Gaudu: « Je suis souvent touché mais pas souvent abattu »
Brillant en début de Vuelta, puis dans le dur depuis une semaine, le Breton s’accroche, fataliste, honnête sur son niveau mais convaincu que des jours meilleurs l’attendent.
3 Sep 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT
“J’ai tellement vu, sur des grands Tours, des mecs qui ont eu une seule bonne journée, une bonne étoile, alors qu’ils ont galéré pendant trois semaines. C’est ça qui me fait tenir
“Quand je gagne comme devant Pedersen, c’est un truc de ouf. Ça efface tous les mauvais moments, c’est même décuplé, car je suis quelqu’un qui ne gagne pas beaucoup il une part de'fa'talisme, Ya-t- à vous dire que votre carrière, désormais, sera faite de hauts et de bas?
LARRA BELAGUA (ESP) – Vingt minutes lâchées sur la ligne, franchie en 139e position: David Gaudu a de nouveau vécu un jour sans, hier, loin de ses coups d’éclat du début de Vuelta. Son podium à Limone Piemonte (2e étape), savictoire le lendemainàCeres, sonmaillot rouge à Voiron (4e étape) l’avaient menétrès haut dans les émotions. Depuis quelques jours, le Breton (28 ans) est plutôt très bas, mais il fait face, plus à une claque près cette saison.David Gaudu est arrivé 139e de la 10e étape hier.
« Avez-vous des explications à ces hauts et ces bas?
Non, pas trop. Il faudra voir si le corps arrive àrepartir, ousi c’était juste unsursaut d’orgueil d’une journée et demieoudeux sur le début dela Vuelta. J’étais triste des sensations. Je l’étais déjà d’avoir lâché trente secondes enAndorre ( 6e étape), car minederien j’avais retrouvé l’espoir sur les premiers jours decourse, la confiance, tout enétant prudent quandmêmecarcela dure trois semaines. Puis les sensations étaient vraiment très, très mauvaises le lendemain ( 81e à12’des meilleurs àCerler).
Donc, àunmoment, il fallait peut-être choisir et être plus loin augénéral, c’est peut-être la meilleure chose àfaire plutôt quedeprendre deux minutes tous les jours et nepaspouvoir partir enéchappée ensuite car trop proche augénéral.
Vous ne vous dites pas que c’est juste un mauvais jour, qu’il faut s’accrocher sans tout compromettre pour le classement général?
Dèsle chrono par équipes ( 5e étape), les sensations n’étaient pas les meilleures du monde, mais le maillot m’avait boosté. Là, je n’étais vraiment pas bien toute la journée, je tirais beaucoup debraquets, j’avais les jambes commedubois, j’avais beau appuyer, tout ce qui sortait, c’étaient des toxines. J’ai essayé dem’accrocher au pied dela bosse finale, car les gars avaient fait unsuper boulot toute la journée, mais ça n’allait vraiment pas, ducoupj’ai explosé. Àunmoment, j’ai dit : le général, onoublie. Detoute façon onavait dit qu’on verrait après la première semaine oùonen serait. Les classements généraux, j’en ai fait par le passé, j’ai terminé Xfois ( six) dans les quinze premiers d’un grand Tour, je sais ce quec’est, et là, je n’ai simplement pas les jambes pour. Ons’est dit qu’on laissait passer l’orage. Onagagnéuneétapeavec l’équipe, ce qui était l’objectif, onaporté le maillot deleader, donc onn’a plus la pression, sinon celle qu’on se metpour aller chercher unedeuxièmevictoire.
Comme'nt'vivez- vous ça moralement, être lâché trois jours après une victoire?
Onn’a pas envie d’abandonner l’équipe, ses équipiers, les gens dans l’ombre derrière, les 70 personnes dans les bureaux ouau service course, qui nous regardent et n’espèrent qu’une chose: qu’il se passe la mêmechosequelejouroùj’ai gagné. Mêmepoursonego, onn’a pas envie d’abandonner, onveut aller del’avant. J’ai tellement vu, sur des grands Tours, des mecsquiont euuneseule bonnejournée, unebonneétoile, alors qu’ils ont galéré pendant trois semaines. C’est ça qui mefait tenir, je medisquej’ai peut-être déjà eu cette journée mais queje peux enavoir une deuxième.
Mais tout ça, vous y pensez quand vous êtes lâché par le peloton?
Non, non, ça vient après, dans la soirée. C’est dur defaire le deuil sur le coup, mais malheureusement, je commenceàêtre habitué et il faut savoir passer àautre chose. Et je passe vite àautre chose. J’ai réussi àmontrer dequoi j’étais capable quandj’étais à100%, commeaudébutdela Vuelta alors qu’une semaine avant, j’étais aufond dutrou auTour del’Ain ( 39e du
général). Je pense quec’est unepreuve de résilience. Je suis souvent touché mais pas souvent abattu.
Leseul truc dont je n’ai plus envie, c’est de meprendrela tête. Beaucoupdegenssont tristes quandje lâche, forcément, et beaucoup transforment leur tristesse en critiques. Mais je suis le premier triste sur monvéloquandje vois le peloton partir et queje nepeuxpasl’accrocher! Alors queje fais des sacrifices! Tupars deux, trois fois enstage d’altitude dans la saison, loin de chez toi, deta famille. Je nemeplains pas dutout, des gens travaillent àl’usine, font des métiers pas faciles, et je les metstout enhaut dela pyramide, car ce sont eux les premiers àselever pour gagner del’argent. Mais là, avec cette Vuelta, j’ai raté un mariage defamille. J’ai déjà manquéles baptêmes demesneveuxetnièces parce queje n’avais pas envie d’attraper le Covid. Parfois c’est payant, parfois non. Mais quandje gagne commedevantPedersen, c’est untruc deouf. Çaefface tous les mauvais moments, c’est mêmedécuplé, car je suis quelqu’un qui negagnepas beaucoup ( 13 succès). LepodiumàVoiron
(4e étape), c’est l’un des plus beaux quej’ai pufaire, la foule était folle, ça aravivé une flammeenmoi, qui n’était pas totalement éteinte, mais qui aresurgi àcemoment-là. J’ai vécu tellement demomentsdifficiles quecela provoque beaucoup d’émotions. Voilà, je suis capable detout et derien en mêmetemps, dumeilleur commedupire. On a l’impression que vous êtes adoré ou détesté, mais qu’il n’y a pas d’entre deux.
Ouais… ( Il réfléchit.) Il y ale fait d’être leader français d’une équipe française, c’est un truc très pesant, car enFrance onattend beaucoup dechoses. Quandonales Français derrière nous, onnepeut pas être battus, il n’y aqu’à voir les JOdeParis, la réussite queçaaété. Mais dans la difficulté, onatendance àêtre trop dur, parfois, un petit grain desel et ça part envrille. C’est aussi ce qui fait qu’on est Français ( sourire). Çafait partie dujeu. Je n’ai pas toujours été très clean, pas toujours été le plus malin. Après, onm’aimeoupas, c’est commeçaet il faut faire avec. »
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Ayuso périlleux
L’Espagnol d’UAE a incriminé les dirigeants de son équipe, hier, « comme une dictature », au lendemain de l’annonce de son départ. Avant de se muer en équipier et de continuer la Vuelta, comme si de rien n’était.
«Je suis heureux que toute cette histoire soit terminée,
publique, alors que ça me pesait depuis des mois»
- JUAN AYUSO
3 Sep 2025 - L'Équipe
PIERRE MENJOT (avec L. He.)
LARRA BELAGUA (ESP) – Un parc naturel au départ, les Pyrénées majestueuses, tapis vert moucheté du blanc des moutons, insensibles au spectacle qui les entourait : l’Espagne a proposé ce qu’elle a de plus beau, hier (avec son jambon), et ces paysages étaient bienvenus pour aérer l’esprit de Juan Ayuso. Le Valencian sortait d’une mauvaise nuit, alors qu’en fin de journée, lundi, son équipe UAE Emirates XRG avait officialisé son départ en fin de saison à travers un communiqué, et la réaction de l’Espagnol dans la soirée, avec un communiqué à lui où il disait chercher «un environnement qui correspondra davantage à qui je suis, à mes valeurs, où je peux me développer en toute confiance et tranquillité » , annonçait une suite animée. Elle a été bien plus que ça.Juan Ayuso pourrait rejoindre la formation Lidl-Trek à partir de 2026.
Au pied du car de sa formation, où il était très attendu, le vainqueur de Tirreno-Adriatico a versé de l’essence par jerricanes sur le feu naissant. Le timing de cette officialisation? «C’est sorti à 19heures, à 18h30 je ne savais rien. On s’était mis d’accord pour communiquer après la Vuelta. Pourquoi c’est sorti ? C’est une question à leur poser à eux, mais ça me paraît clair: pour nuire à mon image.» Le texte du communiqué? «Je leur ai dit que je n’étais pas d’accord, ils m’ont répondu que le premier communiqué qu’ils avaient préparé était bien pire et que je devais être content avec ça. » La manière employée? «Je voulais une belle sortie avec l’équipe. Mais parfois, apparemment, ça n’est pas possible, quand ça ressemble plus à une dictature, à des décisions unilatérales.»
Le gamin que toutes les équipes s’arrachent
Une situation ubuesque, jamais vue dans le vélo, et la conclusion d’une histoire pourtant longtemps très belle. Ayuso (22 ans) était le gamin que toutes les équipes s’arrachent, junior brillant. Parti apprendre le métier en Italie, il rejoint UAE pour suivre Joxean Fernandez Matxin, l’homme qui a une fiche sur tous les gamins d’Europe sitôt qu’ils abandonnent leurs petites roues, et directeur sportif de la structure. Un mentor. Quand, 3e de la Vuelta 2022, le rouleur-grimpeur devient le plus jeune coureur depuis un siècle à monter sur le podium d’un grand Tour, à une époque où Tadej Pogacar vient de plier face à Jonas Vingegaard sur le Tour, tout le monde s’extasie: la relève est déjà là.
Son ascension se poursuit, malgré quelques pépins physiques, l’ambition grandit, et un premier tournant a lieu lors de la Grande Boucle 2024. Sur la 4e étape, le garçon ne se sacrifie pas vraiment pour Pogacar dans le Galibier, s’arrache pour prendre la 3e place à Valloire, et quitte lacourse au bout de deux semaines, touché par le Covid, sans avoir été trop utile. Le coup est rattrapé avec une explication entre le Slovène tout-puissant chez UAE et son cadet en septembre, au Québec. Mais un nouveau virage, cette fois en épingle, arrive en mai.
Ayuso débarque au Giro en leader, avec la pression d’y briller ( « Je sais que je dois fournir des résultats pour pouvoir conserver mon espace » , prévient-il à Tirreno en mars), pression due à ses attentes comme celles de son équipe. Il y remporte une étape mais chute, malchanceux, puis souffre d’une piqûre d’insecte qui gêne sa vue. Pendant la 18e étape, il bâche, largué depuis longtemps au général et sans avoir travaillé pour son équipier Isaac Del Toro, maillot rose pendant onze jours et 2e à Rome. Au retour, les dirigeants d’UAE sont surpris : Giovanni Lombardi, agent d’Ayuso (qui n’en avait jamais eu avant ça), vient leur annoncer que le coureur souhaite partir, malgré un contrat courant jusqu’en 2028, après une longue réflexion dans le camp du Valencian.
L’équipe émirienne tente de le retenir, convaincu par ses qualités malgré l’émergence de Del Toro, et afin de ne pas en faire un concurrent. «Mais ça n’était idéal pour personne qu’on continue ensemble» , nous souffle-t-on au sein du staff. Juste avant la Vuelta, un accord est donc trouvé et, selon la version avancée par son équipe, le communiqué publié lundi est établi. Avec l’idée de le publier après la Vuelta, sauf si les spéculations devenaient ingérables. Elles le furent. «Je cachais, je ne disais rien, donc c’est mieux d’être transparent. Tous les jours, vous me le demandiez!» rigolait Matxin au départ hier.
Son poulain, « un coureur exceptionnel » louait encore le DS, avait l’air plus grave. Il l’avait quitté, au sommet de Larra Belagua, arrivé dans un groupe d’attardés après avoir travaillé pour Joao Almeida en élève modèle. «Je suis heureux que Jay ( Vine, son équipier), un bon ami, ait gagné l’étape. Moi, j’étais mieux que dimanche, Joao m’a demandé d’accélérer, on a fait une belle action d’équipe. Je suis heureux que toute cette histoire soit terminée, publique, alors que ça me pesait depuis des mois.» La suite devrait s’écrire chez Lidl-Trek, moyennant compensation à l’équipe UAE, et «sera plus tranquille », imagine Ayuso. Avec lui, des espoirs fous aux critiques démesurées, rien n’a jamais été calme.
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Vingegaard « espère garder le maillot » jusqu’à Madrid
Cette fois, terminé de faire du social. Jonas Vingegaard a récupéré le maillot rouge, hier, à l’issue de la 10e étape, en suivant sans sourciller le rythme imposé par l’équipe UAE Emirates XRG dans la bosse. Contrairement aux deux premières fois où il était leader, il compte bien « conserver la tunique jusqu’à Madrid », assure-t-il, heureux d’avoir croisé Miguel Indurain, « une légende », sur le podium protocolaire. Le Danois s’attend à une journée épicée, aujourd’hui, lors de la boucle autour de Bilbao, 157 kilomètres à plus de 3 100 mètres de dénivelé dont la côte de Pike, vue sur la première étape du Tour 2023 où Vingegaard, Tadej Pogacar et Victor Lafay avaient ferraillé. « Une étape typiquement basque, qu’il ne faut pas sous-estimer », a expliqué le leader des Visma Lease a bike. « Elle sera peut-être plus décisive que celle de l’Angliru (13e étape, vendredi) » , imaginait carrément Jay Vine, le vainqueur hier.
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