Yates en résurrection


Adam Yates, futur vainqueur de l’étape, 
derrière son coéquipier Jay Vine et devant David Gaudu.

Si Ben O’Connor a neutralisé Primoz Roglic dans la grande étape de la Sierra Nevada, vainqueur de l’étape, et Richard Carapaz sont revenus dans le jeu du général à la faveur de l’échappée.

26 Aug 2024 - L'Équipe
ALEXANDRE ROOS

GRENADE (ESP) – L’hôtel que l’organisation avait réservé pour permettre aux coureurs de se toiletter avant le transfert en avion vers Vigo fut hier en fin d’après-midi le théâtre d’un défilé de grands brûlés, passés au chalumeau pendant cinq heures sur leur vélo, qui prirent un mur thermique au moment de pénétrer dans le hall climatisé. Primoz Roglic le traversa pieds nus sur le carrelage frais, Mattias Skjelmose telle une tortue avec son gilet-carapace rempli de glace.

À l’arrivée, étonnamment pâlot alors que le soleil lui avait tapé dessus toute la journée, Adam Yates suppliait pour qu’on lui tende de l’eau. Le Britannique est familier des chaleurs autour de Grenade, il y vient deux fois par an, il s’y est même marié, juste à côté de l’Alhambra, mais il fut saisi par la fournaise, 42 degrés et un vent qui soufflait comme un sèche-cheveux.

Une chaleur folle

Ce qui nous fit penser qu’au long de ces journées brûlantes en Andalousie, on n’entendit pas beaucoup parler du protocole températures extrêmes de l’Union cycliste internationale, pas davantage du syndicat des coureurs. Sans doute que 40 degrés ne correspondent pas à la définition d’extrême ou que les sensibilités thermiques sont fluctuantes selon qu’il fait très froid ou très chaud, mais au moment d’entamer la remontée vers le Nord et des températures plus civilisées, nous demeurâmes fascinés que l’on continue de faire courir le peloton dans la région la plus chaude d’Europe, au moment le plus chaud de l’année et aux heures les plus chaudes de la journée.

Quoi qu’il en soit, décrépit comme un zombie après sa journée à l’avant et ses 58km de raid solitaire, Yates a connu sa résurrection dans cette Vuelta. Jusque-là, le Britannique, pourtant un des favoris au départ, n’avait fait que subir mais, hier, il fut irrésistible et s’envola dans la première ascension de l’Alto de Hazallanas, où il déposa ses derniers compagnons de fugue, son équipier Jay Vine et David Gaudu. Au sommet de la seconde, à 23km de l’arrivée en bas à Grenade, il comptait encore plus de 5’30’’ d’avance sur un groupe Maillot Rouge dans lequel il n’y avait plus que sept éléments – Ben O’Connor avec Felix Gall, Primoz Roglic avec Florian Lipowitz, Mikel Landa, Carlos Rodríguez et son homonyme Cristian, qui faisait du ski nautique en queue de paquet.

O’Connor retrouve des couleurs

La victoire d’étape était dans la poche, mais son avance fut rabotée dans la dernière partie de quasiment deux minutes (3’45’’ sur la ligne) car elle était moins favorable à un homme seul avec le vent de face, et qu’en plus Yates était grignoté par les crampes. Mêmes’il disait n’en avoir rien à faire, cet exploit a ravivé ses ambitions au général, comme il a redonné des couleurs à sa formation UAE qui avait pris le bouillon dans cette première semaine et dû enregistrer l’abandon de Joao Almeida, souffrant du Covid-19, hier matin. « Je suis surtout content d’avoir finalement pu regagner sur un grand Tour, savourait Yates, qui ne comptait en la matière que sa victoire à Bilbao dans le Tour de France 2023. Onn’avait rien à perdre, on voulait surtout l’étape, le reste ce n’est que du bonus.»

La remontée au général de Yates, ainsi que celle encore plus menaçante de Richard Carapaz, 2e de l’étape et 3e du général (à 4’32’’ d’O’Connor et 39’’ de Roglic) après être parti à contretemps sur la trace des échappés, sont la dernière illustration que personne n’est en mesure de contrôler la course. O’Connor était surtout satisfait d’avoir réussi à museler Roglic, et c’est d’ailleurs le Slovène qui avait l’air cette fois un brin dans le dur, même si cela ne lui coûta rien en dehors des 4’’ de bonifications que l’Australien lui prit sur la ligne. « J’étais bien mieux qu’hier (samedi), souriait le Maillot Rouge. Je me sentais super bien, plus en phase avec ce que je suis capable de faire, ce que j’ai fait dans le passé.»

Dans ce bouillonnement, Enric Mas a paru le plus fort, puisqu’il avait réussi à s’exfiltrer et à prendre une minute aux favoris au sommet de la dernière ascension, avant de se faire une grosse frayeur dans la descente et d’être repris dans le final. Sepp Kuss, lui, a poursuivi sa dégringolade (14e à 8’16), alors qu’Antonio Tiberi aabandonné, victime d’un coup de chaud, et que Lennert Van Eetvelt (15e) et Skjelmose (13e) ont sérieusement reculé au général.

Voilà pour les leçons du jour, éphémères par nature, dans cette Vuelta qui, depuis son départ de Lisbonne, a distribué ses offrandes et ses gifles sans discernement et qui, au bout d’une semaine, est encore très loin d’approcher un verdict.

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