La «Dame Blonde» s’en est allée


Janine Anquetil embrasse son mari, Jacques, 
à l’arrivée de Bordeaux-Paris, le 30 mai 1965.

La veuve du premier quintuple vainqueur du Tour de France, s’est éteinte dimanche, en Corse. Elle avait joué un rôle central dans la vie et la carrière du champion normand.

6 Mar 2024 - L'Équipe
YOHANN HAUTBOIS

“Je ne l’aimais pas beaucoup 
car il me compliquait la vie"
JANINE ANQUETIL', AU'SUJET 
DE SES PREMIÈRES RENCONTRES AVEC JACQUES

Janine Anquetil s’est éteinte à 96ans, dimanche matin à Calenzana, près de Calvi, tout au bout d’une vie de courses, de victoires, de douleur et de fêtes, aussi, puisque la veuve de Jacques Anquetil – décédé en 1987, à 53 ans – était réputée bonne vivante au sein du Château de La Neuville-Chant-d’Oisel (Seine-Martitime), où les soirées s’étiraient du vendredi au lundi. Jean-Christian Biville, ami du couple, ancien coureur pro chez Mercier et ancien photographe de L’Équipe, s’était souvenu, il y a quelques années, de l '« extraordinaire meneuse de revue» de cette petite bande de copains, une blonde platine, à la beauté confondante avec son bandeau noir cintrant son casque d’or, qui fut plus que l’épouse du quintuple vainqueur du Tour (en 1957 puis de 1961 à 1964). «Une sainte femme, confiait de son côté Lucien Aimar, l’été dernier à L’Équipe. Janine a été à la fois l’ordinateur, le programmateur, l’éducateur, l’avocat. En fait, elle a été l’enseignante de sa vie.»

Le rituel du Normand, double vainqueur du Giro (1960 et 1964), ne déviait d’ailleurs jamais une fois la course terminée: l’aristocrate du vélo sortait son peigne, se recoiffait et appelait Janine, qu’il avait volée à son médecin personnel de Rouen, enlevée même, au sens propre du terme, comme elle l’avait expliqué dans Vélo Mag : « Je m’étais retrouvée en robe de chambre et en slip, dans la rue. Nous avions pris le train pour Villefranche... C’était une folie. Une folie qu’à aucun moment je n’ai regrettée. C’est étrange, parfois je pense : “Mais pourquoi est-il venu dans ma vie?” Et, l’instant d’après, je remercie le hasard de l’avoir mis sur ma route.»

Ou alors c’était l’inverse tant cette fille d’un dirigeant du club de foot de Rouen fut son point d’équilibre, indispensable, même si, dans un documentaire ( Janine Anquetil, la dame blonde de Gérard Courant ), elle admit que leurs premières rencontres furent glaciales : «Je ne l’aimais pas beaucoup car il me compliquait la vie, il arrivait à des heures impossibles pour se faire soigner. Il fallait qu’on soit au garde à vous pour monsieur Anquetil. Je crois que c’est toujours comme ça que cela commence. ( Rires.) »

La suite fut fusionnelle ( « J’ai eu beaucoup de chance, j’ai toujours suivi Jacques car il m’imposait partout » ), cahoteuse à une époque où les épouses étaient confinées à l’ombre, à la maison. «Nanou» avait endossé les rôles multiples de confidente, de manageuse et d’intendante, elle le protégeait du vent derrière sa petite voiture lors des sorties du nonuple vainqueur du Grand Prix des Nations, elle lui fermait sa valise, le conduisait sur les critériums, réservait les restaurants et les hôtels, elle répondait au courrier, lui criait, avec un mégaphone, ses temps de passage lors de sa tentative de record du monde de l’heure en 1967 sur le vélodrome milanais du Vigorelli (non homologué car il a refusé de se soumettre au contrôle antidopage), le meilleur souvenir de Janine. Refusant d’être considérée «comme un poids» , elle remontait le moral de son homme hypersensible et superstitieux, au risque d’agacer, souvent: «C’était mal vu, on disait qu’il allait briser sa carrière, qu’il n’allait pas gagner alors que c’était le contraire.»

« L’enlèvement » ayant eu lieu en avril 1957 (ils se marièrent le 2décembre 1958), quelques mois avant sa première victoire sur le Tour, les directeurs sportifs ne mouftèrent pas longtemps, ils avaient compris qu’ «il fallait mieux que je sois présente» , encore plus quand le doute l’assaillait.

De sordides histoires de famille

Raphaël Geminiani, directeur sportif de son mari, en avait fait «(s)on alliée dans ce type de circonstances» . Fou d’elle, au point de lui faire livrer lors de son premier Giro (en 1960) une broche en diamant à l’instant même où il fit son entrée sur la piste ( « c’était un homme galant, délicat, réservé» ), Anquetil s’était montré un beaupère attentionné avec Annie et Alain, les enfants de Janine, nés de sa première union.

Mais ses envies de devenir père à son tour aboutirent à une vie de famille jugée à l’époque iconoclaste et qui, aujourd’hui, susciterait probablement un véritable scandale. Janine ne pouvant tomber enceinte, il avait été décidé, dans le huis clos familial, qu’Annie, tout juste 18 ans, porterait l’enfant du champion normand, son beau-père donc. Leur fille Sophie, née en 1971, raconta ce ménage à trois, en 2004, dans le livre Pour l’amour de Jacques (éd. Grasset), y décrivant «une histoire de bonheur » et comment « une femme, par amour pour son homme, lui offre sa fille. Laquelle, par amour, leur donne un enfant» .

La sphère familiale finit par exploser quand, dans le château des Elfes, en Normandie, Anquetil étendit le cercle de l’intime en se mettant en ménage avec Dominique, l’épouse d’Alain, le fils donc de Janine... Installée en Corse, cette dernière réveillait, sans rancoeur, les souvenirs d’un champion tourmenté et facétieux, à l’opposé de l’image qu’il renvoyait, faux dilettante et vrai angoissé par la mort – la petite comme la grande – que la « Dame Blonde» tentait d’apaiser. Ses obsèques seront célébrées demain matin à la Casazza de Calenzana. À sa famille, à ses proches, L’Équipe présente ses plus sincères condoléances.

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