Ils sont bien mûrs
LE LOSC À LA HAUTEUR
Après un réveil salvateur en seconde période, les Lillois ont décroché un nul à Dortmund qui leur donne le droit d’y croire au retour mercredi prochain. Leur magie européenne a encore opéré.
5 Mar 2025 - L'Équipe
NATHAN GOURDOL
DORTMUND (ALL) – C’était un soir à avoir le vertige, mais ces funambules lillois ne dansent jamais mieux que lorsque le fil prend de la hauteur.68e hier à Dortmund : Nico Schlotterbeck est devancé par Hakon Haraldsson, qui permet à Lille d’égaliser.
Au pied de l’immense Mur jaune qui faisait fantasmer tout leur peuple, uni derrière eux comme jamais à l’extérieur (voir page13), les Dogues ont poursuivi leur incroyable parcours dans cette Ligue des champions, avec un nul qui ouvre le champ de tous les possibles et promet un retour d’anthologie mercredi prochain dans la Cocotte-Minute de Pierre-Mauroy.
Le LOSC avait jusqu’ici perdu tous ses matches à ce stade de la compétition – en 2007 contre Manchester United (0-1, 0-1) et 2022 face à Chelsea (0-2, 1-2) –, mais a définitivement quelque chose de différent en lui cette saison. Il a utilisé les mêmes armes que d’habitude, la force collective, l’adaptation tactique et le brin de désinvolture nécessaire pour couper la chique au plus féroce des opposants. Comment interpréter autrement l’attitude cabotine de Lucas Chevalier, qui a choisi de descendre sa gourde derrière son but au plus près d’un Mur surexcité avant le coup d’envoi, ou cette bise provocatrice d’Alexsandro sur Karim Adeyemi dans les derniers instants du match, alors que la tension était à son comble ?
On a craint un moment que les fantômes du Parc ne ressurgissent
Avec cinq joueurs de 23 ans et moins au coup d’envoi, dont l’ovni Ayyoub Bouaddi, 17 ans, qui ne connaît pas la pression (voir page 12), les effrontés de Bruno Genesio ont encore fait un pied de nez à un grand du continent avec ce mélange de rigueur et d’insouciance qui les rend insaisissables, quand ils sont ainsi. Mardi, Thomas Meunier avait comparé pour L’Équipe ce LOSC 2024-2025 à du René Magritte. C’est encore cet art du contrepied qui a fait merveille hier, trois jours après une gifle à Paris qui avait fait naître des doutes (1-4).
Après ses soirs d’apesanteur de la phase de ligue contre le Real Madrid (1-0), la Juventus Turin (1-1), le Feyenoord Rotterdam (6-1) ou à Madrid contre l’Atlético (3-1), qui lui donnaient des garanties face à l’enjeu, Lille a pourtant commencé à basse altitude. Sans la possession, Dortmund a exploité une faille impardonnable à ce niveau – une absence de marquage sur le poison Karim Adeyemi à l’entrée de la surface – pour faire la différence (22e). On a même craint un moment que les fantômes du Parc ne ressurgissent. Le prestidigitateur Genesio, jamais à court d’idées pour tenter d’enfumer ses adversaires européens, avait cette fois lancé la carte Ethan Mbappé, titulaire pour la première depuis fin août, sur l’aile droite. Un épouvantail venu agiter le souvenir du doublé du grand frère Kylian Mbappé sur la même pelouse huit ans plus tôt avec Monaco (3-2 en quarts de finale aller de C1). Mais pas le meilleur tour sorti du chapeau du technicien nordiste, tant l’ancien Parisien a eu du mal à se lâcher complètement. Un exemple parmi d’autres, car si la défense et le milieu lillois arrivaient largement à tenir la comparaison avec le BVB, l’attaque du LOSC était aux abonnés absents avant la pause.
Comme s’il avait senti qu’il manquait un rien pour changer l’atmosphère, Genesio n’a pas élevé la voix dans le vestiaire. Il a simplement demandé à son groupe d’oser davantage, d’oublier les manuels scolaires une fois la ligne médiane franchie. Un message reçu illico par Jonathan David, passé de Casper à homme à tout bien faire le temps du repos, avec en point d’orgue cette passe décisive délicieuse pour Hakon Haraldsson (68e). Le staff lillois a conservé le même cadre jusqu’au bout, en gardant une pointe de vitesse au moment de remplacer Mbappé par Matias Fernandez-Pardo, autre garnement (20 ans) immédiatement dans le bain (71e).
Porté par cet élan, dans une dernière demi-heure parfois tendue où l’équipe a montré ce qu’elle avait retenu de ses douze matches précédents sur la scène continentale, Lille aurait même pu espérer mieux. « On a presque des regrets de ne pas avoir marqué un deuxième but, mais ça reste un bon résultat, soufflait Genesio, prudent mais souriant à la mitemps de ce sommet. On a peutêtre pris un petit ascendant psychologique qu’il faudra confirmer. » Dans ce qui sera peut-être l’une des plus belles nuits de l’histoire du club.
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« La première fois qu’on a une telle organisation à l’extérieur »
5 Mar 2025 - L'Équipe
N. G. et H. P.
Plus de 5 000 supporters lillois ont pris la route pour défier le Mur jaune hier soir. C’est le plus gros contingent de l’histoire européenne du LOSC à l’extérieur.
Partis de Lille à 6 heures hier matin, Jordan, Philippe et Anthony, qui ont récupéré les Belges Arnaud et Ryan à Charleroi sur leur chemin, avaient pourtant les yeux très grands ouverts au moment de sortir de l’immense boutique du BVB située face à la gare de Dortmund. Excités comme des enfants par la perspective de découvrir enfin ce fameux Mur jaune et ses 25 000 fans en transe, les amis ont tué le temps comme ils le pouvaient, en visitant notamment l’excellent musée du foot allemand situé à deux pas. « Franchement, c’est fou de vivre cette soirée dans un stade mythique, on n’aura peut-être pas l’occasion de revivre ça dans notre vie, souriait Philippe, qui a mis la main sur les billets mercredi dernier, en hallucinant de pouvoir faire le déplacement à 85 euros, essence et place comprise. On a l’impression que depuislematchd’AstonVillal’année dernière (en quarts de finale de Ligue Europa Conférence, 1-2 à l’aller ; 2-1, 3-4 aux t.a.b. au retour), il s’est passé quelque chose. »Venus en nombre, les supporters lillois ont sû faire entendre leurs voix parmi les plus de 80 000 spectateurs présents au Signal Iduna Park hier soir.
Une ambiance digne du titre en 2011
Tandis qu’ils étaient déjà 3000 Lillois à avoir entonné You’ll Never Walk Alone avec les fans de Liverpool à Anfield le 21 janvier (1-2), le contingent est cette fois bien plus important, avec plus de 5000 Dogues, dont la moitié venue sans être affiliée à un groupe, rassemblés pour entendre à nouveau l’hymne magique de Gerry and the Pacemakers au Signal Iduna Park. Tout simplement le déplacement le plus massif de toute l’histoire européenne du LOSC ! L’ambiance assurée par la vague lilloise dans les rues de Dortmund a été superbe à voir, et le cortège a redoublé de voix à l’approche du stade.
«C’était incroyable, une telle ambiance avant le match, je n’avais vu ça que l’année du titre à Lille (celui de 2011). Ça me donne envie de faire le tour des stades allemands», soufflait Philippe à quelques minutes du coup d’envoi. Dans le stade, alors que retentissait l’hymne de la Ligue des champions, une trentaine de fumigènes ont été craqués dans le parcage visiteurs. Et s’il était limité à 3813 personnes, le rouge dépassait très largement pour se frayer un espace dans la nuit jaune. « On a même vu un tifo dans notre tribune, je crois que c’est la première fois qu’on a une telle organisation à l’extérieur au LOSC. C’est l’osmose globale de la saison qui fait qu’il y a de plus en plus de monde », concluait Jordan, déjà impatient du match retour.
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LILLE - La note moyenne 6,3
André ............................. 7
Il a eu son volume habituel dans un grand rendez-vous. Il vient couper et récupérer Adeyemi pour concéder un corner qui amènera toutefois l’ouverture du score allemande (22e). Il a tenu son équipe dans la parole et le geste en patron. Son entente avec Bouaddi a été une des clés du match.
Chevalier ...................... 5
Difficile de juger le jeune gardien lillois de 23 ans sur une telle soirée. Il ne peut absolument rien sur le bijou d’Adeyemi (22e) et s’est contenté de miettes ensuite. À son crédit, il s’est montré efficace dans son jeu au pied et serein sur les rares ballons qu’il a eu à toucher.
Mukau ............................ 6
Il a enclenché le pressing mais en étant trop loin offensivement de David en première période. Il n’a guère porté le danger dans le jeu malgré une frappe puissante au ras du poteau gauche (26e). Il a haussé son rythme en seconde période avant d’être remplacé par André Gomes (77e).
Meunier ......................... 5 Ce fut compliqué en première période pour lui avec des approximations techniques et des difficultés à gérer sa profondeur. Mais il a su remonter la pente ensuite en étant peut-être moins ambitieux dans le jeu, moins généreux dans ses courses mais bien plus juste. Et utile.
J. David .......................... 6
Son réveil après l’heure de jeu a changé son match. Sa passe décisive pour Haraldsson est subtile en attirant Can pour libérer l’espace (68e). Il est aussi monté d’un ton dans le combat après avoir trop souvent couru dans le vide. Mais il avait un client en face avec Schlotterbeck.
B. Diakité ...................... 7
Une énorme perte de balle (33 e ) dans sa surface aurait pu anéantir une rencontre parfaitement maîtrisée où le défenseur a d’entrée montré qu’il serait présent dans le combat, avec une récupération très agressive dans les pieds de Guirassy. Une performance très aboutie.
Haraldsson ................... 7
Son appel plein axe est superbe pour venir tromper du bout du pied droit Kobel (68e). Il n’avait pas apporté grandchose jusque-là. Il est monté en puissance en dézonant et en se projetant davantage dans la surface. L’entrée de Fernandez-Pardo (71e) lui a fait du bien en le replaçant à droite.
Alexsandro ................... 7
Le Brésilien a été très solide, avec notamment un jeu de tête mordant dans certains moments chauds. Il a aussi bien gêné Guirassy (10e), seul face au but, et doublé du côté d’Adeyemi quand il le fallait. Et rarement ennuyé avec la balle quand il fallait relancer sans précipitation.
Ismaily .......................... 6
Pas simple de devoir se frotter à Adeyemi et il s’y est collé tant bien que mal. Le Brésilien a su gérer intelligemment par son placement les qualités de son adversaire. Il a été utile aussi avec son calme et sa technique dans les ressorties de balle. Et des montées incisives. Remplacé par Bakker (77 e ).
L’entraîneur
Genesio .......................... 6
Il a aligné Mbappé pour prendre une profondeur que Bakker ne lui avait pas offert samedi. Il a su remettre son équipe à l’endroit à la mi-temps en replaçant ses hommes comme il le fallait. Ses remplacements ont aussi aidé l’équipe à trouver un second souffle. F. V. et H. P.
L’arbitre
Sanchez Martinez .. 7
L'Espagnol a bien tenu son match, même si la dernière demi-heure a été très difficile à arbitrer, sous la pression du Mur jaune qui éructait à chaque faute sifflée contre le BVB. Une situation litigieuse sur David dans la surface (56e). N. G.
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BVB - 5,1
Adeyemi adore le LOSC
Dortmund a ouvert le score grâce à une frappe superbe de l’extérieur du pied gauche d’Adeyemi (7), qui aime décidément le LOSC, lui qui avait déjà signé un doublé contre les Dogues avec Salzbourg il y a trois ans (2-1, en phase de groupes de la C1). De l’autre côté, BynoeGittens (5) a bien démarré avant de s’éteindre et de sortir peu après l’heure de jeu. Devant eux, Guirassy (4) a été très peu servi et il a beaucoup raté. Derrière,
Schlotterbeck (6)
a été très sûr et Svensson (6) a fait preuve d’une grosse activité et de beaucoup d’engagement.
Ryerson (4)
a été décevant, même s’il est resté dangereux sur coups de pied arrêtés.
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