EVENEPOEL RETOUR GAGNANT
Remco Evenepoel et Wout Van Aert, aux aguets,
dans le final de la Flèche Brabançonne, hier.
Remco Evenepoel, double médaillé olympique aux Jeux de Paris, s’est imposé hier dès son premier jour de course, plus de quatre mois après son accident, début décembre. Lui-même n’en revenait pas.
"Je ne suis pas non plus si mauvais au sprint,
même si finir deuxième derrière Wout aurait suffi à mon bonheur"
- REMCO EVENEPOEL
19 Apr 2025 - L'Équipe
PHILIPPE LE GARS
OVERIJSE (BEL) – Parce que Remco Evenepoel est un compétiteur hors norme, on ne devrait même pas être surpris par sa victoire hier, alors qu’il n’avait plus couru depuis six mois, depuis le Tour de Lombardie. Et pourtant, c’est en miraculé qu’il a battu Wout Van Aert au sprint, oubliant ses cicatrices et ses doutes, depuis son terrible accident le 3 décembre. Il s’était pris de plein fouet la portière d’une voiture de la poste belge, qui s’était ouverte par malheur sur son passage. Le choc s’était produit non loin d’ici, sur ses terres brabançonnes, où il a renoué, hier, avec le fil de ce parcours devenu chaotique malgré lui.
Sa chute dans la descente de Sormano sur le Tour de Lombardieen 2020, qui aurait pu lui coûter la vie, puis celle d’avril 2024 sur le Tour du Pays Basque, tout aussi effroyable, ont marqué les esprits. C’est d’ailleurs cette même clavicule droite fracturée deux fois en l’espace de quelques mois qu’il avait fallu consolider cet hiver alors qu’il reprenait tout juste son entraînement pour la saison 2025, auréolé de ses deux médailles d’or olympiques. « C’était le pire moment, tout le monde pensait à la saison à venir et moi je me retrouvais seul chez moi à cogiter et à déambuler avec mes béquilles», rappelait-il avant le départ de la course hier.
Il a imaginé tout plaquer
À 25 ans, le Belge pensait avoir déjà subi son quota de malchance,et ce printemps, où ses ri vaux désignés sur les classiques, Mathieu van der Poel et Tadej Pogacar, brillaient de mille feux, l’avait fait cogiter au point d’imaginer tout plaquer.
Ses proches avaient réussi à rattraper le coup, à le remettre en selle en lui rappelant qu’un champion olympique a des devoirs. Les deux dernières semaines d’entraînement en Sierra Nevada en Espagne l’ont finalement convaincu qu’il avait encore sa place dans le peloton, les sensations sont revenues, les ambitions avec. Celles qui ont toujours été le moteur de ce coureur, qui, dès son apparition chez les pros, tranchait par son audace et son franc-parler.
Avant-hier, lors de sa conférence de presse de rentrée, il n’avait même pas osé annoncer la couleur pour cette première course, tout près de chez lui, dans une retenue qui ne lui ressemblait tellement pas. « Mais j’avais quand même envisagé ce scénario, avoua t-il, hier, avant de monter sur le podium, remis de ses émotions, mais ça n’empêche, je me suis surpris. Je savais que j’étais en forme depuis le stage en Sierra Nevada, mais gagner dès mon retour n’était pas aussi évident.»
C’est aussi à cela qu’on reconnaît un champion, motivé par les exploits de van der Poel et Pogacar en son absence ces dernières semaines« pour revenir à leur niveau et les battre ». Mais hier il avait face à lui un autre client, Wout Van Aert, frustré de sa campagne ratée des classiques flamandes, qui voulait tout autant sa revanche sur le sort que Remco Evenepoel.
L’attaque des Visma-Lease a bike pour le Campinois à 50 kilomètres de l’arrivée avait précipité le scénario que les Soudal-Quick Step avaient imaginé mais sans surprendre Evenepoel. «Ce n’était pas notre plan, raconta-t-il, mais j’ai compris que c’est là qu’ils avaient décidé de jouer cartes sur table. Comme je n’avais plus d’équipier à mes côtés, la seule solution était d’écrémer le groupe de tête pour se retrouver le moins nombreux possible à l’avant.» Seul le Britannique Joseph Blackmore (Israel-Premier Tech) avait pu suivre le duo avant de lâcher prise dans le dernier tour face à l’alliance des deux Belges que ne reniait pas Evenepoel. « Il fallait lâcher l’ Anglais pour faire le sprint à deux, c’ était moins risqué, affirma t-il. On a parlé avec Wout pour ne pas s’attaquer mutuellement avant la ligne d’arrivée sinon on avait plus de chances de tout perdre tous les deux. On se connaît parfaitement, on court ensemble en équipe nationale donc on se comprend. On n’avait aucune raison de s’attaquer car on était les deux plus forts aujourd’hui (hier). »
Il avait reconnu ce final plusieurs fois derrière la moto de son père pour bien s’en imprégner et optimiser son retour en Belgique en provenance d’Espagne, mardi, 24 heures plus tôt que prévu en raison de grèves d’avion. Reste ce sprint final où le champion du monde 2022 n’ apparaissait pas comme le grand favori.
«Wout avait été impressionnant sur les secteurs pavés, je ne partais pas gagnant c’est sûr, reconnaissait-il, la seule solution était de lancer le sprint en premier pour profiter du vent dans le dos. Je ne suis pas non plus si mauvais au sprint, même si finir deuxième derrière Wout aurait suffi à mon bonheur. Ça aurait été presque normal.»
Cette victoire lui a redonné la gouaille, celle qui a construit son personnage, et il n’hésitait pas à se projeter sur les classiques à venir, l’Amstel Gold Race demain et les ardennaises la semaine prochaine. « À partir de maintenant, tout le monde va nous regarder Tadej (Pogacar) et moi jusqu’à Liège », lâcha-t-il. Digne des es reparti es les plus audacieuses.
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CLASSEMENTS
HOMMES
1. Evenepoel (BEL, Soudal Quick Step), les 162, 6 km en en 3h35'14'' (moy. : 45, 328 km/ h);
2 . Van Aert (BEL, Visma Lease a Bike), m.t ;
3. Morgado (POR, UAE Emirates) à 27'' ;
4. Aranburu (ESP, Cofidis) ; 5. Prades (ESP, Caja Rural) ; 6. F. Christen (SUI, Q36.5) ; 7. Powless (USA, EF Education Easy Post) ; 8. Silva (URU, Caja Rural) ; 9. Menten (BEL, Lotto) ; 10. Del Grosso (HOL, Alpecin Deceuninck) ;
11. T. Pidcock (GBR, Q36.5) ; ...15. Delettre (TotalEnergies) ; 18. Turgis (TEN) ; 19. Benoot (BEL, TVL) t.m.t. ; 42. Blackmore (GBR, Israel-Premier Tech) à 37''.
98 classés. 38 abandons.
FEMMES
1. Longo Borghini (ITA, UAE ADQ), les 125, 7 km en 3h 7’37’’ (moy. : 40, 199 km/h) ;
2. Vos (HOL, Visma-Lease a bike), à 6’’;
3. Gerritse (SD Worx Protime) ;
4. Gasparrini (ITA, UAE) ; 5. Henderson (GBR, LidlTrek) ; 6. Muzic (FDJ-Suez)... 8. Chabbey (SUI, FDJ-Suez), t.m.t...48. Van der Breggen (HOL, SD Worx-Protime), à 2’10’’.
89 classées. 2 non-partantes. 44 abandons.
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«Remco m’a tué»
Wout Van Aert a de nouveau été battu au sprint, comme lors d’À Travers la Flandre début avril, sans pouvoir expliquer ce nouvel échec.
"Je n’avais plus rien dans les jambes dans le final"
- WOUT VAN AERT
OVERIJSE – Wout Van Aert n’y arrive plus. Après le fiasco de Waregem au début du mois, quand il avait été battu par Neilson Powless alors que ses coéquipiers Tiesj Benoot et Matteo Jorgenson avaient fait tout le boulot pour lui préparer le sprint, cette fois c’est Remco Evenepoel qui l’a surpris dans un exercice qu’il a pourtant plus souvent maîtrisé que son jeune compatriote.
Une nouvelle désillusion que le trentenaire n’arrivait pas à expliquer après la course. «Dans ce genre de situation, normalement je dois battre Remco mais apparemment, je ne suis plus un sprinteur, admettait-il, défaitiste comme rarement. J’aimerais aussi savoir, comme vous, pourquoi mon sprint ne fonctionne plus ce printemps. »
Il avait beau retourner le problème dans tous les sens, sans fuir ses responsabilités, il n’avait aucune réponse à apporter. «Je ne pense pas qu’on ait travaillé différemment, poursuivait-il. Nous devrons étudier cela, car, là, je n’en ai aucune idée. La seule explication, c’est que j’ai souffert dans les derniers kilomètres et que j’étais déjà au-dessus de la limite lorsque j’ai entamé le sprint. » Un constat d’échec qui ne lui ressemblait pas, comme s’il avait baissé les bras, d’abord face à la domination de son éternel rival Mathieu van der Poel, et désormais sur ce Remco Evenepoel revenu de nulle part après une longue convalescence.
Il raconta aussi son impuissance, alors que lui et son équipe avaient lancé la bagarre finale à 50 kilomètres de l’arrivée. Après coup, il regrettait presque cette stratégie, car « la sélection a été plus importante que prévu. Ça aurait été mieux s’il y avait eu encore quelques coureurs avec moi, ça m’aurait évité de subir Remco. Il m’a tué à petit feu.»
Une situation tellement improbable alors qu’il sort de la campagne des classiques flamandes, préparée loin des regards sur les hauteurs du volcan Teide aux Canaries. « Je n’avais plus rien dans les jambes dans le final, j’avais espéré que ça se calmerait pour avoir un sprint explosif qui m’aurait arrangé. Mais Remco a continué à rouler, j’avais du mal à rester dans sa roue, le sprint a été un effort trop long pour moi.»
Sur le podium, on l’avait senti moins affecté que lors d’À Travers les Flandres à côté de Powless. Il semblait presque heureux de vivre le retour d’Evenepoel (à ses dépens). « Même si j’espérais mieux, je ne suis pas trop déçu, concéda-t-il avec classe. Avant l’arrivée, je sentais bien que Remco était le plus fort. Le sprint l’a prouvé.»
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Longo Borghini, la Brabançonne
Décidément, cette course lui va bien. Favorite de la Flèche Brabançonne, Elisa Longo Borghini (UAE ADQ) s'est imposée hier après un tour de force dans les derniers kilomètres, pour la deuxième fois d’affilée. L’Italienne de 33 ans avait tenté une première fois d'accélérer à 28 km de l'arrivée, faisant le forcing pour rejoindre un groupe de sept coureuses à l’avant. Rattrapée par le peloton, elle a patiemment attendu une côte pavée à onze bornes de la ligne pour placer une accélération fulgurante, clouant là ses rivales.
La championne d'Italie a géré son avance, résistant au retour de ses poursuivantes pour gagner en solitaire à Overijse. La Néerlandaise Marianne Vos (Visma-Lease a bike) devance sa compatriote Femke Gerritse
(SD Worx-Protime) dans le sprint des battues du jour. Longo Borghini se rassure après sa chute sur le Tour des Flandres (commotion cérébrale) début avril, avant d'aborder le triptyque ardennais Amstel Gold Race (demain) - Flèche Wallonne (mercredi) - LiègeBastogne-Liège (27 avril).
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