NEESKENS - L'autre Johan


NEESKENS - L’empereur du milieu

Mort dimanche à l’âge de 73 ans, Johan Neeskens aura été, avec Johan Cruyff et Rinus Michels, l’incarnation de la révolution du football total, avec l’Ajax Amsterdam et les Pays-Bas. Ni son allure ni son jeu n’étaient faits pour l’ombre.

"Arrière droit, défenseur central, milieu de terrain, je m'en fichais"

8 Oct 2024 - L'Équipe
VINCENT DULUC

On aurait pu le croire l’ombre de Johan Cruyff, mais il était l’autre soleil, cheveux longs, coeur battant, une frappe du droit comme un glas, les joues mangées par les rouflaquettes et une activité inlassable qui cachait à grand-peine une technique de rêve – mais c’était peut-être l’inverse. Johan Neeskens, mort dimanche à l’âge de 73 ans à la suite d’un malaise alors qu’il étaiten Algérie ave cune délégation de la fédération néerlandaise, restera la figure d’une trinité qui a révolutionné le jeu.

Rinus Michels avait pensé la révolution du football total de l’Ajax Amsterdam, Johan Cruyff l’avait mise en musique, chef d’orchestre et soliste selon les heures et ses humeurs, mais Johan Neeskens était l’orchestre à lui seul, le premier joueur complet de l’histoire, le métronome et le tambour de guerre d’un jeu transcendé par le génie de Cruyff, qui allait au rythme de ce joueur brillant et infatigable, qui défendait comme si sa vie en dépendait et qui attaquait en recherchant la grâce et en distribuant la foudre, parfois.

Il dira, un jour, que c’était un beau destin d’avoir été « le deuxième meilleur joueur du monde» , à son sommet, et cela signifiait aussi qu’il avait été le deuxième meilleur Johan de son équipe et le deuxième meilleur joueur de l’Ajax, du FC Barcelone et de la sélection des Pays-Bas, durant les sept saisons qu’il avait partagées avec Cruyff à Amsterdam (1970-1973) puis en Catalogne (1974-1978). Il n’avait pas ré ellementé té formé à l’Ajax, parce qu’ilavait déjà 18 ans quand Rinus Michels, lui-même, avait fait 20 kilomètres pour venir le voir jouer à Heemstede, proche d’Amsterdam. Neeskens en dira dans une belle interview accordée à Jean-Marie Lanoë, dans France Football, en 2005: « Il m’avait déjà supervisé plusieurs fois. Il était très sympa, mais j’avais peur de lui. Des a façon de me regarder, de me parler, d’évoquer ce qu’il attendait de moi et des autres joueurs, de ce qu’il désirait.»

Michels désirait leur faire vivre un enfer quasi militaire à l’entraînement, parce qu’il fallait aussi courir plus que les autres, mais Neeskens était fait pour ce nouveau monde: titulaire dès la rentrée 1970, il allait découvrir la Coupe d’Europe ( « En Albanie, mon premier voyage, on avait tous les cheveux longs et les habitants disaient qu’on ressemblait à des singes ou à des nanas ») , puis la sélection, en novembre, à 19 ans.

Il allait boucler sa première saison pro par une victoire en finale de la Coupe d’Europe des clubs champions, à Wembley, face au Panathinaïkos (2-0), au poste d’arrière droit, parce que Ruud Krol était blessé. «Arrière droit, défenseur central, milieu de terrain, je m’en fichais » , dirait-il.

Mais Michels ne s’en fichait pas, et Cruyff non plus. La carrière et la trace de Neeskens s’évaluent, aussi, à la lumière de son rapport avec Johan 1er, lui qui deviendrait «Johan Segundo» pour la presse catalane quand ils se retrouveraient à Barcelone. Un rapport fait d’admiration, de loyauté, d’une pincée d’ amertume et de beaucoup de nostalgie, tour à tour. L’ admiration, jamais démentie, lui était venue dès ses premiers match es aux côtés du génie .« J’ avais 18 ans, lui 22. Ce qu’il pouvait faire sur le terrain, par ses mouvements, ses courses, sa frappe des deux pieds, était stupéfiant. Il lisait le jeu comme s’il savait à l’avance ce qui allait arriver. Quand il vous disait “Vas-y, fonce”, vous pouviez vous dire : Mais pourquoi moi, et maintenant? Quelques secondes plus tard, tout était limpide. Vous aviez l’explication. Vous aviez, par exemple, créé l’espace pour un autre.»

Neeskens, très vite, allait devenir celui qui déclenchait le pressing, mais aussi le premier joueur « box to box », infernal d’une surface à l’autre, avec une caisse comme personne, sans rien montrer de ses lassitudes ni de ses épuisements, et une intelligence de jeu qui lui permettait d’être au carrefour de la révolution. Chaque jour, l’Ajax faisait ses gammes, opposition sur grand terrain, tout le monde attaquait, tout le monde se replaçait, tout le monde défendait, tout le monde savait exactement ce qu’allait faire l’autre, et pendant que Cruyff montrait du doigt, Neeskens courait partout.

Sa loyauté envers l’autre Johan avait été testée à l’été 1973, après le triplé de l’Ajax en Coupe d’Europe des clubs champions (1971, 1972, 1973), quand quelques jaloux avaient demandé à voter pour le nom du capitaine, donc contre Cruyff et pour PietKeizer. Lui savait la différence entre Cruyff et les autres, et même entre Cruyff et lui, et sûrement entre lui et les autres, maisl’ embourgeoisement des révolutionnaire savait tout emporté: «Petit à petit, des joueurs ont commencé à penser qu’ils étaient des stars, eux aussi, et qu’ils en avaient assez de porter les valises de Cruyff. Ils ont pensé que l’Ajax pouvait gagner sans lui et, à Cadix, en préparation, l’été, deux joueurs seulement ont voté pour lui.» Dont lui-même.

Cruyff, alors, avait décidé de rejoindre Michels à Barcelone, et Neeskens avait suivi le même chemin, un an plus tard, juste après cet été 1974 envoûtant et cruel, qui l’avait vu donner l’espoir aux Pays-Bas, de son penalty réussi dans un nuage de craie dès la deuxième minute de la finale de la Coupe du monde contre l’Allemagne de l’Ouest (1-2), et vivre la plus haute déception de tous les amoureux du jeu qui avaient rêvé de leur couronnement. Quatre ans après, sans Cruyff, il avait perdu une autre finale du Mondial, en Argentine. Une finale ingagnable à Buenos Aires, sous une ferveur de tempête. Et l’espoir avait duré plus longtemps encore, jusqu’à la prolongation (1-3 a.p.), une manière de plus d’être deuxième, toujours.

Il est possible que le football total l’ait épuisé: à son départ en larmes de Barcelone, à l’été 1979, à l’âge de 28 ans, pour rejoindre le Cosmos de New York que Cruyff avait quitté un an plus tôt, le feu avait commencé de le quitter, et ce qui restait de la flamme éclairait ses nuits, rapporteraient la chronique et ses entraîneurs. Il allait se perdre àNew York, en tout cas trouver autre chose, surnommé «le fantôme de Meadowlands », le stade du New Jersey où jouaient les Giants et le Cosmos, parce qu’il lui arrivait de disparaître, de manquer des entraînements et même des avions pour jouer des play-offs; un peu de poudre, pas assez d’eau, trop de paris perdus, écrivait la presse de la Grande Pomme.

Mais la rédemption n’était jamais loin. À l’automne 1981, alors qu’il était suspendu par son club, le sélectionneur Kees Rijvers était allé le convaincre de revenir aider la patrie en danger de ne pas se qualifier pour la Coupe du monde 1982. Et c’est comme cela qu’après avoir battu la Belgique (3-0) en octobre, il avait vécu sa dernière sélection au Parc des Princes, en novembre, le soir d’un coup franc de Platini (0-2, le 18 novembre 1981).

C’est seulement à sa retraite de joueur, survenue le plus tardivement possible, à 38 ans et quelques poussières, en Suisse, que sa condition de «deuxième meilleur après quelqu’un d’autre » lui aura pesé, parfois. Le deuxième Johan avait été un joueur fantastique, mais sur les bancs, il ne serait qu’un adjoint. Un peu d’amertume lui était venue en constatant qu’il ne serait jamais celui de Cruyff, sale temps pour la loyauté, mais celui de Guus Hiddink avec les Pays-Bas (1998) et l’Australie (2006), ou de Frank Rijkaard à Barcelone (2006-2008).

Devenu un septuagénaire élégant et émacié, le cheveu court, comme la plupart de ceux qui avaient grandi autrement dans les années 1970, il avait consacré une partie de ces dernières années à sa fondation pour les enfants défavorisés. C’était une vie, au fond, à s’occuper des autres, mais à être moins un porteur d’eau qu’un porteur de flamme.

Johan Neeskens avait trompé Sepp Maier dès la 2e minute sur penalty en finale du Mondial 1974 perdue contre la RFA (1-2). Après sa carrière, il avait repris son rôle de brillant second, comme coach adjoint, en épaulant, entre autres, Frank Rijkaard sur le banc du Barça de Ronaldinho, Thierry Henry et Lionel Messi (de gauche à droite).

***

EN BREF Milieu de terrain

MORTÀ 73 ANS 
1,78 m International néerlandais (49 sélections, 17 buts)

Parcours en club: 
Heemstede (1968-1970) ; Ajax Amsterdam (19701974) ; FC Barcelone (ESP, 1974-1979) ; New York Cosmos (USA, 1979-1984) ; Groningen (1984-1985) ; Thunder du Minnesota (USA, 1985) ; Fort Lauderdale (USA, 1986) ; Baar (SUI, 19881991) ; Zoug (SUI, 1991). 
Palmarès : 
Coupes des champions (1971, 1972, 1973), Coupe des vainqueurs de Coupe (1979), Championnat des Pays-Bas (1972, 1973), Coupe des Pays-Bas (1972, 1973), Championnat d’Espagne (1978), Coupe d’Espagne (1978).

***


B. Li.
Rep: «J’adorais jouer avec lui»

L’ancien ailier droit des Pays-Bas salue l’intelligence de jeu de son ancien équipier à l’Ajax Amsterdam et avec les Oranges.

AprèsJo han Cru yff, décédé en 2016, Johnny Rep voit un autre des «Hollandais volants» des années 1970 le quitter. L’ex-ailier droit des Pays-Bas (72 ans ,42 sélections ,12 buts, de 1973 à 1981) ne cache pas son émotion, alors que sa santé est devenue fragile.




«Comment réagissez-vous à la mort deJo han Ne eskens?

J’ ai lu le journal aujourd’ hui( hier ), depuis mon lit d’ hôpital, en Espagne. Beaucoup de joueurs de mon époque meurent ces derniers temps: Georges Ber et a (2023), les Allemands Fr anzBeck en bauer (2024) etGerdMüller( 2021), SalifKeita( 2023), avec qui j’ ai joué un an à Valence( ESP, 1975-1976)… Et maintenant, c’ est autour deJohan...( Il marque un temps d’ arrêt .) Je ne suis pas bien. Cela me fait mal aucoeur. Déjà que je souffre de problèmes cardiaques qui expliquent mon hospitalisation depuis plusieurs jours.

Vous étiez proche de lui?

Disons qu’ on se connaissait depuis gamin. Il était plus proche deJo han Cru yff. Comme on n’ a guère plus d’ un mois d’ écart, on a commencé à jouer l’ un contre l’ autre dans les équipes de jeunes, avant de se retrouver ensemble àl’ Ajax Amsterdam (1971-1974), puis en sélection des Pays-Bas. J’ ai beaucoup joué avec lui, de 17 à 23 ans. C’ est à cette époque que nous avons gagné plusieurs Coupes d’ Europe des clubs champions. Puis on a de nouveau joué l’ un contre l’ autre, en Espagne. Lui, à Barcelone, où il est allé retrouver J oh an Cru yff, et moi à Valence (1975-1977), avec l’ Argentin Mari oKemp es, contre qui on a disputé une seconde finale de Coupe du monde, en 1978. J oh an avait d’ ailleurs ouvert le score d’ entrée sur penalty, lors delapremière( 1-2contrelaRFA). Mais comme face à l’ Argentine, on a ensuite encore perdu la finale (1-3 a.p.).Contred eux pays organisateurs ... Et ce n’ est pas parce que Cru yffn’ était plus avec nous, en Argentine. Ils nous ont volé nos deux Coupesdumonde!

Quel souvenir garderez-vous de lui?

Celui d’ un grand joueur, capable de défendre et d’ attaquer en même temps. J’ adorais jouer avec lui car c’ était quelqu’ un d’ intelligent. Il sentait très bien le jeu et il jouait pour l’ équipe .»

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