LUIS ENRIQUE - Figures de style


Philosophie, management, méthode, l’entraîneur du PSG s’est construit sous l’influence de ses différents coaches. Avec le désir vite affirmé de développer sa propre touche.

“Il y a un décalage entre son image publique en conférence de presse de gars odieux, désagréable, et comment il peut être dans un vestiaire, exigeant, certes, mais communicatif, attentionné, drôle, même''
   - LLUIS LAINZ, MEMBRE DU STAFF TECHNIQUE
     DU FC BARCELONE ENTRE 1996 ET 2008

11 Mar 2025 - L'Équipe
JOSÉ BARROSO (avec A. M. L.)

On pourrait dire que Luis Enrique est entraîneur comme il était joueur. « En avril 2001, je suis rappelé sur le banc du Barça et, pour le premier match, je le mets latéral droit, raconte Carles Rexach, icône blaugrana. Ça ne lui plaît pas mais je lui dis : “La situation est urgente, j’ai besoin des onze meilleurs”. Il a compris et fait un super match dans l’intérêt collectif. Il avait cet état d’esprit, c’était le seul qui pouvait jouer partout. » Défenseur, pivot, relayeur, ailier, numéro10 ou avant-centre, l’Asturien a expérimenté la polyvalence qu’il prône tant aujourd’hui.

Dans sa seconde vie sur les bancs, entamée en 2008, l’actuel entraîneur du PSG (54 ans) s’est construit avec la même approche syncrétique. Quand des interlocuteurs l’amènent sur ce terrain, il répète qu’il a emprunté à tous ses coaches. Y compris les mauvais, aime-t-il à préciser dans un sourire, car il a aussi appris de leurs erreurs. « Il est au confluent de nombreuses influences, de styles et d’époques différentes, et il a fait un mix de tout cela », résume Rexach, rappelant par exemple que « Lucho » a démarré en sélection sous les ordres de Luis Suarez, icône du Barça et de l’Inter des fifties-sixties, Ballon d’Or 1960. Pas de modèle unique ni d’idole avouée, donc, mais certaines figures ont compté plus que d’autres quand même.

Dans le management, il est proche d’un Javier Clemente, son sélectionneur de 1992 à 1998. Un homme de conviction, impulsif et têtu, qui l’a marqué par sa capacité à galvaniser ses troupes et à faire de chaque match un combat. « Lucho est un élève de Clemente, très direct avec la presse par exemple, souffle l’ex-attaquant Raul Ruiz, proche de Luis Enrique et consultant pour Cade na Ser. I la déjà dit qu’ il se jetterai t parla fenêtre si Clemente le lui demandait. Pour moi, c’est celui qui l’a le plus influencé. » Même s’il s’est évertué à mettre plus de souplesse et d’écoute au fil du temps, Lucho reste décrit par certains collaborateurs comme un technicien radical, orgueilleux et prêt à mourir avec ses idées comme il en a fait la démonstration à la Coupe du monde 2022 (défaite en huitièmes de finale contre le Maroc, 0-0, 0-3 aux t.a.b.).

Sur le plan tactique, il a beaucoup appris auprès de Louis Van Gaal au Barça (19972000 puis 2002-2003), en particulier sur la science du pressing, l’importance du mouvement. Les deux hommes passaient leur temps à se chicoter sur tel ou tel choix, mais ils nourrissaient la même obsession pour la réflexion sur le jeu, l’exigence, le travail.Avecla«Tulipedefer»,qu’iltrouvait toutefois trop rigide, il partageait aussi la certitude que le collectif était au-dessus de tout.

Sur le plan des relations humaines, il aura préféré l’avenant Bobby Robson, même s’il ne l’a côtoyé qu’un an (19961997). L’histoire n’avait pourtant pas commencé sous les meilleurs auspices puisqu’en croisant pour la première fois Luis Enrique dans le vestiaire, l’Anglais lui avait demandé qui il était alors qu’il était un international patenté et sortait de cinq saisons au Real Madrid…

Autant Lucho peut être autoritaire et sans concession dans ses idées sur le jeu, autant il s’efforce de maintenir avec ses joueurs des relations fluides au quotidien. « Il y a un décalage entre son image publique en conférence de presse de gars odieux, désagréable, et comment il peut être dans un vestiaire, exigeant, certes, mais communicatif, attentionné, drôle, même », souligne Lluis Lainz, membre du staff technique blaugrana entre 1996 et 2008, auteur d’un ouvrage intitulé la Méthode Luis Enrique.

Parmi les autres figures qui ont compté à ses yeux, on peut citer José Antonio Camacho (Espagne, 1998-2002), un technicien à l’ancienne, Leo Beenhakker (Real, 1992) ou encore Ciriaco Cano, son dernier coach à Gijon (1990-1991) qu’il cite en privé comme son premier mentor.

Il s’est inspiré aussi de certains coéquipiers. À commencer par Pep Guardiola, côtoyé au Barça et en sélection. Sur les pelouses, Luis Enrique était bluffé par la vista et la capacité d’analyse de son partenaire. Par la suite, l’inventivité et la liberté de pensée de son compatriote l’ont à la fois convaincu que ce dernier était «le numéro 1», mais aussi qu’il était encore possible d’innover en s’affranchissant des conventions et des usages passés.

Une identité blaugrana qu’il ne renie jamais

Si la vocation est venue peu à peu, Lucho a vite été traversé par une certitude: le désir de ne calquer personne et de développer son propre style. Le coach qu’il est s’explique avant tout par sa personnalité, ses goûts et son expérience en tant que joueur. La discipline et la culture de l’effort font ainsi partie de celui qui, pendant les rassemblements avec la Roja (62 sélections entre 1991 et 2002), harcelait ses coéquipiers pour ne pas boire de vin ou réduire la viande rouge.

« On ne peut séparer son style comme coach de l’homme qu’il est, insiste Lainz .Il croit beaucoup au travail, fait tout avec intensité, et il l’a montré, par exemple quand il faisait des ultratrails, des marathons, des courses dans le désert. À côté de ça, il a toujours eu l’amour d’un jeu attractif et offensif, bien avant son arrivée au Barça (dont il était d’ailleurs fan gamin, même si les circonstances l’ont d’abord conduit à jouer au Real – 1991-1996), mais en débarquant, il s’est retrouvé dans son élément, avec la possession, le jeu de position. »

Dans un autre genre, après avoir baigné à Madrid et à Barcelone dans des vestiaires de stars et d’ego boursouflés, il a saisi que la qualité individuelle ne suffisait pas. Voire qu’elle pouvait se révéler contre-productive, comme il a pu l’éprouver au Barça au début des années 2000, avec cinq saisons sans le moindre titre malgré un effectif de cadors (Rivaldo, Kluivert, Cocu, Overmars, Figo, Saviola…).

En Catalogne, il a découvert l’école néerlandaise sous les ordres de Van Gaal puis Frank Rijkaard, mais aussi la philosophie héritée de Johan Cruyff, qui s’était chargé en personne de le convaincre de venir pendant le printemps 1996 avant d’être viré à l’intersaison. Il intègre alors une communauté de pensée, à laquelle il s’estime toujours lié, sans renoncer à son libre arbitre, comme il n’a eu de cesse de le prouver dès ses débuts sur un banc avec le Barça B (2008-2011).

« Il a mêlé l’identité blaugrana à ses connaissances, son vécu, en apportant des variantes, poursuit Lainz. Par exemple, ni Van Gaal ni Rijkaard n’utilisaient le contre et la transition comme arme de but. Luis Enrique n’a pas inventé un truc comme quand (Arrigo) Sacchi impose à Milan un travail de pressing que personne ne faisait (à la fin des années 1980). Mais il a bâti un jeu avec sa culture de l’effort, de l’intensité, d’un jeu attractif, de l’équilibre sans ballon. »

Un style Luis Enrique, donc? « Il y a beaucoup de similitudes entre son Paris-SG et le Barça qu’il a entraîné (2014-2017), prolonge Lainz. Les joueurs sont différents bien sûr, il n’y a qu’un Messi, qu’un Xavi, qu’un Piqué, mais on retrouve les mêmes concepts, circulation rapide, intensité, transition, attaque.»

Avec une autre spécialité maison, un goût immodéré pour l’imprévisible et l’effet de surprise afin de donner le moins d’indices possible à l’adversaire. Fidèle à son image de technicien insondable.

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4 - Liverpool a remporté ses 4 matches à domicile en Ligue des champions cette saison. En cas de nouveau succès, Arne Slot deviendrait le premier entraîneur à gagner ses cinq premiers matches à domicile avec un club anglais dans la compétition.

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