La saison du plus fort


Photo FRANCK FIFE. AFP Luis Enrique porté 
par ses joueurs après leur sacre, samedi à Paris.

Après avoir officialisé samedi son treizième titre de champion de France, le PSG, qui donne une impression de fraîcheur rarement vue ces dernières années, va passer au révélateur de la Ligue des champions face à Aston Villa mercredi.

«Cette année, on est clairement meilleurs 
par la capacité à renverser des situations.»
   - Luis Enrique, entraîneur du PSG

7 Apr 2025 - Libération
Par Grégory Schneider

Quelques feux d’artifice, un entraîneur arrosé (à l’eau) par ses adjoints alors qu’il se sacrifie à l’exercice de l’interview télé, un tour d’honneur qui se termine devant le virage Auteuil et rideau. Si le Paris-Saint-Germain a été sacré champion de France samedi au Parc des princes pour la treizième fois à la faveur de sa courte victoire (1-0) devant le SCO Angers, il n’en a pas trop fait non plus : son quart de finale de ­Ligue des champions arrive dès mercredi et, surtout, le club fait parler une sorte de force de l’habitude qui équivaudrait en athlétisme à décrocher le record du monde du 5000 mètres en courant un 10.000 mètres. Incidemment, sans même y penser. Le regard fixé ailleurs.

Comment les joueurs ont expliqué ce titre ?

A minima donc et surtout pas publiquement, les apparitions de ceux-ci devant les micros étant rares. Le ­défenseur et capitaine Marquinhos, dix titres en bandoulière depuis son arrivée dans la capitale en 2013 à l’âge de 19 ans, a cependant insisté sur une réalité souvent invisible de l’extérieur : l’exigence extrême qui pèse au quotidien non seulement sur les joueurs, mais à tous les échelons (du moins visibles vu du vestiaire) d’un club de cette dimension. «C’est devenu notre ADN de tout donner sur le terrain, d’avoir pour philosophie d’être agressifs, de mouiller le maillot à chaque match quel que soit l’adversaire, à l’extérieur ou à domicile, en Ligue 1, en Coupe de France [dont le PSG disputera la finale le 24 mai, ndlr] et en Ligue des champions. ­Depuis tout petit, j’ai joué dans des équipes qui ont cet ADN, au Corinthians de Sao Paulo, à l’AS Roma ou au Paris-SG.» Les joueurs capables de tenir cette pression à l’échelle d’une carrière sont aussi à part. Le Brésilien aura eu le mérite de saisir l’occasion de le rappeler.

Que vaut ce titre à l’échelle de la Ligue 1 ?

La question, lancinante, revient à chaque fois que Luis Enrique se pose devant les micros. Le sous-entendu n’échappe pas à l’Asturien: surdimensionné économiquement dans l’Hexagone, le Paris-SG n’a qu’à être à peu près présentable pour démolir l’opposition. «Avec la différence [de points] qu’on a sur le deuxième [l’AS Monaco], on pourrait penser que le championnat de France n’est pas très compétitif, a reconnu le coach parisien en début de semaine. On peut battre des records cette saison et, oui, ça peut porter préjudice à la Ligue 1. Mais le niveau des équipes françaises en ­Ligue des champions, qu’il s’agisse de Monaco, Brest [tous deux sortis en 16e de finale] et Lille [éliminé en 8e] montre que cette impression est ­incomplète. Qu’il y ait un tel écart a plus à voir avec nos statistiques. Remporter le championnat ­début avril, ça veut dire que nous avons ­atteint un niveau très élevé.»

Selon les estimations de l’Equipe, la rencontre de samedi a opposé un Paris-SG alignant un salaire moyen mensuel brut à ses joueurs de 647.000 euros à une équipe angevine en lâchant 27.000 et qui tire, comme d’autres clubs, le diable par la queue, avec des retards de salaire de 60% en décembre. «Ce genre d’opposition n’a aucun sens», nous expliquait cet automne un coach entraînant une équipe de Ligue 1 de milieu de tableau, le même y voyant l’inéluctabilité d’une Ligue européenne plus ou moins fermée rassemblant les cinq ou six grosses formations des championnats les plus riches. Luis Enrique n’a pas tort pour autant. Le Bayern Munich a raflé douze des treize derniers titres attribués en Bundesliga.

Et les trois mêmes clubs se partagent les couronnes de champion d’Espagne ou du Portugal ces vingt dernières années. Au fond, l’arrivée de Qatar Sports Investments a précipité le Paris-SG et la Ligue 1 dans une orientation générale. Où l’argent va à l’argent. Et où les compétitions domestiques ressemblent le plus souvent à des pantomimes auxquels les fans font semblant de croire, la Premier League anglaise faisant exception après avoir adopté des mécanismes puissants de ­répartition, sur les droits télés et l’adoption d’un fair-play financier notamment.

Le PSG peut-il rester ­invaincu cette saison ?

«Il y a des records qui ne m’avaient pas intéressé jusque-là, racontait Luis Enrique vendredi. Mais, ­désormais, c’est différent.» Une manoeuvre managériale: le titre en poche, le coach espagnol doit bien trouver de nouveaux leviers pour tenir son groupe sous pression. Or, le fait de rester invaincu, inédit dans l’histoire du championnat de France, fait sens sportivement. Et plutôt deux fois qu’une puisqu’il permettrait au club de la capitale de trouver enfin un adversaire à sa mesure. Non pas le FC Nantes de Coco Suaudeau circa 1994-1995 (une seule défaite) ou on ne sait quelle équipe surgie d’un passé où les déséquilibres n’avaient rien à voir avec ce qu’ils sont devenus aujourd’hui, mais lui-même. Ou plutôt les versions précédentes d’un club sous pavillon qatari qui comptaient déjà l’un des dix meilleurs joueurs du monde à chaque poste.

Ni le Paris-SG de Zlatan Ibrahimovic, ni celui de la triplette Kylian Mbappé, Neymar et Lionel Messi n’ont réussi ce coup-là. Et l’objectif est désormais très proche. Rincée par la crise des droits télés qui a conduit certains clubs (Stade de Reims, RC Lens, Montpellier Hérault, LeHavre AC…) à vendre précipitamment ses meilleurs joueurs cet hiver pour survivre, la Ligue 1 version 2024-2025 apparaît propice aux desseins des tout frais champions de France. Des six équipes qui croiseront leur route d’ici au dénouement de la saison le week-end du 18 mai, seuls l’OGC Nice (le 25 avril au Parc des princes) et le RC Strasbourg (le 4 mai en Alsace), qui briguent une place en Ligue des champions, apparaissent armés pour battre le Paris-SG dans un bon soir. Reste aussi à mesurer l’impact des résultats du club parisien sur le front européen, possible élimination comprise, sur des rencontres domestiques qui apparaîtront bien fades en comparaison.

Quels effets sur la Ligue des ­champions ?

Si le diable est dans les détails, la vertu aussi. L’Equipe a mis en ­lumière cette semaine la gestion équanime de l’effectif parisien par le staff technique cette saison; pas moins de treize joueurs à plus de 2 000 minutes de jeu et deux ­seulement (les défenseurs Pacho et Achraf Hakimi) au-delà des 3 000 minutes. En clair, le fait de traverser le championnat de Ligue 1 les mains en haut du guidon a permis à Luis Enrique de répartir les temps de jeu l’oeil fixé non pas sur l’importance du match à venir (puisque cette importance est toute relative) mais sur la pluie de datas qui dégringolent sur son ordinateur à chaque fois qu’un joueur met un orteil au campus de Poissy. En comparaison d’une équipe anglaise d’Aston Villa éprouvée par la compétitivité de la Premier League et le rythme démentiel que ses ­adversaires impriment au jeu, c’est peu dire que le Paris-SG navigue dans un environnement d’une ­intense sérénité.

Après, le foot est ce qu’il est. La part maudite est toujours quelque part. Après avoir vu l’équipe parisienne secouée comme rarement à Décines contre l’Olympique lyonnais fin février (3-2 pour Ousmane Dembélé et compagnie), les suiveurs du club ont vu débouler devant les micros un Luis Enrique critique envers ses hommes mais aussi transporté et positif : les tempêtes sont trop rares pour que les joueurs n’en profitent pas pour en tirer à toute force quelques enseignements, ce qui revient plus ou moins à aller à la rencontre d’eux-mêmes. Avec huit joueurs de 26 ans ou moins sur les onze de l’équipe-type, ce n’est pas un luxe. Avant la demi-finale de Coupe de France remportée (4-2) mardi ­contre l’Union sportive du littoral de Dunkerque, l’entraîneur espagnol a été relancé à plusieurs reprises sur les progrès fulgurants constatés chez le néo-international tricolore Désiré Doué (19 ans) ou le milieu de terrain portugais João Neves (20) : «Je vais parler de façon générale, pour tous nos jeunes, et c’est là que se trouve le piège: que l’on dise beaucoup de bien de toi. Les éloges affaiblissent, ils peuvent te mener à faire des erreurs. C’est beau d’entendre des choses positives, mais ­concentre-toi sur ton travail. Car c’est cela qui va t’aider quand il y aura des moments négatifs.» Qui ne manqueront pas de venir, indépendamment de l’impression de félicité collective que dégage la formation parisienne depuis près de trois mois.

Sans Mbappé, l’équipe a-t-elle ­progressé ?

La question est hautement politique : vexé de voir le capitaine des Bleus tourner le dos au club et échaudé par le comportement parfois désinvolte de certaines superstars sous contrat avec le club parisien (Neymar ou Angel Di Maria s’entraînaient quand ils voulaient), Doha avait dès le printemps 2024 dessiné le storytelling d’un projet désormais «collectif», où les équilibres primeraient sur le talent individuel (forcément moindre, du coup) des joueurs sous contrat. Restait non pas à faire coller la réalité au marketing initial, la notion de progression étant difficile à trancher tant que la Ligue des champions n’a pas rendu ses verdicts, mais à ne pas trop le contredire, ou plutôt à donner des arguments aux relais médiatiques dont dispose le club.

«L’an passé, l’équipe était très bonne, nous avons remporté plusieurs titres [la L1 et la Coupe de France] et avons atteint la demi-finale de la Ligue des champions, a rappelé Luis Enrique samedi. Mais cette saison, on est clairement meilleurs par la capacité à renverser des situations. Nous en avons vécu de délicates en Ligue des champions [le PSG était au bord de l’élimination dès la phase de poule, et a sorti le Liverpool FC aux tirs au but en 8e de finale, ndlr] et les joueurs ont fait preuve d’une maturité qui ne correspond pas à une équipe si jeune. Quand je vois l’équipe attaquer et défendre tous ensemble, je me dis que ce n’était pas une utopie.» Il plaide ainsi la construction patiente, progressive d’un effectif qu’il a pris en main voilà vingt mois. Quelque chose frappe quand même : l’irruption de jeunes, voire de très jeunes joueurs dans un paysage jadis verrouillé par les exigences des vedettes en matière de temps de jeu.

Pas moins de trois joueurs (Bradley Barcola, Warren Zaïre-Emery et ­Désiré Doué) ont ainsi découvert les Bleus alors qu’ils étaient sous contrat avec le club parisien, une inversion de la course des planètes pour un club qui s’en était toujours remis, depuis l’arrivée de Qatar Sports Investments en 2011, à des éléments éprouvés. La progression est ainsi individuelle. Et laisse une impression de jeunesse, de ­fraîcheur. Loin des batailles d’ego qui ont occupé le champ médiatique depuis dix ans.

***

Commenti

Post popolari in questo blog

Dalla periferia del continente al Grand Continent

Chi sono Augusto e Giorgio Perfetti, i fratelli nella Top 10 dei più ricchi d’Italia?

I 100 cattivi del calcio