REIMS - La folle remontée inachevée de 1988
Dans un stade Delaune « en fusion » qui a marqué l’entraîneur Carlos Bianchi, les Rémois fêtent leur deuxième but derrière leur capitaine Didier Christophe, artisan d’un match qui a frôlé l’exploit.
Pour sa dernière demi-finale de Coupe de France avant celle de demain, Reims, alors en D2, avait failli renverser Metz au retour (3-1, 0-4 à l’aller) lors de la dernière de Carlos Bianchi sur le banc champenois.
"J’avais du sable jusqu’aux genoux à force de gravir cette grande dune.
Les journalistes m’appelaient Rambo"
- DIDIER CHRISTOPHE, CAPITAINE DE REIMS EN 1988
1 Apr 2025 - L'Équipe
JOCELYN LERMUSIEAUX
«Reims, le retour du géant.» Le 31mai 1988, la photo de son capitaine Didier Christophe s’affiche en une de France Football. Double vainqueur de la Coupe de France (1950, 1958), le club champenois, qui végète en D2, enchaîne une deuxième demi-finale : un an après avoir chuté contre l’OM (0-2, 1-5), les hommes de Carlos Bianchi défient Metz. Revenu prêter main-forte à Reims à 35 ans à l’été 1984, comme joueur puis comme entraîneur six mois plus tard, le goleador argentin (1) espère enfin briser la malédiction qui le poursuit en Coupe avec les Rouge et Blanc. Joueur, il échoua en demies contre Saint-Étienne en 1974 (0-1) et, blessé aux côtes, il ne put disputer la finale contre les Verts en 1977 (1-2).
Joueur de caractère et de devoir, recruté par Bianchi en 1987 pour encadrer un groupe composé en majorité de joueurs du cru ou formés au club (Mary, Masclaux, Prince, Lafond, Calderaro, Vercruysse…), Christophe n’a joué qu’une saison à Reims, mais cette confrontation contre Metz demeure gravée dans sa mémoire. « Cette équipe, résume l’ex-milieu international (6 sélections, 1 but), c’était la fusion de l’identité du terroir champenois avec des gladiateurs venus d’ailleurs et un tacticien hors pair comme entraîneur. Le palmarès du “renard argenté” parle pour lui (2). » «Carlos, c’était une icône, abonde Frédéric Lafond. Rien qu’en le regardant, il dégageait une aura. Il connaissait le foot sur le bout des doigts et savait nous transcender sans hausser la voix.»
Minés par les blessures à l’automne, les Rémois, rapidement hors course pour la montée en D1, se focalisent sur la Coupe où ils dégagent une force tranquille au fil des tours. Mais en demie aller à SaintSymphorien, face à des Lorrains qu’ils avaient sortis un an plus tôt en 32es (2-1 à Troyes), les Rouge et Blanc s’inclinent lourdement (0-4).
Au-delà du score, ils sont piqués dans leur orgueil par le tour d’honneur des Messins que n’a toujours pas digéré Bianchi: «Ils ont manqué d’humilité. Rien n’est plus déplacé que de se croire déjà qualifiés quand il reste un match à jouer.» «Le retour a commencé à ce moment-là », appuie Christophe. Seul dans le rond central, le capitaine rumine sa volée sur la barre (90e) et «chope un Messin venu (le) chambrer : “mon gars, c’est pas fini!” » Le lendemain après le décrassage, il pousse une gueulante. « C’est parti en sucette, se remémore Christophe. On a failli en venir aux mains avec Ivo Basay (son coéquipier chili en), mais Carlos, en bon diplomate, a calmé tout le monde. » « Cet épisode, ajoute Lafond, a infusé un esprit de rébellion.» Les critiques du président Serge Bazelaire stigmatisant le comportement des joueurs dans une atmosphère viciée par une polémique sur le non-versement de primes promises, achèvent de souder le groupe.
« Ç’a été une semaine folle, rembobine Christophe. En plus des entraînements, je faisais du renforce ment musculaire à côté de chez moi, à la Sablière (à Châlons-sur-Vesle). J’avais du sable jusqu’aux genoux à force de gravir cette grande dune. Les journalistes m’appelaient Rambo », rigole le retraité installé au Pays basque. Le capitaine joue aussi au standardiste au siège du club, haranguant les supporters qui réservent leur place au téléphone : « Je les chauffais : “On va tout faire pour se qualifier, on a besoin de vous!” » Ce 8juin 1988, un soleil estival baigne la cuvette de Delaune où des tribunes provisoires derrière les buts couvrent la piste du vélodrome. Dans sa causerie, Bianchi exhorte son groupe à « essayer de faire une partie de plaisir, essayer de gagner le match et, s’il y a quelque chose de plus à la fin, tant mieux».
Cheveux longs au vent, maillot au-dessus du short, «bref, le bon bourrin de service qui ne ressemble à rien », se décrit ainsi Christophe, le capitaine part au combat, porté par 18 000 supporters chauffés à blanc. Après avoir trouvé la barre (8e), il allume la première mèche de la tête (1-0, 33e), avant que Lafond ne se jette sur un centre de Patrice Bozon (2-0, 44e). Pour stopper l’incendie dans la maison grenat, Bernard Zénier, sur le banc au coup d’envoi en vue de la finale programmée trois jours plus tard (3), entre à la pause. Mais, après un numéro de Basay dans la surface, Pascal Prince fait encore plier Michel Ettorre (3-0, 67e). « Delaune était en fusion, c’était l’Etna», image Christophe.
À deux poteaux du rêve
Après un cafouillage sur corner, le public incandescent croit au but de la délivrance de Christophe. Las, le capitaine, genoux à terre, se tient la tête entre les mains: il vient de trouver deux fois le poteau en dix secondes (73e). Sur un contre messin, Carmelo Micciche tire aussi sur le montant, mais Philippe Hinschberger a bien suivi (3-1, 79e). Le rêve est passé. Inconsolable, Christophe sort sous les vivats du public (88e). «Voir ce colosse pleurer comme un gosse, ça fait bizarre, témoigne Lafond. Didier a failli renverser Metz à lui tout seul, mais les montants en ont voulu autrement. Jusqu’au bout, il a mouillé le maillot. » De sueur et de larmes.
Comme son capitaine, Bianchi tire sa révérence rémoise sur cette victoire au goût d’inachevé. «On méritait de se qualifier mais la chance ne l’a pas voulu. On est sortis la tête haute», philosophe l’Argentin, qui chérit le souvenir des émois rémois de cette folle soirée : « La seule fois où j’ai vécu une telle ambiance à Delaune, c’est en 1976 quand j’étais joueur en D1. Lors de la dernière journée contre Saint-Étienne qui venait de perdre en finale de Coupe d’Europe, on était menés 0-2 à la mi-temps et on avait gagné 3-2.»
(1) Meilleur buteur de D1, avec Reims (1974, 1976 et 1977) et le PSG (1978 et 1979)
(2) 4 fois champion d’Argentine Apertura (ouverture, 1996 avec Vélez, 1998, 2000 et 2003 avec Boca Juniors), 3 fois champion d’Argentine Clausura (clôture, 1993 et 1996 avec Vélez, 1999 avec Boca Juniors), 4 Copa Libertadores (1994 avec Vélez, 2000, 2001 et 2003 avec Boca Juniors), 3 Coupes intercontinentales (1994 avec Vélez, 2000 et 2003 avec Boca Juniors).
(3) Metz-Sochaux (D2, 1-1, a.p., 5-4 aux t.a.b.).
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A. M. L.
Cannes, comme si de rien n’était
Les Cannois n’ont pas prévu de mise au vert, leur entraîneur Damien Ott n’imagine pas montrer à ses joueurs une vidéo mettant en scène leurs proches et c’est une heure et trente minutes avant le coup d’envoi, comme avant chaque match, qu’ils arriveront à Coubertin pour la demi-finale. Les Azuréens, qui restent sur deux défaites en championnat (N2), font tout pour désacraliser un moment qu’ils savent pourtant unique.
« Pourquoi devrait-on changer quoi que ce soit ? Ce serait mettre du stress aux joueurs », a indiqué hier Ott. « On n’a aucune pression », a embrayé son capitaine Cheikh Ndoye, alors que l’entraînement d’hier s’est effectué sous le regard de Luis Fernandez, ancien joueur et entraîneur de l’ASC. «Jene pense pas au fait que c’est une demifinale, je pense juste au Stade de Reims et je me dis que c’est un beau match à jouer », a souligné Ott.
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