La tenaille Alpecin
Dans le secteur de Mons-en-Pévèle, Mathieu Van der Poel à droite et Jasper Philipsen
tiennent en étau Tadej Pogacar, en vertu d’une stratégie bien huilée.
Pour la troisième fois d’affilée, Mathieu van der Poel a pu construire sa victoire sur un collectif aguerri, malgré la chute précoce de Jasper Philipsen.
14 Apr 2025 - L'Équipe
PIERRE CALLEWAERT
ROUBAIX (NORD) – Avant le final, Corinne Poulidor, la mère du héros, avait entendu parler d’un bidon jaune lancé qui aurait fait tomber Pogacar : « Mathieu ne voudra pas gagner comme ça», grinçait-elle. Son sourire s’était assombri en découvrant que le projectile avait en fait atteint au visage son fils cadet. Elle veut des sanctions, comme pour les chips, l’urine, la casquette et les crachats qui ont jalonné connement les victoires de Mathieu. Son aîné, David, est resté en tribunes, « il n’aime pas se montrer».
Adrie, le père, étreint un mécano à l’ombre du vélodrome qui gronde, au cul du camion atelier de l’équipe Alpecin-Deceuninck encore silencieux. Prend quelques secondes pour avaler son café. Il sourit, trouve l’instant «magnifique». Il accepte un dessin de Léon, 5 ans, venu en voisin de Mouvaux et promet d’un clin d’oeil qu’il le déposera dans le pullman de l’équipe pour Mathieu. Son fils peut-il encore le surprendre? « Oui, il réalise des choses exceptionnelles mais attention : il ne fait pas ça tout seul, il peut compter sur les autres coureurs ! Une équipe comme celle-là, ça donne toujours confiance. » Trois Paris-Roubaix, dont la persistance rétinienne gardera trois photos de triomphe en solo. Mais l’image trompe : même pour un système de satellites qui tourne aussi bien autour d’une seule étoile, chacune de ces victoires à Roubaix a été le fruit d’un travail collectif aussi indispensable qu’exemplaire.
1. Un peu de stratégie, beaucoup de chance, une belle fête
Gianni Meersman est en joie. Directeur sportif de l’équipe belge après avoir mis fin à une carrière pour protéger un coeur abîmé, il insiste sur son collectif. Le troisième succès sur le vélodrome qui gronde derrière lui est le résultat d’un travail d’équipe. « Si vous regardez bien les trois dernières années, vous verrez qu’on a essayé de mettre en place la même stratégie, c’est-à-dire de prendre en charge la course très tôt. » Un plan offensif qui consiste à porter des grognards à l’avant bien avant le pavé de Troisvilles, le premier secteur de la course. L’idée: tendre un peloton pas si élastique que ça sur cette course et pressuriser l’adversaire, surtout Pogacar. « Cette année, chaque équipe voulait suivre le même plan. Les Lidl-Trek, par exemple (pour Mads Pedersen) qui nous ont donné un coup de main et ont roulé à l’avant aussi.»
Edward Planckaert (34e) et Jonas Rickaert (66e) seront les seuls rescapés de ce commando de soutiers. Gianni Vermeersch et Oscar Riesebeek ont bien donné puis abandonné. Silvan Dillier aussi, équipier modèle qui avait failli, sous d’autres couleurs, battre Peter Sagan au sprint au vélodrome en 2018. Il a enfilé le maillot Alpecin en 2021 pour faire exactement ce boulot : mener un peloton à bout de souffle. Le bon plan prend un sale tour avec la chute de Jasper Philipsen, avant même que le moindre pavé ne soit avalé, à l’entrée de Troisvilles. « On a attendu, attendu et il est revenu, heureusement, raconte Meersman. Et la course a pris un nouveau visage. Ensuite, Mathieu n’avait plus qu’à finir.» Tout miser sur la tactique pour gagner Paris-Roubaix semble aussi téméraire que de tenter de s’enrichir au casino de Saint-Amand- les-Eaux. Dans les deux cas, il faut un peu de chance. «De la chance et des jambes », pour Meersman. Gagner trois fois, c’est de la chance ? « Oui, regardez, Mathieu crève dans le Carrefour de l’Arbre, n’importe quoi peut arriver… Et ça tourne aussi vite dans un sens que dans l’autre. Pour nous, c’est tombé trois fois du bon côté.» Le conte de fées d’Alpecin-Deceuninck, il ne s’habitue pas : « Des monuments les uns après les autres, on doit juste apprécier le moment, et j’espère qu’on se fera une belle fête. »
2. La prise en étau qui fait mal
D’abord, Mathieu a attendu Philipsen après sa chute. Et quand le sprinteur belge est revenu sur le duo Pogacar-Van der Poel, à 68 km de l’arrivée, Pogacar s’est trouvé coincé dans l’étau des Alpecin. Van Aert est déjà à plus d’une minute, Pedersen a eu un problème mécanique, ça sent bon pour les trois. La photo ci-dessous est frappante, c’est celle de trois bons amis. Philipsen, qui s’est rapproché de Van der Poel en arrivant chez Alpecin, avait côtoyé Pogacar quand il courait chez UAE, en 2019 et 2020.
Depuis cette époque, Pogacar sait qu’il est plus qu’un sprinteur, c’est un coureur de classiques, vainqueur de Kuurne cette saison, 3e du Nieuwsblad et à la deuxième place à Roubaix lors des deux victoires de Van der Poel. Autant dire un danger pour Pogacar, qui ne peut même pas espérer un sprint hasardeux au vélodrome. L’an dernier, dans une prescience implacable, Philip Roodhooft, pendant que séchait l’encre d’une reconduction de contrat de quatre ans, dictait l’avenir de Philipsen: «Il deviendra un coureur du printemps. » Faire un choix entre Mathieu et Philipsen serait un problème de luxe : « C’est le meilleur scénario possible: qu’à un moment, on doive se dire: aïe…» Ce aïe de joie, c’est ce qu’il a dû faire en voyant ses deux coursiers encadrant le champion du monde: à qui donner le feu vert (Patrick ?). Mais soyons clairs: «Au printemps, Mathieu reste le leader absolu. » Aussi, quand Philipsen a coincé dans la seule vraie ascension de Paris-Roubaix, la fin du secteur de Monsen-Pévèle, Mathieu ne l’a pas attendu.
3. Une histoire de frères
Alpecin est-elle l’équipe de Mathieu Van der Poel? Non, martèlent les frères Roodhooft, Philip et Christoph, depuis qu’ils l’ont créé, en 2009, sur la table de leur cuisine, à Morkhoven, dans leur Campine natale. Ces fans d’Eric Vanderaerden avaient misé sur le cyclo-cross et Niels Albert. Van der Poel était une star de 19 ans que Christoph avait connue via Adrie qui lui confiait des plans d’entraînement. « J’ai un fils qui marche pas mal », avait soufflé le paternel.
À 13 ans, Mathieu avait signé un contrat de quatre ans qui couronnait son titre de champion du monde junior sur route à Florence. Aujourd’hui, les deux hommes ont vu grandir un adulte déterminé qui sait ce qu’il veut, ne décide pas tout, mais qui a évidemment son mot à dire. La confiance mutuelle est inébranlable : l’an dernier, ils signaient un contrat de trois ans, jusqu’en 2028, assorti d’un accord avec Canyon, la marque du vélo blanc qu’il a levé à bout de bras sur la ligne hier pour la troisièmefois.
***
Nel settore Mons-en-Pévèle, Mathieu van der Poel a destra e Jasper Philipsen
hanno tenuto a bada Tadej Pogacar con una strategia ben oliata.
La tenaglia Alpecin
Per la terza volta consecutiva, Mathieu van der Poel è riuscito a costruire la sua vittoria con una squadra esperta, nonostante la caduta iniziale di Jasper Philipsen.
14 Apr 2025 - L'Équipe
PIERRE CALLEWAERT
ROUBAIX (NORD) - Prima del finale, Corinne Poulidor, la madre dell'eroe, aveva sentito che era stata lanciata una borraccia gialla e che Pogacar era caduto: “Mathieu non vorrà vincere così”, aveva brontolato. Il suo sorriso si è oscurato nello scoprire che la borraccia aveva colpito il suo figlio minore al volto. Vuole le sanzioni, come per i lanci di patatine, urina, il tappo e lo sputo che così stupidamente hanno segnato altre vittorie di Mathieu. Il figlio maggiore, David, è rimasto in tribuna, “non gli piace farsi vedere”.
Adrie, il padre, abbraccia un meccanico all'ombra del ruggente velodromo, sul retro del camion-officina della Alpecin-Deceuninck, ancora silenzioso. Si prende qualche secondo per mandare giù il caffè. Sorride, trovando il momento “magnifico”. Accetta un disegno da Léon, 5 anni, arrivato come vicino di casa da Mouvaux e promette con un occhiolino che lo farà salire sul pullman della squadra per vedere Mathieu. Suo figlio è ancora capace di sorprenderla? "Sì, sta facendo cose eccezionali, ma attenzione: non lo fa da solo, può contare sugli altri corridori! Una squadra così ti dà sempre fiducia". Tre Parigi-Roubaix, di cui la persistenza della retina conserverà altrettante foto di trionfi in solitaria. Ma l'immagine è fuorviante: anche per un sistema di satelliti che ruota così strettamente intorno a un'unica stella, ognuna di queste vittorie a Roubaix è stata il frutto di uno sforzo collettivo tanto essenziale quanto esemplare.
1. Un po' di strategia, molta fortuna, una grande festa
Gianni Meersman è entusiasta. Direttore sportivo della squadra belga, dopo aver posto fine alla sua carriera per proteggere un cuore danneggiato, insiste sul lavoro di squadra. Il terzo successo al Velodromo, che rimbomba alle sue spalle, è il risultato del lavoro di squadra. “Se si guarda con attenzione agli ultimi tre anni, si vedrà che abbiamo cercato di attuare la stessa strategia, che è quella di prendere il comando della corsa molto presto”. Si tratta di un piano offensivo che consiste nel portare i veterani in testa ben prima di Troisvilles, il primo settore (in pavé) della corsa. L'idea era quella di allungare un gruppo che non era molto elastico in questa corsa e di mettere sotto pressione gli avversari, soprattutto Pogacar. "Quest'anno, ogni squadra ha voluto seguire lo stesso piano. La Lidl-Trek, ad esempio (per Mads Pedersen), ci ha dato una mano e ha corso anche in testa".
Edward Planckaert (34°) e Jonas Rickaert (66°) sono gli unici sopravvissuti di quel commando di fuochisti. Gianni Vermeersch e Oscar Riesebeek hanno dato il massimo e poi si sono arresi. Così come Silvan Dillier, un compagno di squadra modello che nel 2018 è andato vicino a battere Peter Sagan in uno sprint al velodromo, sotto altri colori. Nel 2021 ha indossato la maglia dell'Alpecin per svolgere proprio questo compito: guidare un gruppo che ha il fiato corto. Il buon piano ha preso una brutta piega quando Jasper Philipsen è caduto, ancor prima di aver inghiottito il minimo ciottolo, all'ingresso di Troisvilles. Abbiamo aspettato e aspettato e per fortuna è rientrato", dice Meersman. E la corsa ha assunto un aspetto completamente nuovo. Dopo di che, Mathieu doveva solo finire. Puntare tutto sulla tattica per vincere la Parigi-Roubaix sembra tanto avventato quanto cercare di arricchirsi al casinò di Saint-Amand- les-Eaux. In entrambi i casi, serve un pizzico di fortuna. “Fortuna e gambe”, per Meersman. Vincere tre volte è fortuna? "Sì, guarda, Mathieu crepa nel Carrefour de l'Arbre, tutto può succedere... E si gira velocemente da una parte e dall'altra. Per noi è capitato tre volte dalla parte giusta". Alla favola di Alpecin-Deceuninck non riesce ad abituarsi: “Un monumento dopo l'altro, dobbiamo solo goderci il momento, e spero che ci sia una grande festa”.
2. La presa che fa male
Prima Mathieu ha aspettato Philipsen, che era caduto. Quando il velocista belga ha raggiunto il duo Pogacar-van der Poel a 68 km dall'arrivo, Pogacar si è ritrovato nella morsa della Alpecin-Deuceninck. Van Aert aveva già più di un minuto di ritardo, Pedersen ha avuto un problema meccanico e le cose si erano messe bene per i tre. La foto qui sotto è impressionante: si tratta di tre ottimi amici. Philipsen, che si è avvicinato a Van der Poel quando si è passato alla Alpecin, è stato vicino a Pogacar quando ha corso con lui alla UAE nel 2019 e nel 2020.
Da allora, Philipsen ha capito di essere più che un velocista, è un corridore da classiche, vincitore della Kuurne in questa stagione, terzo alla Nieuwsblad e secondo alla Roubaix nelle altre due vittorie di van der Poel. In altre parole, un pericolo per Pogacar, che non può sperare in una volata al Velodromo. L'anno scorso, mentre ancora doveva asciugarsi l'inchiostro sul rinnovo del contratto quadriennale, Philip Roodhooft, con implacabile preveggenza, aveva dettato il futuro di Philipsen: "Diventerà un corridore da classiche di primavera. Scegliere tra Mathieu e Philipsen sarebbe un problema di abbondanza: “È la migliore delle ipotesi: che a un certo punto si debba dire: ahi...”. E' quello che deve aver fatto quando ha visto i suoi due destrieri affiancare il campione del mondo: a chi dare il via libera (Patrick?). Ma siamo chiari: “In primavera, Mathieu rimane il leader assoluto”. Così, quando Philipsen si è bloccato sull'unica vera asperità della Parigi-Roubaix, la fine del settore Monsen-Pévèle, Mathieu non lo ha più aspettato.
3. Una storia di fratelli
La Alpecin è la squadra di Mathieu? No, dicono i fratelli Roodhooft, Philip e Christoph, da quando, nel 2009, hanno fondato il team al tavolo della loro cucina a Morkhoven, nella natia Kempen. Questi fan di Eric Vanderaerden avevano puntato sul ciclocross e su Niels Albert. Van der Poel era una stella di 19 anni che Christoph aveva conosciuto tramite Adrie, che gli aveva affidato i piani di allenamento. “Ho un figlio che se la cava piuttosto bene”, ha detto il padre.
All'età di 13 anni, Mathieu ha firmato un contratto quadriennale che ha coronato il suo titolo di campione del mondo juniores su strada a Firenze. Oggi, i due fratelli hanno assistito alla crescita di un adulto determinato che sa quello che vuole, non decide tutto, ma ovviamente può dire la sua. La fiducia reciproca è incrollabile: l'anno scorso hanno firmato un contratto triennale, fino al 2028, e un accordo (decennale, ndr) con la Canyon, il marchio della bicicletta (bianca) che ieri ha sollevato a braccia alzate sul traguardo per la terza volta.
Commenti
Posta un commento