Ott, pour le plaisir
Damien Ott, l’entraîneur de l’AS Cannes,
sur la pelouse du stade Pierre-de-Coubertin.
Au chômage l’été dernier après une carrière passée dans l’ombre, l’Alsacien a trouvé dans l’AS Cannes un laboratoire lui permettant d’assouvir ses rêves de jeu et d’exprimer sa singularité.
“À Cannes , il fallait casser l’image d’un club de stars''
“J’avais certaines qualités, mais pas celles d’être agressif et hargneux''
2 Apr 2025 - L'Équipe
ANTOINE MAUMON DE LONGEVIALLE
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PERMANENT
CANNES – L’inspiration lui viendra peut-être sur son vélo, ce matin, pendant les 20 kilomètres qu’il s’envoie chaque jour entre son domicile et le stade Pierre-de-Coubertin. Depuis six mois, c’est sur son deux-roues que Damien Ott (59 ans) conçoit ses causeries.
« En 20 ans, je n’ai jamais fait deux fois la même », sourit-il, tandis que son adjoint Salem Mezriche, aussi calme que son binôme, dit les attendre « toujours avec impatience ». « Je prends beaucoup de plaisir à les imaginer, ajoute Ott, parce que c’est à ce moment-là que tu transmets ce que tu es. »
Qu’est précisément celui qui a repris l’ AS Cannes en octobre, 13 e de National, pour replacer l’ équipe dans la lutte à la montée et la hisser aux portes du Stade de France? Un entraîneur« catalogué National », des on propre aveu, par un milieu qui ne lui a jamais fait confiance à niveau supérieur. Un passionné qui, en interview, après avoir parlé football pendant 1h30, vous remercie en premier, en lâchant : « Oh, c’était trop bon ! ». Une personnalité à part, surtout, qui aime afficher dans ses vestiaires une phrase d’Oscar Wilde : « Soyez vous-mêmes, les autres sont déjà pris ».
“À Cannes , il fallait casser l’image d’un club de stars''
C’est en pratiquant un jeu de un-contre-un sur tout le terrain, un contre-pressing de feu et des courses à tout va, donc en cassant les codes, que l’AS Cannes a éliminé successivement Grenoble, Lorient et Guingamp, 9e, 1er et 4e de Ligue 2. « Ce n’était pas prévu, mais je me suis dit : “onest derniers, il faut faire différemment”, raconte le technicien. Au bout de quelques entraînements, on s’est rendu compte que ça marchait. Donc on est partis en délire Salem (son adjoint) et moi. Avant le match de Grenoble, les joueurs sont quand même allés le voir : “Tu es sûr que le coach veut encore qu’on fasse ça ? ” Mais contre Reims, bah on va continuer. Et si on prend 5-0, on prend 5-0. »
Parler foot avec Ott, c’est forcément évoquer Jürgen Klopp, les Pays-Bas de 1974 et le SC Fribourg, club situé juste à côté de son Haut-Rhin, dont il a gardé plus qu’ une pointe d’ accent .« Fribourg, c’est là que j’ avais fait mon stage d’obtention pour le BEPF (Brevet d’entraîneur professionnel de football). L’un des plus grands moments de ma carrière !, jubile-t-il. Quand j’ai vu Christian Streich et ses adjoints venir en vélo, j’ai dit : “Putain, je vais faire pareil ! ” Ce n’était pas un club bling-bling, juste des personnes comme moi qui font leur 20e année de suite de Bundesliga. À Cannes, il fallait casser l’image d’un club de stars. »
Ottn es’ interdit rien. Sans club l’été dernier, l’Alsacien a vite été intrigué parle nouveau jeu des on club de coeur, le Racing Club de Strasbourg. Ni une, ni deux. « Comme j’étais à Colmar, raconte-t-il, j’ai pris l’abonnement de train duo-fluo-machin et j’allais voir les entraînements de Rosenior une ou deux fois par semaine ».Il se posait derrière la main courante, comme un supporter lambda, sans oser questionner son confrère. « Des gens me demandaient ce que je faisais, poursuit Ott. Je mettais ma capuche et je repartais. C’est dur à vivre à 58ans, alors que j’en ai fait… »
Avec Mulhouse et Colmar, Otta connu des montées. À Av ranch es, alors en National, il a atteint un quart de finale de Coupe de France, perdu face au Paris-SG, en 2017(4-0), participant à l’ éclosion d’un certain Jonathan Clauss, qui lui avait rasé la tête pour honorer un pari. Plus important pour lui :« En Coupe de France, avec Village-Neuf, un club de District, on avait battu Saint-Louis Neuweg, le gros club local. » Une émotion encore supérieure à cette qualification pour ces demi finales.
“J’avais certaines qualités,
mais pas celles d’être agressif et hargneux''
L’ actuel entraîneur de Cannes n’ a jamais fait de carrière pro. « J’étais gentil, souffle-t-il. J’avais certaines qualités, mais pas celles d’être agressif et hargneux. Je me suis dit qu’entraîneur, j’allais transmettre exactement ce qui me manquait. Parce que je souffrais d’un manque de confiance en moi. » « À l’école, j’étais une bille, poursuit-il. Je n’étais pas concentré, pas volontaire, comme quand j’étais joueur. Mais je m’étais mis dans la tête que je voulais être prof d’EPS, donc il me fallait le bac. Jel’ai raté deux fois parce qu’il fallait faire des maths. Je suis un intuitif, moi ! Je l’ai eu au troisième coup, à l’armée en candidat libre, et derrière, j’ai passé tous mes diplômes après du premier coup.»
Sur son parcours, Damien Ott exprime un regret. Celui, à Bourg en-Bresse (2018-2019), d’ avoir « voulu faire comme Guardiola et comme les autres », et de pratiquer un jeu« de maîtrise et de conservation qui ne[ lui] ressemblait pas ». « C’est pour ça qu’on casse les codes ici, reprend-il. Là, je me laisse aller, je fais jouer mon équipe comme je rêve qu’elle joue. »
Contacté début juillet pourstage UNFP des joueurs au chômage, Ott a accepté sans réfléchir, « trop heureux d’être considéré et de pouvoir refaire [son] métier ». Et c’est là que Sébastien Pérez, directeur sportif de l’ASC, l’arepéré. « Quand tu regardes un match à la télé, neuf fois sur dix, tu t’endors avant la fin, souligne le coach cannois. Notre seul objectif, c’est que le public et les téléspectateurs ne s’endorment pas avant la fin du match de Reims, qu’ils se disent : “Waouh, c’était super ”. Victoire ou pas, donnons du plaisir. On est là pour ça.»
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Le Cannes flamboyant 2016:
Johan Micoud devient président
« Il n’y avait que des grosses personnalités »
L’AS Cannes, c’est « 33 ans de [sa] vie ».
Gardien flamboyant des Dragons de 1992 à 1997 et en 2000-2001, François Lemasson en est depuis l’entraîneur des gardiens presque sans discontinuer.
Il raconte les secousses vécues par le club depuis trois décenni
2 Apr 2025 L'Équipe
A. M. L.
« J’arrive l’année où ils descendent en D2 (en 1992). Ils viennent defaire la Coupe de l’UEFA. Le club est en plein renouveau: Zizou vient de partir, comme (Aljosa) Asanovic et Jean-François Daniel. Entre la D 2 et la D 1, on a vécu deux ans exceptionnels. Dix minutes avant d’ entrer sur le terrain, on était entrain de se fendre la gueule dans le vestiaire. Quand (Franck) Priou mettait des tacles aux défenseurs, les adversaires savaient qu’ici, ils auraient un premier quart d’heure compliqué. Il n’y avait que des grosses personnalités. On était fous. Ça jouait au poker jusqu’à 3 heures du matin, même avec Luis( Fern an dez, devenu l’ entraîneur ). C’ était une figure du club, le papa, le grand frère, le tonton. Un jour où il était suspendu, il avait fait poser une chaise au-dessus du tunnel pour voir le match de là. On avait une équipe de guerriers. En venant austade, les gens savaient qu’on allait tout donner. Jamais on ne s’ est fait siffler. On a quand même tapé le Marseille champion d’ Europe (2-1, le1er août 1993 en D 1).»
La descente aux enfers
« Je pars en 1997 à l’OM et, en 1998, le club descend en Ligue 2. En 2004, il perds on statut professionnel. Donc ça explose. Tues en National avec tous les entraîneur s adverses qui se servent des mêmes leviers: Cannes, c’ est un club prétendu ment de milliardaires, “on va leur montrer”. On était attendus partout. Quand on est descendus en CFA2, il n’y avait qu’un club qui montait, et c’est très compliqué. Le club a été vendu, il y a eu du passage. De mon retour en 2009 jusqu’en 2014, j’ai vu passer un nombre incalculable dejoueurs. On avait cette pression permanente de devoir remonter. La mayonnaise n’a jamais pris malgré un assez gros budget. En 2011, on est rétrogradés administrativement en N 2. On était en appel, donc on ne s’est pas présentés au premier match. Au deuxième, on est allés à Pau avec treize joueurs… En février 2014, le président du club, M. Fakhri, décède. C’était le pourvoyeur defonds. À sa mort, le fils aîné reprend la gestion, et en voyant le trou, il coupe tout. Le club dépose le bilan et on redémarre en R2.»
L’espoir qui renaît
«En 2016, Jo’ Mi coudre vient comme président (2016-2019), il met des choses en place. Il me demande de revenir. Et ce qui est décisif, c’ est le travail fait par Anny Cour ta de et X av ier Bru. Annyavaitl’ habitude, elle avait tout gagné( avec les volleyeuses du RC Cannes) et X av ier était aussi un homme d’ affaires très compétent. Jean-Noël Cabezas arrive pour entraîner. Le club remonte en N3 (en 2017) ,il se structure. Ça reste un club familial: tu as un problème, Anny est là. Financièrement, c’est géré nickel chrome, sportivement aussi. Le club est sain. Ils reçoivent beaucoup de dossiers der achat, et ils sélectionnent le groupe Friedkin, propriétaire de la Roma. Et là, tu arrives dans un autre monde. Ils prennent Félicien Laborde (comme directeur général ), passé par Monaco. Le club recrute Pérez (comme directeur sportif ). Le staff s’ étoffe, les vestiaires sont refaits, les couloirs et les terrains aussi. Maison est toujours bloqués en National 2. Aujourd’hui, le club est prêt à passer le palier. Maintenant, il faut passer le cap sportive ment .»
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Diawara, l’as des piques
L’entraîneur de Reims n’accorde aucun passe-droit : en quelques semaines, tous ses leaders défaillants ont été mis au ban. Et cela fonctionne bien.
2 Apr 2025 - L'Équipe
CYRIL OLIVÈS-BERTHET
Soudain, Junya Ito s’est réveillé. Contre Marseille (3-1, samedi), l’ailier droit du Stade de Reims a été dans tous les bons coups. Il n’avait pas affiché ce niveau depuis quatre mois, à Strasbourg (0-0, le 8 décembre ). Le fruit de la« punition» infligée par Samba Diawara à Brest (0-0, le 16 mars) ? À la surprise générale, le coach rémois l’avait relégué sur le banc, justifiant: « Il n’y a pas d’immunité. C’est important de se rendre compte, dans notre situation de quinzième de L1, que tout le monde n’a pas bien fait son travail. C’est plus facile de taper sur les petits jeunes, mais on a aussi des leaders qui doivent tirer le groupe vers le haut. Quand ils ne sont pas au niveau, c’est important qu’ils le sachent aussi. On veut des joueurs qui pensent à l’équipe avant leur situation personnelle. »
Ainsi, il a aussi mis le grand espoir Valentin Atangana (19 ans) sur le banc à Rennes (0-1, le 21 février). Là encore, avec une certaine réussite. Solide à Brest , le jeune milieu a beaucoup bossé devant contre l’ OM et a même inscrit son premier but en Ligue 1. « C’est une récompense, car il a passé des moments difficiles après un bon début de saison. Il reprend du poil de la bête, et il est de nouveau utile à l’ équipe », a apprécié qui a agi de manière similaire avec Cédric Kipré.
Le symbole Teddy Teuma
Expulsé après tout juste cinq minutes de jeu à Rennes, suspendu à Monaco (0-3, le 28 février), le défenseur central ivoirien n’avait pas retrouvé sa place contre Auxerre (0-2, le 9 mars) , son entraîneur lui préférant son compatriote Mory Gbane. Mais c’est notamment grâce à lui que Reims a gardé son butin violé à Br est pour la première fois depuis trois mois. Puis il a été l’un des meilleurs contre l’OM.
Le prochain « revenant » pourrait être Oumar Diakité. Samedi, l’ attaquant ivoirien, au niveau affligeant depuis des mois, n’ était même pas dans le groupe, au profit de l’espoir Hafiz Ibrahim (20 ans), auteur d’ une belle entrée .« J’ ai discuté avec Oumar, a raconté Diawara hier. J’ espère que çal’ apiqué: c’est le but. J’ attends devoir des signaux à l’entraînement, qu’on puisse profiter de lui lors des prochaines rencontres. » Capitaine del’ équipe, Teddy Teuma a eu droit, comme un symbole, à un traitement similaire : le milieu n’ a plus joué depuis sa sortie à la pause contre l’AJA. « Ses dernières prestations n’ont pas été au niveau attendu, s’était justifié l’entraîneur rémois. Peut-être que sa manière de motiver les troupes n’est pas la bonne. On verra en fonction de ce qu’il montreàl’ entraînement et dans la vie du groupe .» En conflit avec le club, il serait étonnant de le voir mis à l’ honneur lors d’une éventuelle finale de Coupe de France.
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