Dunkerque, c’est la mer Noire
Les joueurs dunkerquois célèbrent leur victoire face
à Bastia (2-1, le 24 septembre) au stade Marcel-Tribut.
Dunkerque, c’est la mer Noire
Pensionnaire de National il y a encore deux ans, le club nordiste se retrouve à la lutte pour la montée en L1 et demi-finaliste de la Coupe. Une ascension impulsée par son propriétaire aussi président du club de Samsunspor.
1 Apr 2025 - L'Équipe
VICTOR FIÈVRE
SAMSUN (TUR) – L’une des raisons de la réussite de Dunkerque, 5e de Ligue2 et demi-finaliste de la Coupe aujourd’hui contre le PSG, se situe à plus de 3000 kilomètres, dans une autre ville portuaire, à Samsun, en Turquie. À l’ été 2023, Robert Yük sel Yildirim, président de Samsunspor, sur les bords de la mer Noire, fait l’acquisition de l’USLD, alors en National.
«Il n’y avait pas de bonus pour la montée. Donc j’ai acheté Dunkerque en Troisième Division à un petit prix, et l’équipe est montée en Ligue2. C’était parfait pour moi», se félicite-t-il depuis Istanbul, joint par téléphone au milieu d’un programme très chargé. Robert Yüksel Yildirim, via sa société d’investissement sportif Amissos, possède 85 % des parts du club, le reste appartenant à l’association USLD.
Ce fils d’un patron d’une petite entreprise de Samsun flaire les bons coups. En 2004, il profite de la privatisation de sociétés publiques turques pour en racheter une de chrome et une autre de fer. Aujourd’hui, il compte parmi les 100 personnes les plus riches de Turquie, d’après un classement Forbes en 2022. Son groupe est actif dans le secteur portuaire, les minerais, l’engrais, l’immobilier ou encore la construction. Le nom de Dunkerque était familier aux oreilles de Yildirim, puisqu’il possède 24 % des parts de la compagnie française CMA CGM, qui opère sur le port. Pour autant, le Turc de 63 ans assure qu’il n’investit pas dans le Nord pour développer l’activité maritime de sa propre compagnie, Yilport. Loin de la mer, il avait d’abord Valenciennes (National) dans le viseur avant que le deal ne tombe à l’eau.
Des clubs aux quatre coins du monde
À Istanbul, une grande bille métallique en forme de planète est posée devant la tour du groupe. Ce dernier est implanté dans 57 pays, dont la Colombie, l’Équateur, le Kosovo ou encore la Macédoine du Nord, sans oublier le continent africain. Autant d’endroits où le capitaine d’industrie explique vouloir acheter « six ou sept clubs » au total, pour créer une « plateforme » avec Samsunspor et l’USLD, afin de former et revendre des joueurs.
L’homme au crâne immaculé jouit d’une certaine aura en Turquie, porté par sa réussite à Samsun. Depuis 2018, il l’a fait remonter de la Troisième Division turque jusqu’à la Süper Lig. Candidat au maintien, le club rouge et blanc est actuellement troisième derrière les ogres Fenerbahçe et Galatasaray. «Il est propriétaire et président, donc il est directement responsable de la structuration du club, observe Arda Vatansever, journaliste pour beINSports en Turquie. Il l’a professionnalisé, avec de la data, un directeur sportif et des outils que les autres clubs n’utilisent pas. » La renaissance de Dunkerque se base sur des vertus similaires. L’académie de Samsun a signé un partenariat avec le Toulouse FC et, en janvier, ses clés ont été confiées à Cédric Cattenoy, ancien responsable de la préformation des U17 du PSG, chargé également d’épauler la formation dunkerquoise.
Pour Yildirim, le point central du projet se situe dans sa ville, en Turquie. « Les meilleurs joueurs viendront à Samsun et utiliseront le club comme tremplin pour aller dans des plus grosses équipes en Europe ou ailleurs», décrit-il, tout en assurant que, si un Dunkerquois rejoint la Turquie avant d’être revendu, « Dunkerque aura une part sur la prochaine vente et sera gagnant dans tous les cas». L’an prochain, des Nordistes pourraient rejoindre la Turquie, et des jeunes de l’académie partir vers la France, en fonction des besoins des dirigeants, qui sont en contact hebdomadaire. Pour l’heure, seuls deux joueurs ont suivi ce chemin, sans grande réussite dans le Nord (Elhadj Bah et Moussa Guel).
Selcuk Demir, en charge de la partie administrative à Dunkerque, nuance le discours du président. «Il n’y aura pas de situation de vassalité entre les deux clubs. L’USL n’est pas le laboratoire de Samsunspor. La stratégie est d’avoir des synergies dans le travail du groupe Amissos, mais pas de privilégier un club par rapport à l’autre», expose ce proche d’Yildirim.
Convaincu par Demba Ba
Plutôt que de dépenser sans compter pour viser la Ligue 1, le chef d’entreprise souhaite voir son club français se structurer pour être autonome sur le long terme. Dans cet objectif, il a placé son fils Jasper à la tête du club. Ce dernier expliquait la venue du groupe dans sa vidéo de présentation au club, en août 2023: «La langue française est très répandue dans le monde. Et nous pensons que la L2 et le National sont de bons marchés pour que des joueurs du monde entier puissent se révéler.»
Le fils Yildirim, qui réside à Amsterdam, s’appuie à Dunkerque sur Selcuk Demir et Demba Ba, en charge du sportif. L’ancien joueur de Chelsea, au courant des velléités d’achats de Robert Yüksel Yildirim, l’avait convaincu de s’associer lors d’une rencontre à Istanbul, fort de ses compétences en management du sport et en finance.
S’il arrive à se libérer, la demi-finale face au PSG pourrait être le premier match d’Yildirim au stade. Le chef d’entreprise est difficilement libre pour voir évoluer son équipe turque, mais il suit attentivement les résultats et se réjouit de la très bonne saison dunkerquoise: «C’est une bonne façon pour mettre nos joueurs dans le radar des autres équipes, et pour attirer plus de joueurs.» Face au PSG, difficile d’imaginer une meilleure plateforme.
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