UNE MERVEILLE


Mathieu van der Poel a fait exploser la Primavera sur le haut du Poggio, 
après avoir contré Tadej Pogacar (4e), pour s’imposer en solo à San Remo 
et infliger une défaite douloureuse à son meilleur ennemi Wout van Aert (3e).

19 Mar 2023 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL ALEXANDRE ROOS

Chien fou par le passé, Mathieu van der Poel a cette fois patienté comme un vieux matou
La frustration personnelle de Van Aert est aggravée par l’identité de son bourreau, son plus grand rival

From page 1 SAN REMO (ITA) – C’est une image pour toujours, Mathieu van der Poel les bras en croix, qui libère sa joie, mais surtout, derrière lui, cette via Roma vide, expurgée de son bazar habituel, des motos crapoteuses et du ballet des crève-la-dalle qui s’arrachent pour les places d’honneur. Comme si l’unionentrelaPrimaveraetlepetit-fils de Raymond Poulidor, un couple si naturel, devait être célébrée dans l’intimité, les autres prétendants éjectés du cadre. Le Monument italien a adoubé le Néerlandais parce qu’il a construit son succès dans la maîtrise de l’essence de cette course, parce qu’il s’est agenouillé dans ses lieux saints, dans le Poggio, à qui il a redonné une part de sa gloire passée, et dans le théâtre de son couronnement, via Roma donc, cette rue commerçante banale mais mythique un jour dans l’année, dont il a fait le deuxième acteur de sa consécration.

L’apothéose sur la Riviera illustraitégalementlemondequeMathieu van der Poel avait mis entre lui et ses adversaires, en un peu plus de cinq kilomètres, quinze secondes sur la ligne d’arrivée, qui à San Remo représentent un océan. Tout cela au prix d’une nouvelle attaque de vélociraptor quelques centaines de mètres avant le sommet du Poggio, pile à l’endroit du panneau de la petite commune éponyme. Puis d’une descente contrôlée, sans flirter avec les limites, et pour finir d’une fugue dans les rues de San Remo où il maintint à distance Wout van Aert, Filippo Ganna et Tadej Pogacar, soit grosso modo les trois meilleurs rouleurs du monde, ce qui situe la performance.

Il y eut la puissance, évidemment, mais on retiendra surtout l’intelligence qui a fondé ce chef-d’oeuvre. Chien fou par le passé, qui pouvait éparpiller ses forces sans rien calculer, Mathieu van der Poel a cette fois patienté comme un vieux matou. Il a laissé les autres passer au tamis le gros paquet qui s’était présenté au pied du Poggio, où les costauds disposaient encore de beaucoup de main-d’oeuvre, et a sorti sa lame pour contrer Tadej Pogacar au moment où ses rivaux suffoquaient comme un banc de poissons sortis de l’eau, pour conclure la montée du balcon de San Remo la plus électrique et excitante des dernières années. En bas, alors que le puncheur d’Alpecin-Deceuninck se faisait ensevelir par l’ivresse de l’arrivée, Filippo Ganna s’était extirpé dans les dernières centaines de mètres avec la goutte d’essence qu’il lui restait dans le réservoir pour aller s’offrir une deuxième place, qui démontre la nouvelle épaisseur de l’Italien, décidé à se libérer du carcan du chrono, et on a déjà hâte d’être à Paris-Roubaix pour une confirmation.

TadejPogacarterminaitaupied du podium et actait sa défaite en passant la ligne le casque baissé, mais on ne pourra pas reprocher au Slovène d’avoir chipoté, de ne pas avoir assumé son statut. Il a mis ses équipiers au boulot et le peloton en ligne dans la Cipressa, mais le vent qui poussait dans le dos a rendu la montée plus facile, calé dans les roues. Il a ensuite envoyé Tim Wellens en tête de fusée dans le Poggio, pour une petite séance d’écartèlement, et ce renard à barbe de Matteo Trentin créa une cassure dans la chenille, qui permit à son leader de s’envoler avec un groupe réduit dans la roue. Pogacar en profita pour allumer une mèche à un peu plus d’une borne du sommet, mais il ne largua pas les derniers résistants. Il n’avait pas à s’en vouloir, mais Milan-San Remo demeurera un casse-tête pour lui dans les années à venir et il va également falloir qu’il se penche sur le cas Van der Poel, qui a tendance à lui mener la vie dure, comme au Tour des Flandres l’an passé, alors que se profile une «revanche» dans deux semaines à Audenarde.

La déception était plus dure à avaler dans le camp de Wout van Aert, qui ne se consolera pas d’un nouveau podium (3e) sur un Monument. Le Belge évoluait un niveau en dessous hier, mais sa

frustration personnelle est aggravée par l’identité de son bourreau, son plus grand rival, qui, après l’avoir dominé sur les Mondiaux de cyclo-cross en février, est en train de devenir le maître des classiques – il est désormais le seulcoureuractuelavecTadejPogacar avec trois Monuments –, sous ses yeux et à ses dépens, un titre auquel il aimerait pouvoir prétendre.

Sa relation à Mathieu van der Poel lui cause bien des tourments, des dilemmes de divan de psy, puisqu’il reconnaît qu’il a besoin de ce frère ennemi en course comme un repère, une bouée pour repousser ses limites, mais en même temps, ce dernier ne cesse de le martyriser. Van Aert va

devoir se relever rapidement de ce nouvel échec sur les classiques, alors que la campagne flamande sera lancée la semaine prochaine. Hier soir, il fut le seul à quitter San Remo les valises chargées de tristesse.

Car pour le reste, même les

procureurs qui nous asticotent chaque année les oreilles de leurs attaques sur l’ennui de la Classicissima s’étaient tus. Mathieu van der Poel a fait aimer Milan-San Remo à tout le monde et c’est ce qui donna à ce petit bijou toute sa beauté.

ALEXANDRE ROOS

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«Au-delà de mes espérances»

DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PHILIPPE LE GARS
Mathieu van der Poel a répété que ses doutes depuis Tirreno-Adriatico ne lui avaient pas permis d’envisager une telle victoire sur la via Roma. Comme son grand-père Raymond Poulidor en 1961.

“Je savais que je ne devais pas attendre, que c’était ma seule chance pour espérer gagner
VA'ND'ER MATHIEU POEL

SAN REMO – À l’évocation de Raymond Poulidor, son « papy » comme il l’appelle encore aujourd’hui, Mathieu van der Poel a du mal à masquer son émotion et, devant les caméras juste après l’arrivée hier, la question inévitable sur la victoire de son grand-père, ici même il y a soixante-deuxans, sembla le prendre de court. Il y avait pensé, évidemment, mais i l l u i é t a i t impossible de s’épancher. «C’est tellement spécial pour moi de gagner comme lui», lâcha-t-il seulement, avant de rappeler que sa situation était encore fragile quelques heures plus tôt, au moment du départ dans la banlieue de Milan. «Ce n’était pas du bluff, assura-t-il quand on lui rappela ses propos pessimistes ces derniers jours. J’étais en plein doute depuis Tirreno-Adriatico et je ne pouvais imaginer un tel scénario. Tout s’est déroulé au-delà de mes espérances. Ce matin (hier) je me sentais bien mais je n’étais pas non plus dans un état de folie.»

Mathieu van der Poel n’avait pas l’intention de convaincre son auditoire, cette victoire confirmait aussi ce qu’il avait déjà répété ces derniers jours, « j’avais juste besoin d’une course comme Tirreno pour retrouver mon niveau». Depuis l’obtention de son cinquième titreauChampionnatdumondede cyclo-cross à Hoogerheide, le 5 février, le Néerlandais avait cet objectif en tête, « parce que c’est le Monument le plus difficile à gagner».

Il n’a pourtant jamais caché son sentiment sur Milan-San Remo: «Ce n’est pas une course que j’aime particulièrement courir, on s’ennuie une grande partie de la journée, seuls les derniers kilomètres sont excitants, c’est le moment le plus difficile à gérer.»

Hier, c’est dans la Cipressa qu’il a compris que le final s’annonçait mieux que prévu. « La montée était moins dure que je le craignais, je me suis donc concentré sur le Poggio. J’avais prévu d’attaquer sur la fin, je pensais bien que j’aurais une ouverture face à Pogacar avant de basculer. Je savais que je ne devais pas attendre, que c’était ma seule chance pour espérer gagner.»

Il raconta qu’il n’avait pas voulu prendre le moindre risque dans la descente, « J’étais seulement à 80 %, je m’en serais tellement voulu si j’avais chuté. Le plus important, c’était de faire une descente studieuse, je ne m’occupais pas des écarts derrière, je restais concentré sur les bonnes trajectoires à prendre.» Contrarié par des problèmes récurrents de dos depuis un peu plus d’un an, Mathieu van der Poel sait désormais qu’il devra vivre avec jusqu’à la fin de sa carrière, comme son père Adrie avant lui, mais que c’est aussi ce qui lui permet d’appréhender différemment ces moments de joie. «J’ai compris que je devais profiter de plus en plus de ces victoires », avoua-t-il avec humilité.

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