IRRÉSISTIBLE
Sans surprise, Tadej Pogacar a posé tout le monde, quand il l’a souhaité, hier dans le mur de Huy. Le voilà toujours en route pour réaliser le triplé sur les courses vallonnées, avant le bras de fer avec Remco Evenepoel dimanche dans Liège-Bastogne-Liège.
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL ALEXANDRE ROOS
From page 1 HUY (BEL) – Qu’ya-t-il à écrire devant une telle domination? Que restet-il de cette ultime ascension du mur de Huy, sinon la sensation de se confronter aux forces de l’inéluctable, de se recroqueviller face au rouleau compresseur Tadej Pogacar?
Avant chaque course, on a beau lui chercher des poux, réviser nos formules de trigonométrie pour trouver un angle qui permettrait de le faire trébucher, le Slovène est un bulldozer bloqué sur la marche avant, qui gomme toutes les failles, qui terrasse toutes les difficultés pour aboutir à une solution inéluctable : il est le plus grand coureur du moment, et sans doute bien au-delà, rien ne saurait lui résister et c’est un vertige qui nous saisit tous, car il nous interroge sur la nature de ce à quoi nous sommes entrain d’assister. Est-ce cela, la version moderne du« merck xis me »?
En tout cas, Pogacar nous transporte aux frontières de nos imaginaires, il élargit l’horizon des possibles et ébranle nos certitudes, et rien que pour cela, c’est un remuement bienvenu, un éloge de la force suprême et métaphysique du cyclisme, et chacun sera toujours libre d’en faire ce qu’il en veut.
Alors, nous pourrions commencer par dire que Tadej Pogacar a été le plus fort dans le mur de Huy hier, mais cela reviendrait à établir que deux et deux font quatre, que l’eau mouille ou que le jambon italien est meilleur que l’espagnol, et aussi bien Romain Bardet, qui a tenté crânement sa chance dans la dernière montée, ou Michael Woods, qui s’est maintenu le plus longtemps possible aux avant-postes, ne nous contrediront.
Mais on voudrait surtout retenir l’impression d’une maîtrise totale, que tout était parfaitement aligné dans la stratégie des UAE sinon la mèche rebelle qui s’échappe du casque de leur leader, au cours d’une course qui est pourtant une des plus difficiles à canaliser du calendrier, car les appétits sont souvent encore nombreux quand s’enclenchent le final et le dernier kilomètre.
C’est la beauté d’un coureur touché par la grâce, qui surfe sur une vague de confiance et nous ouvre tant de perspectives excitantes
L’équipe de Tadej Pogacar avait ainsi pris le manche à près de 60 kilomètres de l’arrivée, elle ne le lâcha jamais vraiment et dans la côte de Cherave, à six bornes du but, Marc Hirschi et Diego Ulissi déroulèrent un tapis rouge à leur général et gardèrent à distance respectable le dernier fuyard, Louis Vervaeke.
Au pied du mur de Huy, les deux équipiers furent rapidement avalés, mais ils ne servaient de toute manière plus à rien, Tadej Pogacar avait été placé sur une rampe de lancement de velours. Il faut noter à quel point la formation du double vainqueur du Tour de France est en train de bourgeonner autour de son numéro1, de grandir et de prendre ses responsabilités alors que plusieurs fois ces dernières saisons on a eu de cesse de les attaquer pour leur fragilité.
Pour le reste, ce fut à Tadej Pogacar de jouer et la démonstration fut sans détour. Il laissa donc
Romain Bardet se limer les cuisseaux dans le raidard, puis Michael Woods boucher le trou sur le Français, il y eut alors un moment suspendu, l’impression que le Slovène était en train de laisser filer, mais c’est alors que pour la première fois il leva le cul de sa selle et en 5 mètres et trois tours de pédale il brisa les reins de tout lemonde.
À 180 mètres de la ligne, Amen, la messe était dite, et 100 mètres plus loin, Pogacar eut même le temps de jeter un coup d’oeil en arrière pour constater les dégâts. La définition de l’implacable en quelques secondes et la continuation d’une forme de tsunami qui le porte depuis le début de la
saison. C’est la beauté d’un coureur touché par la grâce, qui surfe sur une vague de confiance et nous ouvre tant de perspectives excitantes. Celle à court terme face à Remco Evenepoel, dimanche, dans Liège-Bastogne-Liège, où l’on imagine déjà les scénarios les plus fous, un raid en duo dès la côte de Stockeu. Celle à moyen terme d’une revanche face à Jonas Vingegaard dans le Tour de France et après sa victoire dans le Tour des Flandres au début du mois, on sait à quel point les échecspassésconstituentunressort puissant pour le Slovène. Et puis celle, intemporelle, intangible et éternelle de courir pour l’histoire.
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