dans la série Downton Abbey que, pour son plus grand malheur, les gens se sont mis à la reconnaître dans la rue. «C’est la télévision, que voulez-vous», explique-t-elle en interview, roulant des yeux horrifiés, avant d’ajouter qu’elle ne peut plus aller dans les musées sans se faire arrêter par «des Américains». Elle n’a d’ailleurs jamais regardé la série, et évite au maximum de se voir à l’écran, «sauf aux premières… quand on nous force». Le caractère irréversible des films lui déplaît, alors qu’au théâtre, «on peut toujours réessayer le lendemain». Elle ne cache pas sa préférence pour les planches, malgré une pause de douze ans dans sa carrière de comédienne, qui la voit retourner sur scène en 2019 pour incarner la secrétaire de Goebbels dans A German Life.

Ses parents pensaient pourtant qu’«avec une tête pareille», elle n’aurait jamais de succès. En effet, Smith n’a rien d’une beauté conventionnelle. Elle a grandi à Oxford, où sa mère, une secrétaire de Glasgow, et son père, un pathologiste de Newcastle, lui racontent qu’ils se sont rencontrés dans le train – «même si je ne sais pas comment ça peut être vrai, car le train pour Glasgow ne s’arrêtait pas à Newcastle», tempère-t-elle. Ses frères jumeaux, deux architectes brillants, la précèdent de six ans et elle évolue dans un contexte tendu, où seuls les livres sont autorisés.

«Terrifiée». Son biographe, le critique de théâtre Michael Coveney, la décrit comme «une enfant solitaire, en désaccord avec [sa famille] ainsi qu’avec elle-même», dont «l’instinct n’était pas de se rebeller» mais «de se moquer avec malice depuis les coulisses, et de conserver, furtivement, son propre esprit et son indépendance». Margaret ne va pas au théâtre et n’est même pas retenue pour la pièce de fin d’année – jugée «trop ordinaire». C’est une de ses prof d’anglais qui la pousse à jouer, et elle part s’inscrire dans une école de théâtre à 16 ans. La suite ne déplairait pas aux scénaristes de comédies romantiques. A 18 ans, elle rencontre le dramaturge Beverley Cross, qui la demande en mariage. Le temps que celui-ci finalise son divorce, elle tombe amoureuse d’un autre, l’acteur Robert Stephens, avec qui elle aura deux fils. Elle rejoint avec lui le Royal National Theatre et conquiert la scène londonienne. Quand, en 1974, l’alcoolisme et les infidélités de Stephens ont raison de leur mariage, Smith retrouve Beverley Cross. Il ne l’a pas oubliée, ils resteront ensemble jusqu’à la mort de celui-ci, en 1998.

A la fin de sa carrière, Smith se disait toujours «terrifiée» lors des tournages, plus de sept décennies d’expérience ne l’aidant apparemment pas à relativiser. Pas de quoi la dissuader pourtant d’entamer une nouvelle carrière, celle de mannequin : en 2023, à 88 ans, elle est engagée par la marque de luxe Loewe pour être l’égérie de sa nouvelle campagne publicitaire, mettant sa popularité au service de la visibilité des personnes âgées. L’occasion d’afficher une nouvelle fois, au coeur de son visage émacié, ce sourire sarcastique qui était sa marque de fabrique. Maggie Smith est morte vendredi, elle avait 89 ans.

***

Morte di Maggie Smith, tanto di cappello

Era già uno dei volti più noti del teatro e del cinema britannico prima di diventare un'attrice di fama internazionale con i suoi ruoli in “Harry Potter” e “Downton Abbey”. 
È morta venerdì all'età di 89 anni.

28 settembre 2024 - Libération
Di Juliette Démas - Corrispondente a Londra

È un tono inimitabile, che esce da una bocca schiacciata, che rivela solo i denti inferiori. Un misto di umorismo e acida autoironia, che le sgorga dalla punta delle labbra: la quintessenza dell'intraducibile britannicità. Maggie Smith è per il cinema britannico quello che la salsa alla menta è per il cosciotto d'agnello d'oltremanica: ineludibile, piccante e un po' spiazzante per i neofiti. “Qualcuno una volta ha detto [...] che sospirava con l'aria di chi ha appena incontrato, di nuovo, una buccia di banana”, scrisse di lei un giornalista del Guardian nel 1969. Dame Maggie stava per ricevere l'Oscar come miglior attrice per Gli ultimi anni di Miss Brodie, un film in cui interpretava - già - un'eccentrica insegnante scozzese. Fu il primo di molti riconoscimenti, tra cui un secondo Oscar (nel 1979 per California Hotel), tre Golden Globe, tre Emmy Award e sei Bafta, oltre alle onorificenze previste dalla legge per i “servigi alle arti dello spettacolo”.

Smith, per sua stessa ammissione, non è mai stata una grande tragediografa. Shakespeare “non è il suo drammaturgo preferito”, nonostante il suo debutto sul palcoscenico in La dodicesima notte e Otello. I principali ruoli classici le sono sfuggiti - colpa di una certa Judi Dench, insiste, che è sempre stata la prima a coglierli. Il suo talento risiede piuttosto nelle risate. Il suo stile, preciso e asciutto, introduce una distanza tra lei e i suoi ruoli, in cui si annida un elemento comico che dà ai personaggi tutto il loro sapore. Nel corso degli anni, Smith ha sviluppato una serie di sguardi di disapprovazione e di mimiche che giudicano senza dire nulla e che hanno fatto il successo di film come The Lady in the Van (2015), in cui interpreta una senzatetto venuta a vivere nel vialetto di casa di un commediografo inglese. Il suo volto spigoloso, con i suoi occhi enormi, impone l'attenzione. Il suo acuto senso del linguaggio fa il resto.

Saga. 
Oltre a mettere in ombra le performance di coloro che recitano al suo fianco, Dame Maggie Smith (è stata nominata cavaliere nel 1990) ha la reputazione di terrorizzare i suoi colleghi. E lo accetta in pieno: “Siamo troppo oltre per tornare indietro ora. La gente sarebbe ancora più spaventata se fossi gentile”. Nota per i suoi ruoli in Viaggio con mia zia (1972), Morte sul Nilo (1978) e Camera con vista (1985), ha finito per prestare il suo volto, dal 2001, a Minerva McGonagall, severa professoressa di metamorfosi alla Scuola di Magia e Stregoneria di Hogwarts, negli adattamenti cinematografici della saga di Harry Potter. Gli attori dicono spesso che non si dovrebbe mai recitare con i bambini o con gli animali, quindi era naturale che si trovasse in un'aula con circa sessanta specie di zampe, piume e squame, oltre a diverse decine di bambini armati di bacchette magiche. Nonostante il cancro al seno che l'ha colpita nel 2007, è tornata a girare il resto della saga, che è stata distribuita fino al 2011. Conserverà alcuni dei suoi peggiori ricordi delle riprese e una marcata avversione per gli “stupidi” cappelli a punta.

Ma è da quando ha interpretato la pungente contessa di Grantham, Violet Crawley, nella serie Downton Abbey che, con suo grande dispiacere, la gente ha cominciato a riconoscerla per strada. “È la televisione, che cosa ti aspetti?”, spiega in un'intervista, alzando gli occhi inorriditi, prima di aggiungere che non può più andare nei musei senza essere fermata dagli ‘americani’. Non ha mai guardato la serie ed evita il più possibile di guardarsi sullo schermo, “tranne che alle prime... quando siamo costretti a farlo”. Non le piace la natura irreversibile dei film, mentre in teatro “si può sempre riprovare il giorno dopo”. Non nasconde la sua preferenza per il palcoscenico, nonostante una pausa di dodici anni nella sua carriera di attrice, che la vedrà tornare in scena nel 2019 per interpretare la segretaria di Goebbels in A German Life.

Tuttavia, i suoi genitori pensavano che “con un viso come quello” non avrebbe mai avuto successo. Smith non era affatto una bellezza convenzionale. È cresciuta a Oxford, dove la madre, una segretaria di Glasgow, e il padre, un patologo di Newcastle, raccontano di essersi conosciuti in treno - “anche se non so come possa essere vero, visto che il treno per Glasgow non si fermava a Newcastle”, precisa. I suoi fratelli gemelli, due brillanti architetti, l'hanno preceduta di sei anni e lei è cresciuta in un ambiente teso in cui erano ammessi solo i libri.

“Terrorizzata”. 
Il suo biografo, il critico teatrale Michael Coveney, la descrive come “una bambina solitaria, in contrasto con [la sua famiglia] e con se stessa”, il cui “istinto non era quello di ribellarsi”, ma “di prendere in giro maliziosamente dalle quinte e di conservare, di nascosto, la propria arguzia e indipendenza”. Margaret non andava a teatro e non fu nemmeno selezionata per la recita di fine anno, ritenuta “troppo comune”. Fu uno dei suoi insegnanti di inglese a incoraggiarla a recitare e si iscrisse alla scuola di teatro all'età di 16 anni. Quello che accadde dopo non sarebbe dispiaciuto agli sceneggiatori di commedie romantiche. A 18 anni incontra il commediografo Beverley Cross, che le chiede di sposarlo. Mentre lui stava ultimando il divorzio, lei si innamorò di un altro uomo, l'attore Robert Stephens, da cui ebbe due figli. Con lui entra a far parte del Royal National Theatre e conquista il palcoscenico londinese. Quando l'alcolismo e le infedeltà di Stephens misero fine al loro matrimonio nel 1974, Smith si riunì a Beverley Cross. Non la dimenticò mai e rimasero insieme fino alla morte di lui nel 1998.

Alla fine della sua carriera, Smith ha dichiarato di essere ancora “terrorizzata” durante le riprese e, a quanto pare, più di sette decenni di esperienza non l'hanno aiutata a mettere le cose nella giusta prospettiva. Nel 2023, all'età di 88 anni, era stata ingaggiata dal marchio di lusso Loewe come volto della nuova campagna pubblicitaria, sfruttandone la popolarità per incrementare il profilo degli anziani. È stata l'occasione per mostrare ancora una volta, nel cuore del suo volto emaciato, quel sorriso sarcastico che era il suo marchio di fabbrica. Maggie Smith è morta venerdì, all'età di 89 anni.

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