«Dommage que Tadej ait fait cette erreur»


Longtemps en compagnie de Tadej Pogacar (en bas, à droite), Mathieu Van der Poel a « bénéficié » de la sortie de route du Slovène pour se détacher (en haut, à droite) et s’imposer en solitaire au vélodrome (à gauche), presque à sa grande surprise.

Mathieu Van der Poel, le désormais triple vainqueur de Paris-Roubaix, regrettait que le match avec le champion du monde n’ait pas duré plus longtemps, jusqu’au vélodrome qu’il privatise depuis 2023.

"On ne savait pas que tout ce qu’il réalise 
maintenant sur les classiques serait possible"
   - ADRIE VAN DER POEL, 
     À PROPOS DE SON FILS MATHIEU

"Pendant quelques secondes, je l’ai même attendu un peu, 
car je ne savais pas vraiment ce qu’il s’était passé"
   - MATHIEU VAN DER POEL, 
     À PROPOS DE POGACAR

14 Apr 2025 - L'Équipe
PHILIPPE LE GARS

ROUBAIX (NORD) – Ils ont beau être rivaux sur le vélo, les deux champions s’apprécient et partagent beaucoup en privé. Des messages réguliers, des coups de fil et, de temps en temps, des moments ensemble, même si leur renommée aujourd’hui les prive d’intimité. Alors, quand hier soir après l’arrivée, Mathieu Van der Poel (30 ans) a fait part de sa déception d’avoir laissé Tadej Pogačar (26 ans) derrière lui à 38 kilomètres de l’arrivée, il n’y avait là aucun cynisme. Juste un instant de sincérité. 

On sait qu’il est toujours plus facile de tenir ce genre de propos quand on sort vainqueur d’un tel combat sur les pavés, mais le Néerlandais rêvait certainement aussi de ce duel que tout le monde espérait jusqu’au vélodrome. On ne saura jamais si, au fond de lui-même, il n’avait pas souhaité non plus connaître la sensation d’entrer « accompagné » dans cette enceinte car, comme en 2023 et 2024, c’est en solitaire qu’il allait s’imposer « dans ce lieu unique », comme il le confiera plus tard entouré des siens qu’il avait pu atteindre dans cette forêt de micros et de caméras au centre de la pelouse.

« Sans cette chute, c’est certain que Tadej serait resté avec moi jusqu’au bout, affirmait-il au pied du podium. Dommage qu’il ait fait cette erreur, car je ne vois pas comment j’aurais pu me débarrasser de lui. Mais les chutes font partie de Paris-Roubaix.» Ce triplé historique (la première fois depuis Francesco Moser – de 1978 à 1980 – qu’un coureur gagne trois années de suite à Roubaix) n’était pas passé au second plan, mais il avait quand même fallu lui rappeler le poids de cette performance pour qu’il l’évoque luimême. « Mathieu n’est pas quelqu’un de démonstratif, rappelle son père Adrie, et puis il passe vite à autre chose une fois qu’il a gagné. Il ne s’arrête pas aux comparaisons historiques ni aux records.» Mais hier, et après deux ou trois questions insistantes, le fiston avait donc enfin admis que cette troisième victoire était « unique, c’est quelque chose d’exceptionnel. Jamais à mes débuts, je n’aurais osé rêver de gagner trois fois Paris-Roubaix ».

Son parcours et sa carrière sont aussi atypiques, car il avait mis le temps pour se consacrer essentiellement à la route, à 24ans (à partir de 2019 seulement), quand il avait décroché peu à peu de sa passion de jeunesse, le cyclo-cross, pour penser à se faire un palmarès sur les plus grandes classiques. « Il a toujours su qu’il n’aurait pas la tête pour rester concentré pendant trois semaines sur un grand tour, répète Adrie le paternel, mais on ne savait pas non plus que tout ce qu’ il réalise maintenant sur les classiques serait possible. Mathieu n’ avait aucune certitude, mais suffisamment de motivation pour y croire. » Lors de ses premières victoires, on le ramenait inéluctablement à son statut de petit-fils de Raymond Poulidor, même si sa carrière n’avait pas grand-chose à voir avec celle de son grand-père, des comparaisons qu’il appréciait d’ailleurs moyennement, car il a toujours cherché à bien compartimenter sa vie de champion et sa sphère privée.

Hier en fin d’après-midi, c’est un Van der Poel visiblement soulagé qui s’exprimait alors que ces derniers temps on l’avait plutôt vu expédier ses obligations de champion avec parfois un peu de désinvolture. Des conférences de presse réduites à leur plus simple expression quand elles n’étaient tout simplement pas programmées, comme à la veille de Paris-Roubaix, selon la tradition avant chaque Monument. Le service de presse de l’équipe Alpecin-Deceuninck avait même refusé de dévoiler les détails de sa reconnaissance du parcours vendredi, alors que celui de Tadej Pogacar chez UAE avait été fourni en toute transparence. «Mathieu ne veut pas faire d’un entraînement un show médiatique », avait expliqué un membre de son staff pour justifier cette discrétion. Mais on comprenait mieux hier soir à quel point le Néerlandais avait vécu ces derniers jours sous tension. «On ne peut comparer Paris-Roubaix à aucune autre course, répétait-il sur la pelouse du vélodrome roubaisien avec une moue qui en disait long sur sa souffrance. On ne la maîtrise pas toujours, c’est toujours le chaos. Aujourd’hui, ça n’a pas été (l’édition) la plus facile à gagner, contrairement à l’an passé avec le maillot arc-enciel, où j’étais dans un très grand jour. Là, tout seul face au vent dans les derniers secteurs pavés, ce fut très difficile.»

À l’entendre, ce serait presque ces derniers 38 kilomètres après la chute de Pogacar qui l’auraient le plus marqué. « Je n’avais pas vraiment prévu de me retrouver seul si loin de l’arrivée ; pendant quelques secondes, je l’ai même attendu un peu, car je ne savais pas vraiment ce qu’il s’était passé et s’il était tombé. Ensuite j’ai roulé à fond, j’ai visiblement creusé l’écart, mais je n’en savais rien, car je n’avais pas d’informations. » Coupé de liaison radio avec la voiture de son directeur sportif, faute de batterie, depuis la tranchée d’Arenberg, il avait dû « rouler à l’aveugle». Ce qui l’avait perturbé dans le Carrefour de l’Arbre où il avait dû changer de vélo à la suite d’une crevaison, qu’il avait mis du temps à signaler à sa voiture. «Je savais alors que je ne devais plus regarder derrière moi jusqu’au vélodrome», le plus dur était fait pour s’inscrire encore dans l’histoire de son sport.

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E. Th.
Visé par un bidon, Van der Poel veut « engager des poursuites »

C’est un geste stupide qui aurait pu engendrer de grosses conséquences. Quelques minutes après que Mathieu Van der Poel se retrouvait seul en tête hier, à la suite de l’erreur de Tadej Pogacar, un spectateur a lancé un bidon jaune sur le visage du Néerlandais. Alors qu’il se trouvait sur le secteur pavé 8 bis de Templeuve, à 33 kilomètres de l’arrivée, Van der Poel, forcément surpris, a tenté d’éviter l’objet et tourné sa tête vers la gauche. « C’était une bouteille pleine, qui devait peser presque un demi-kilo, et j’arrivais à 40 km/h, regrettait le vainqueur après la course. C’est comme recevoir une pierre dans la figure. Ça m’a fait très mal. J’espère que nous pourrons identifier le spectateur et engager des poursuites. »

***

LES MULTI-VAINQUEURS À ROUBAIX

4 victoires
  • Roger De Vlaeminck (BEL, 1972, 1974, 1975, 1977) 
  • Tom Boonen (BEL, 2005, 2008, 2009, 2012)
3 victoires
  • Octave Lapize (1909, 1910, 1911) 
  • Gaston Rebry (BEL, 1931, 11934, 1935) 
  • Rik Van Looy (BEL, 1961, 1962, 1965) 
  • Eddy Merckx (BEL, 1968, 1970, 1973) 
  • Francesco Moser (ITA, 1978, 1979, 1980) 
  • Johan Museeuw (BEL, 1996, 2000, 2002) 
  • Fabian Cancellara (SUI, 2006, 2010, 2013) 
  • MATHIEU VAN DER POEL (HOL, 2023, 2024, 2025)

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