Godon comme à la maison
Le puncheur de Decathlon-AG2R court sur ses routes d’entraînement, cette semaine, au Tour de Catalogne, où il a effectué ses études de kiné pendant huit ans. Quatrième et frustré hier, il espère vite lever les bras sur un terrain à sa convenance.
"J’étais en 5e position, j’ai fait la guerre à Primoz Roglic
dans les premiers virages, et j’aurais dû insister plus"
- DORIAN GODON
25 Mar 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT
SANT FELIU DE GUIXOLS (ESP) – Trouver un cycliste pro dans la région de Gérone n’est pas bien difficile, l’endroit étant l’un des plus prisés avec Andorre ou Monaco. Dorian Godon fait ainsi partie de cette grande famille. Mais ce n’est pas le vélo qui l’a amené dans le coin depuis plus de huit ans maintenant. « J’ai fait une année et demie de médecine, puis je n’ai pas été pris en école de kiné en France, explique le puncheur de DecathlonAG2R La Mondiale (28ans). J’étais en amateurs, et comme je ne savais pas si j’allais faire carrière ou pas, je me suis inscrit dans une école de kiné à Gérone. Et c’est le meilleur choix de ma vie.»Le Français Dorian Godon (à droite), hier, lors de la première étape du Tour de Catalogne.
Sa rentrée tout juste effectuée, en septembre 2016, Godon reçoit un coup de fil d’Yvon Sanquer, alors manager de Cofidis. Stagiaire depuis août, le Lyonnais a convaincu l’équipe nordiste de le recruter pour deux ans. « C’était top, car professionnel, tu habites où tu veux, dit-il en souriant. Si je continuais en amateur (à Vaulx-enVelin), j’avais conscience que ça impliquait beaucoup d’allers-retours, d’autant qu’il n’y a pas beaucoup de courses dans le sud de la France. J’aurais continué, car j’adore ça, mais ça aurait été une belle galère.»
La galère ne sera donc pas sur le vélo. Mais à l’école, tout n’est pas évident. Car Godon, 20 ans alors, arrive sans parler un mot d’espagnol ni de catalan, les deux langues dans lesquelles les cours sont donnés. « Tout était nouveau et j’étais jeune, je ne connaissais pas le pays, la langue, je partais de la maison où j’étais un peu couvé, donc c’était compliqué. Puis j’ai appris sur le tas : pour les cours d’anatomie, il y avait pas mal de concordances avec le français, donc je m’en sortais. On s’aidait entre étudiants aussi. J’ai fait des stages à l’hôpital, je roulais avec des Catalans, donc ça me forçait à parler. J’ai fait mes bases comme ça, j’ai pris goût petit à petit, puis c’était lancé.»
Le Français, surtout, découvre un petit paradis pour cyclistes. «Les automobilistes, je suis désolé de dire ça, mais ça n’a rien à voir avec la France, tu ne te fais jamais klaxonner. Une fois, je me suis fait klaxonner, je me suis retourné : c’était une plaque française (sourire). Il n’y a pas tant de villages que ça, donc on peut passer trentekilomètres sans voir une voiture. On a la chance de faire un métier où on n’est pas enfermé, et je peux profiterde ça, c’ est très nature, très sauvage. Quand j’ai quatre heures sans rien, je prends mon vélo gravel et je vais m’aventurer dans les chemins de terre, il y en a partout.» Il a un peu plus de temps pour lui depuis quelques mois, car il a fini ses études de kiné. Son cursus terminé, en huit ans au lieu de quatre, il ne compte pas quitter tout de suite Gérone et les Catalans «très fiers de leur région, mais très accueillants, assure Godon, avantderigoler. Laseulechosequi me saoule, c’est que quand je vais dans un commerce, même si je parle espagnol, ils me répondent en anglais. Bon, c’est vrai que j’ai un peu une tête de mec du Nord, mais ça fait mal.»
Un bon moyen de se faire connaître au-delà de son cercle d’amis, venus le soutenir au départ de Sant Feliu de Guixols hier, serait de gagner cette semaine. Son objectif, sur un terrain qu’il connaît par coeur et adapté à ses qualités de sprinteur-puncheur.
Hier, le Lyonnais savait qu’il fallait attaquer la descente finale en tête de peloton. « J’étais en 5e position, j’ai fait la guerre à Primoz Roglic dans les premiers virages, et j’aurais dû insister plus, car Primoz fait la cassure, alors qu’il y avait moyen de suivre Groves et Brennan.»
Ce dernier s’est imposé, au terme de quatre heures d’efforts sous la pluie et d’un final de feu, doublant Tibor Del Grosso à une paire de mètres de la ligne. Et Godon a dû se contenter de la 4e place, premier des battus. «J’ai lancé assez tôt, comme c’était foutu, explique-t-il. C’est dommage après une belle course. On essaiera, demain (aujourd’hui à Figueres) est une autre occasion, j’espère vraiment lever les bras d’icilafindelasemaine.»
Le coureur de Decathlon est «rarement frustré», jure-t-il. Mais il l’était il y a un an, 2e de la dernière étape de la Volta Catalunya autour de Barcelone, battu au sprint par Tadej Pogacar. « Celle-là, je la voulais vraiment. Je m’étais rattrapé sur le Tour de Romandie, un mois après.» Avec ses deux premières victoires au niveau World Tour (11 succès au total). S’il réagit aussi fort, il sera interrogé en catalan sur le podium protocolaire. Et il comprendra.
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