UN GIRO OLD SCHOOL


Primoz Roglic a été sacré hier à Rome au terme d’un Tour d’Italie fade dans son scénario, mais qui aura mis en lumière une bande de trentenaires durs à cuire.

29 May 2023 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL ALEXANDRE ROOS

ROME (ITA) – Le contre-la-montre du monte Lussari nous avait laissé la caboche embrumée et comme beaucoup, nous avons passé notre samedi soir et notre matinée d’hier à décortiquer les images de ce dernier épisode foldingue, de ce renversement de situation au profit de Primoz Roglic, les discussions sur la combinaison rose fournie par l’organisation à Geraint Thomas, qui lui aurait coûté des secondes en aérodynamisme et l’aurait fait suer comme un chorizo sur un barbecue, celles sur son changement de vélo et de casque aussi vif qu’un gastéropode se lançant dans la grande aventure d’une traversée de chaussée et qui lui fit sans doute perdre pas loin de dix secondes sur son rival le plus proche. Une manie des temps actuels de vouloir tout analyser, tout décortiquer, dans l’illusion que cela nous approchera de la vérité, alors que cela ne fait que nourrir des fantasmes, et dans le refus d’accepter les choses telles qu’elles sont, ce qui fonde la beauté du cyclisme.

Alors, que nous a donné ce Giro? Honnêtement, une course fade, où il fut beaucoup question de pluie, de cas positifs au Covid, de vraie-fausse démocratie du syndicat des coureurs, des dossiers qui nous donnèrent le sentiment d’être des assureurs en train d’examiner les astérisques x, y et z d’un contrat multirisque. L’épilogue dingo du monte Lussari, samedi, n’aura été qu’un baobab qui cache le reste d’une bataille du général où il ne se sera pas passé grand-chose et, finalement, l’événement le plus important dans la bagarre pour le maillot rose aura été l’abandon de Remco Evenepoel la veille de la première journée de repos, en raison d’un contrôle positif au Covid, un virus qui se sera volatilisé d’un coup de baguette magique dans la dernière ligne droite du Giro.

Roglic était en quête d’une rédemption depuis trois ans

Tout cela, nous l’oublierons bien vite, mais nous retiendrons les personnages que ce Tour d’Italie aura mis en lumière, une bande de trentenaires – ils sont quatre aux cinq premières positions du général –, durs à cuire sur leur vélo, qui refusent la fatalité du temps qui passe et les coups de pied aux fesses des jeunes impertinents.

Qui, surtout, avaient quelque chose de plus grand à chercher qu’un résultat, et la victoire de Mark Cavendish, hier à Rome, à 38ans, en fut la magnifique conclusion ( lire ci-contre).

De Damiano Caruso, 4e à 35ans, deux ans après sa 2e place, sublimé par les routes de son pays, à Primoz Roglic, qui a donc remporté son premier Tour d’Italie à 33ans et qui depuis trois ans était en quête d’une rédemption, d’un signe que, non, tout n’était finalement pas contre lui.

Quant à Geraint Thomas, 37ans depuis jeudi, pourquoi s’attarder sur tout ce qu’il a mal maîtrisé dans le dernier contre-lamontre, sortir une calculatrice virtuelle pour dresser l’addition de ses «erreurs», dans l’obsession des bilans comptables – il y a des métiers pour ça –, tandis que le

Gallois nous a dit samedi soir qu’il était «dévasté» ?

Qu’y a-t-il de plus profond et de plus touchant pour un guerrier de son espèce, qui a passé trois semaines à courir au millimètre, à maîtriser ses émotions, d’admettre que ce matin, son univers intime est en miettes? S’interroger sur comment il se relèvera de cette défaite ouvre des perspectives vertigineuses, alors que la question de la fin de sa carrière va se poser et qu’il sait qu’il pourrait emporter cette frustration avec lui pour toujours.


Pinot a fait ressentir à beaucoup le manque et le vide qu’il allait laisser dans cinq mois

On aimerait d’ailleurs savoir ce qui traversa son esprit au moment d’emmener le peloton dans les rues de Rome, hier, à l’orée du dernier kilomètre, sinon l’envie de retrouver le bonheur simple d’un gamin qui tourne les gambettes avec légèreté, le vent de la liberté qui souffle dans ses cheveux, loin des calculs, dans une tentative de purifier toutes les pensées négatives qui l’ont envahi depuis son revers.

Et finissons avec Thibaut Pinot, 5e du général, maillot azzurro du classement de la montagne, qui fête ses 33ans aujourd’hui. Il fut beaucoup question de victoires d’étape, de débats futiles – «mais alors top 5, c’est un Giro réussi?», « Mais s’il fait 6e, c’est totalement nul?» –, alors que le grimpeur de Mélisey nous a avant tout donné un avant-goût de ce que serait son absence, il a fait ressentir à beaucoup le manque et le vide qu’il allait laisser dans cinq mois, à ses supporters en France mais aussi au-delà des frontières, et ils sont nombreux.

Pinot n’a pas levé les bras, il n’a pas remporté le Giro, mais chaque jour, il s’est promené avec au bout de son arc une flèche prête à transpercer nos petits coeurs. Quand il pédale, il se passe toujours quelque chose. Plus tard, il comprendra que c’est le plus beau don qui l’a escorté, celui de nous rappeler chaque jour pourquoi, dans les victoires comme dans les défaites, nous aimons le cyclisme, ce sport qui trouble nos petits mondes. Là est son héritage et aucune ligne de palmarès ne changera jamais cela.

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