Les détours de Pogačar



Après un long hiver, le Slovène effectue sa rentrée aujourd’hui sur les Strade Bianche, où il a annoncé vouloir gagner. Le premier défi d’une saison où il se frottera au doublé Giro-Tour dans le but d’exorciser ses défaites de juillet face à Jonas Vingega

2 Mar 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL ALEXANDRE ROOS

SIENNE (ITA) – Tout sera oublié tout à l’heure quand nous redécouvrirons la piazza del Campo et cette ligne d’arrivée grandiose, posée au pied de la Torre del Mangia, sous la supervision de ses gargouilles effrayantes, avec le même frisson que quand gamin on escaladait les marches d’un stade quatre à quatre pour en découvrir au plus vite le rectangle de pelouse, mais tout de même, commençons par un grognement.

Alors qu’hier après-midi la pluie rinçait les chemins blancs autour de Sienne, que la brume s’accrochait aux collines, une humeur de chien se promenait avec nous quand on repensait à ces impies qui avaient osé toucher au parcours des Strade Bianche (lire par ailleurs), au risque de bousculer les équilibres de la course et le rituel de notre pèlerinage. Pour quelle raison ajouter trente kilomètres, une boucle finale et quelques difficultés si ce n’est vouloir faire comme tout le monde, mouton parmi les moutons, ou pousser un peu plus le dossier de candidature pour devenir le sixième Monument, dont l’aboutissement ne changera rien à rien? S’est-on souvent ennuyé devant cette épopée antique autour de Sienne?

La classique italienne avait atteint une stabilité, sur 185 kilomètres seulement, les choses s’y dénouaient avec naturel, quelque part dans le somptueux chemin de Monte Sante Marie, ou plus loin dans la rampe de Santa Caterina, les dominos tombaient un à un jusqu’à l’avènement au pied du Dôme de marbre blanc et serpentine, un ordonnancement dans le chaos, l’essence d’une course cycliste.

Cette nature sera peut-être préservée tout à l’heure, mais on peut aussi craindre l’effet inverse. Au mieux, ces trente bornes supplémentaires seront juste inutiles, quarante-cinq minutes d’heure sup’non indemnisées aux coureurs. Au pire, la course perdra en suspense, la décision sera reportée plus loin alors que jusqu’à présent l’enchaînement des secteurs de San Martino in Grania et du Monte Sante Marie imposait sa décision, à plus de 50 bornes du terme. Là, ils sont repoussés à près de 80 km de l’arrivée, l’écrémage s’y opérera, mais s’ensuivra potentiellement une longue phase de transition.

Un défi à sa démesure

S’il y en a qui se fiche de toutes ces circonvolutions, c’est bien Tadej Pogačar. On aurait pu aussi grogner devant la découverte de la nouvelle coupe de cheveux du Slovène, mais ces mèches peroxydées nous ont arraché un sourire et plongé dans la mélancolie de nos adolescences, les années Biactol, mobylettes et pots trafiqués, premiers clopiots sous l’abribus du village. Le leader d’UAE n’a pourtant que l’allure enfantine, on sait qu’au départ ce matin il ne sera pas là pour acheter du terrain, quoique ce pourrait être une idée dans ce coin touché par la grâce, et cette semaine il n’a pas pris de chemin détourné: « Je suis là pour gagner » . Il s’agit du premier défi d’une saison où il a décidé de bouleverser son calendrier, une constante chez lui. Ce n’est pas le moindre, car lancer sa saison sur une course aussi difficile est culotté, surtout que ses adversaires du jour ont déjà affiché un sacré niveau de jeu, notamment lors du week-end d’ouverture en Belgique, que ce soit la doublette Laporte-Valter chez Visma-Lease a Bike, Toms Skujins, Tom Pidcock ou encore Matej Mohoric, voire même dans sa propre maison, avec le virevoltant Tim Wellens. Il y a deux ans, Pogacar avait écrasé les Strade Bianche, mais il sortait alors de l’UAE Tour où il avait remporté deux étapes et le général. Là, au bout d’un hiver où il a coupé plus longuement qu’à l’accoutumée, il sera sans filet, d’autant plus qu’après avoir boulotté les classiques au printemps dernier, les occasions seront cette année plus rares, aujourd’hui à Sienne, dans deux semaines à San Remo et fin avril sur Liège-Bastogne-Liège.

Un régime plus sec sur les classiques

La décision de tenter le doublé Giro-Tour de France a imposé ce régime plus sec sur les classiques. Elle peut d’ailleurs se lire de deux manières. Y voir du panache, un défi à sa démesure, puisque les dernières tentatives ont démontré qu’il était quasiment impossible d’enchaîner avec à chaque fois des ambitions au général. Ou se dire que Pogačar était à la recherche d’une voie de dégagement, d’une bouffée d’oxygène sur les grands Tours. Qu’à 25ans, il estimait le temps venu d’aller gonfler son palmarès en dehors des routes de juillet. Qu’après deux tentatives ratées dans le Tour face à Jonas Vingegaard, il reconnaissait que l’horizon y était bouché tant que le Danois évoluerait à cette altitude-là.

Comme le début d’un aveu d’impuissance, le besoin d’exorciser. Du moins sur le Tour, car pour les classiques, le Slovène demeure injouable. C’est ce visage qu’on attend aujourd’hui dans les toboggans siennois. Et au-delà du parcours, allongé ou pas, sa présence est souvent la garantie qu’il y aura des étincelles. C’est l’heure d’une des plus belles courses de la saison. Aujourd’hui, il ne pleuvra pas sur le sanctuaire toscan.

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