Pauline Ferrand-Prévot, une championne en Nord
Le sacre de Pauline Ferrand-Prévot
La médaillée olympique de VTT, revenue à la route, est devenue samedi la première tricolore à s’adjuger la course aux pavés mythiques.
Une victoire étincelante, même au regard de son épais palmarès.
«Peut-être que ce soir je pourrai dire que c’est ma plus belle victoire.»
- Pauline Ferrand-Prévot après sa course samedi
14 Apr 2025 - Libération
Par Louis Moulin
Un papillon printanier a traversé, samedi, le vélodrome de Roubaix baigné de soleil. Un vol fugace mais retransmis sur les écrans du monde entier. Sous les ailes du lépidoptère, au même moment, une championne levait les bras. Pauline Ferrand- Prévot (Visma-Lease a bike) s’est présentée seule dans l’ellipse de béton pour aller décrocher, à 33 ans, une victoire d’anthologie. La première d’une Française dans l’Enfer du Nord féminin, couronnant la plus belle édition de l’épreuve depuis sa naissance, en 2021. «Je suis très heureuse mais je n’arrive pas à réaliser, a lancé la coureuse, les yeux bleus brillants et le nez noirci d’un trait de poussière, quelques minutes après avoir franchi la ligne. Peut-être que ce soir je pourrai dire que c’est ma plus belle victoire.»
Surprise
Il est possible qu’il faille même un peu plus de temps pour réussir à classer l’exploit, tant déborde l’armoire à trophées de Pauline Ferrand-Prévot. La native de Reims est une légende vivante, déroulant un palmarès long comme une journée à se faire rudoyer par les pavés, épaissi dans les différentes disciplines du vélo au féminin.
Sur ses manches, les liserés arc-enciel rappellent que «PFP» a été championne du monde sur route à 22 ans, en 2014, avant d’aller chercher le même honneur dans les sous-bois du cyclo-cross (un titre en 2015), les chemins blancs du gravel (un titre en 2022) et, surtout, sur les chemins escarpés du VTT (dix titres en solitaire, trois en relais, entre 2015 et 2023). Elle a fini d’exploser aux yeux du très grand public français en décrochant l’or olympique en VTT l’été dernier, sur une colline d’Elancourt (Yvelines) transformée en mer de drapeaux tricolores. «En mission», «comme un robot», Pauline Ferrand-Prévot avait relégué sa première poursuivante à près de trois minutes pour s’offrir une victoire retentissante aux Jeux de Paris et afficher son sourire éclatant dans tous les journaux. «C’est vraiment un aboutissement, c’est des années de travail pour cette course», avait-elle dit en conférence de presse, breloque autour du cou. Puis, elle avait confirmé qu’elle «ne reviendrait pas sur le VTT» pour «retourner sur la route» avec «encore quelques objectifs», dix ans après avoir quitté l’asphalte. Une décennie au cours de laquelle l’écosystème du cyclisme féminin s’est solidifié, attirant à lui sponsors et diffuseurs et voyant renaître des courses prestigieuses. Au premier rang desquelles le Tour de France, depuis 2022, mais aussi Paris- Roubaix, ouvert aux femmes l’année précédente.
A l’origine, elle ne devait pas spécialement disputer Paris-Roubaix, mais s’est alignée, a-t-elle dit après la course, presque comme un entraînement, «pour apprendre à frotter, à rouler en peloton, dans des courses très stressantes comme le seront les premières étapes du Tour en Bretagne», qu’elle lorgne en juillet. Ça aura été un peu plus qu’une mise en bouche. Une victoire sinon de la surprise – avec un pedigree pareil on ne se pointe pas en anonyme sur la ligne de départ –, au moins du scénario qui déjoue les pronostics. Car la grande favorite du jour, ce n’était pas elle mais Lotte Kopecky (SD Worx), tenante du titre roubaisien, et qui venait tenter la passe de deux sur les routes nordistes fraîchement auréolée d’une victoire maîtrisée sur le Tour des Flandres, le dimanche précédent… devant Ferrand-Prévot. Mais la Belge, maillot de championne du monde sur le dos, n’a jamais réussi à s’isoler. Alors qu’à 25 kilomètres du vélodrome, Pauline Ferrand-Prévot parvenait, elle, à se faire la malle dans une légère montée, rattrapait facilement la Danoise Emma Norsgaard Bjerg échappée avant le secteur de Camphin-en-Pévèle, où elle finissait par la semer. Sur les pavés, la Française dégageait une déconcertante impression de facilité, corps élastique épousant le moindre cahot, vélo dansant comme un feu follet au milieu des cerisiers en fleurs. Elle ne sera plus revue, s’offrant le luxe d’un tour et demi de piste à savourer son titre avant de franchir la ligne. Derrière, l’Italienne Letizia Borghesi (EF Education-Otaly) arrivait à s’extraire du groupe de poursuivantes juste avant le vélodrome pour ravir la deuxième place à Lorena Wiebes (SD Worx), la meilleure sprinteuse du monde, troisième.
Objectif
«J’ai été malade ces deux derniers jours, j’ai pris des antibiotiques, ce matin je n’étais même pas sûre de participer», assurait pourtant PFP à qui voulait l’entendre (les journalistes avant la course, les journalistes après la course puis la directrice du Tour de France femmes Marion Rousse…). Samedi soir, elle exhibait sur Instagram une photo de la cheville infectée accompagnée du commentaire «si vous êtes curieux de voir comment de si petites choses peuvent presque tout gâcher». Manifestement, les médicaments ont fait effet. Sa force mentale également, elle qui s’était entourée de deux psychologues pour préparer les Jeux de Paris. «Cela m’a permis de comprendre mes émotions et d’apprendre à les gérer, à me demander jusqu’où peut-on avoir mal pour son sport», expliquait-elle au pied du podium olympique. Cela lui aura encore servi samedi pour revenir sur le groupe des favorites en milieu de course après avoir été jetée au sol, prise dans une chute, car ainsi est fait Paris-Roubaix.
Désormais, ses yeux sont tournés vers son «objectif numéro1 de la saison» : le Tour de France, en juillet. On l’imagine aisément troquer le jaune de son équipe pour celui de première du classement général, au moins le temps de quelques étapes. Pour remporter totalement l’épreuve, PFP se donne trois ans. En attendant, il faudra trouver une place pour caser le trophée en forme de pavé géant décroché samedi. Sans doute à côté de celui de Dylan Van Baarle, le Néerlandais qui a aussi remporté l’épreuve en 2022, et qui partage sa vie.
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