POGACAR LE GIRO À SA MAIN


La météo a chamboulé l’étape d’hier et les plans de Tadej Pogacar, vainqueur presque sans le vouloir de sa cinquième étape sur ce Giro qu’il écrase de sa domination.

22 May 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL - PIERRE MENJOT

"J’ai attaqué seulement à 1500 mètres de l’arrivée (…) 
Quand vous sentez la victoire possible, il faut y aller"
   - TADEJ POGACAR

Le Slovène a remporté, hier, dans des conditions dantesques, sa cinquième victoire depuis le début de la course. À un peu plus d’un mois du départ du Tour de France, il ne cesse d’impressionner. 

SANTA CRISTINA VAL GARDENA (ITA) – Cinq victoires en seize jours de course, décompte qu’il a pris le temps d’effectuer avant de passer la ligne tant il était seul au monde: Tadej Pogacar est à part dans ce Giro. Mais avant la montée victorieuse du maillot rose vers Santa Cristina Val Gardena, bien avant, un autre héros s’illustrait loin de là.

Un cyclo, cuissard court, en train de remonter le col de l’Umbrail par son versant suisse afin de trouver un spot où voir le peloton passer. Il était 10heures du matin et le garçon allait se retrouver bien embêté. Pas pour se faire une place, il n’y avait absolument personne sur le bord de la route, d’un côté comme de l’autre du sommet. Mais pour admirer ses idoles. Car ils ne sont finalement pas passés.

Le Giro a en effet livré hier une journée comme il sait le faire, sans aller jusqu’à la grève comme en 2020. Un sketch où l’acteur principal est toujours le même, la météo. L’ alerte avait pourtant été donnée dès la journée de repos, lundi, et la protestation, signée par toutes les équipes via le syndicat des coureurs, débouchait sur un communiqué deRCS,l’ organisateur du Tour d’ Italie: les décisions seraient prises au départ de l’étape, en fonction des conditions.

À 10 heures, au sommet du col del’ U mbrail, à2500mètresd’ altitude, le thermomètre dépassait pénible ment le zéro degré, la neige commençait à tomber, et tout le monde le savait, un peu plus bas à Livigno. La route, coupant un manteau de neige de deux bons mètres de part et d’autre, n’était pas impraticable, trois braves cantonniers nettoyant d’ailleurs les quelques plaques glissantes sur le bitume. Mais la sécurité, puisque c’est bien de cela qu’il s’agissait, semblait impossible à garantir pour une course professionnelle avec un tel enjeu. « Du suicide » , lançait Ewen Costiou (Arkéa-B & B Hotels). La solution était donc évidente, décrite dans le communiqué de la veille: en cas de risque, la course serait lancée après la longue descente de l’Umbrail, dans la vallée. Mais rien n’a été évident.

À 45 minutes du départ prévu à 11h25, une réunion était ainsi toujours en cours. « On ne sait pas encore ce qui va se passer » , rouspétait Aurélien Paret-Peintre, qui pouvait rêver d’échappée. Son équipier chez Decathlon-AG2R Ben O’Connor était, lui, bien plus piquant au micro d’Eurosport : «C’est probablement l’une des pires organisations de course, pestait l’Australien. C’est dommage, nous sommes en 2024 et vous avez encore des dinosaures qui ne voient pas le côté humain des choses.»

Les scènes à peine croyables se succédaient. Les coureurs montaient sur le podium habillés comme pour une sortie raquette. Puis retrouvaient le paddock que leurs car savaient quitté pour la plupart, afin de ne pas être en retard à l’arrivée. Ce qui les obligeait à patienter dans les vans des assistants ou les voitures de directeurs sportifs, d’où Julian Alaphilippe plaisantait: «On va attendre en faisant des bonhommes de neige.»

Même Pogacar, dernier coureur à être présenté au (maigre) public sous la pluie, ne savait pas ce qu’il devait faire. « Courir par 0 degré et la neige, c’est la merde, clamait le leader de la course. Mais ça ne serait pas la) première fois pour moi ni pour personne ici. S’ils veulent nous faire courir, je peux mais il faut que tout soit sécurisé. »

Passé quelques tergiversations, décision était enfin prise d’effectuer un départ fictif à Livigno, afin que la municipalité profite un peu après l’argent investi pour accueillir l’événement, puis de partir à 70 kilomètres de là. De fictif il n’y eut pas, les coureurs étant restés dans leur voiture, et après une nouvelle mise en route improbable( tous les coureurs s’abritant sous une station-service en attendant le feu vert), la 16e étape démarra enfin de La as, avec 121 kilomètres à avaler en deux parties: 80 kilomètres légèrement descendants puis 40 à monter.

La suite? Elle fut beaucoup plus classique. Quatre hommes échappés, parmi lesquels Julian Alaphilippe et l’Italien Mirco Maestri, qui l’avait aidé dans son entreprise victorieuse la semaine dernière. Les Movistar qui font n’importe quoi derrière, à rouler en tête de peloton, officiellement car leur leader Einer Rubio (9e du général) se sentait de bonnes jambes, « mais on s’est peut-être un peu précipités » , concédait le Colombien. Et la victoire du maillot rose, presque sans le vouloir. « J’ai attaqué seulement à 1500 mètres de l’arrivée, s’excusait "Pogi’", parti sans même lever les fesses de la selle. On voulait rester relax en donnant du temps à l’échappée, mais si on peut être aidés par d’autres équipes comme Movistar, ça me réjouit. Quand vous sentez la victoire possible, il faut y aller. »

Le Slovène aurait d’abord voulu que son équipier Rafal Majka joue sa carte, avouait le Polonais, mais il a donc cueilli son cinquième bouquet comme un grand, et étalé davantage une domination pas si rare sur un grand Tour (lui-même en 2021, Nibali 2014, ou les années Froome sur le Tour; Roglic sur la Vuelta 2021 pour les exemples récents). Au Giro, aucun coureur n’était parvenu à remporter autant d’étapes, hors sprint massif, depuis José Manuel Fuentes en 1974.

Puisque d’autres opportunités s’annoncent, sans doute samedi avec la double ascension du monte Grappa qu’il a ciblée (et il a gagné toutes les étapes qu’il visait, à l’exception de la première à Turin), sa moisson n’est pas forcément terminée. « Peut-être que je ne dois pas chercher trop profond dans mes réserves vu l’avance que j’ai, sauf si je me fais lâcher dès le départ bien sûr, jaugeait-il hier. Je suis une personne qui aime quand les choses sont prévues, je crois que je tiens ça de ma fiancée, qui est très organisée, car je n’étais pas comme ça. Donc j’apprécie quand on suit un plan à la perfection. Mais dans le cyclisme, c’est presque impossible, comme aujourd’hui (hier). » Qu’importe la stratégie, qu’importe la neige, son naturel est revenu et les autres l’ont regardé de loin, comme depuis deux semaines maintenant.

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