«Le coureur du siècle»
Avec 12 victoires en 18 jours de course cette année, dont la dernière, hier, a encore laissé tous ses adversaires pantois, Tadej Pogacar est sur les bases d’une saison historique.
20 Apr 2023 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL GAÉTAN SCHERRER
HUY – Mattias Skjelmose ne savait pas trop quoi penser de sa deuxième place au sommet du mur de Huy: le grimpeur danois de 22 ans ne s’était jusqu’alors jamais illustré sur une classique, il aurait volontiers signé pour un tel résultat dans la matinée mais ne pouvait s’empêcher d’éprouver quelques regrets à l’idée d’être passé si près d’un exploit majuscule. Puis il a évoqué son bourreau et a fini par lâcher: «En fait, je ne peux que me satisfaire de n’avoir été battu que par celui qui deviendra peut-être le plus grand coureur de l’histoire. Pour l’instant, et malheureusement pour moi, je ne lui vois aucun point faible. C’est le genre de coureur qu’on ne voit qu’une fois par siècle.»
On a transmis le compliment à l’intéressé, et sa réaction résume assez bien le drôle de tortionnaire qu’est Tadej Pogacar puisque celui-ci a rétorqué, sans une once de taquinerie : « Il dit ça maintenant, mais il va peut-être me battre dimanche et, s’il y parvient, il sera le deuxième coureur du siècle. » Après avoir écrasé le Tour d’Andalousie en février, Paris-Nice en mars et trois grandes classiques d’affilée en avril, le Slovène poursuit donc son opération de démolition du moral de ses adversaires avec la candeur et le sourire de celui qui n’en touche pas une. Sa domination n’en est que plus impressionnante.
Il devient difficile de décrire le début de saison de Tadej Pogacar sans l’accompagner d’une litanie de superlatifs. Restent donc les chiffres: 66%, son taux de victoires cette saison (12 en dix-huit jours de course); 58, le nombre de succès qu’il a empilés à seulement 24ans; 0, comme le nombre de coureurs qui avant lui avaient déjà régné la même année sur le Tour des Flandres, l’Amstel Gold Race et la Flèche Wallonne.
Restent aussi les mots de ses rivaux, comme ceux de Victor Lafay, sixième hier. «On était nombreux à penser que la Flèche allait se courir différemment cette année à cause de la présence de Pogacar, mais il n’a même pas eu besoin de faire un numéro en partant de loin. Je pense qu’il s’est dit: si j’arrive au pied de la bosse dans les premiers, dans tous les cas, je vais gagner. Il a déjà fait un festival il y a trois jours, il pense à Liège-Bastogne-Liège dimanche, il avait envie de se préserver. Il savait que même si tout se jouait sur la montée finale, comme d’habitude, il allait gagner. Il a écrasé la course. Il ne pouvait rien lui arriver aujourd’hui. Cette année, il est vraiment sur une autre planète.»
Depuis là-haut, il contemple le reste de la meute se battre pour des miettes et n’est plus gêné par grand monde puisque ce sont des sphères où peu de coureurs, toutes spécialités confondues, ont évolué avant lui.
Au XXIesiècle, personne avant lui n’avait autant gagné en si peu de jours (seul Tom Boonen avait atteint la barre des 10 succès en dix-huit jours, en 2006). Lors de sa légendaire saison 1969, Eddy Merckx, qui a déjà adoubé à de multiples reprises son clone slovène et l’a récemment qualifié dans ces colonnes de « modèle pour le cyclisme», n’avait décroché sa douzième victoire de l’année «que» sur Liège-BastogneLiège, le 22avril.
Le Cannibale avait encore gloutonné 15 autres victoires dans la foulée, dont 4 étapes du Giro puis 6 étapes et le général du Tour de France, mais, en attendant, Pogacar est en avance sur les temps de la plus grande saison du plus grand coureur de l’histoire.
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