VICTOR WEMBANYAMA: «JE VIS POUR L’EXPLOIT»
L’intérieur de l’équipe de France s’est confié à « L’Équipe » sur sa passion pour la SF et la fantasy, livrant au passage ses ambitions intactes pour les Bleus à deux jours de leur entrée en lice aux JO.
Malgré une préparation compliquée pour l’équipe de France, VICTOR WEMBANYAMA aborde le tournoi olympique avec la conviction que les Bleus iront loin.
25 Jul 2024 - L'Équipe
YANN OHNONA
WATTIGNIES (NORD) – Dans son regard de 20 ans, tourné vers le ciel et au-delà, le rêve bleu est déjà ancré. «La France? Mon maillot préféré », affirme souvent Victor Wembanyama. Habitué à prendre des raccourci s vers les stratosphères, l’ intérieur des Bleus va vivre, en guise de première phase finale internationale, l’apothéose: des JO à domicile.
Après une première saison NBA boulimique du côté de San Antonio (21,4 points, 10,6 rebonds, 3,9 passes, 3,6 contres), la silhouette du numéro 1 de la draft 2023, rookie de l’année à l’unanimité, s’est épaissie. En cette chaude fin d’ après-midi, il balade sa longue silhouette de 2,24 m entre les colonnes bleues, jaunes et vertes du Creps de Wattignies. Récemment rénové, avec des parquets flambant neufs, des bains froids et un accès à de la cryothérapie, le centre d’entraînement situé à 6 km au sud de Lille, par lequel était notamment passé Nando De Colo (2000-2002), sert de QGauxBleus.
Le coup d’envoi de leur tournoi olympique est pour samedi (17h15 contre le Brésil). Au creux des es mains surdimensionnées, alors qu’il sort de l’entraînement, «Wemby » serre précieusement un bottin de 800 pages. Le sixième volume de la saga «fantasy» des Archives de Roshar de Brandon Sanderson, son auteur fétiche. Les mondes fantastiques et la science- fiction sont pour le natif du Chesnay( Yvelines), fan de Star Wars, une passion de jeunesse, qu’il n’a aucun ma là mettre en relation avec la balle orange et l’ objectif qu’il s’est fixé avec les Bleus pour sa première phase finale. Ce lui-ci n’a pas dévié malgré les vents contraires et quatre défaites en conclusion de la préparation estivale: la médaille d’or.
Vous avez reçu votre trophée de Rookie de l’année dans le planétarium de San Antonio, où vous avez fait diffuser un film sur la matière noire. Qu’ est-ce qui vous captive dans ces sujets?
Je n’ ai pas non plus fait une conférence sur la matière noire, hein (il rit). Maison avait cette opportunité, avec des enfants dans l’auditoire, et j’ ai fait ce choix car ce sont des sujets qui me passionnent. Pourquoi, c’ est difficile à dire, parceque cela fait très longtemps, c’ est ancré. J’ ai l’ impression que tous mes centres d’ intérêt ont ce point commun, tournent autour de cela, d’ avoir la tête dans les nuages. L’ espace est l’ une des choses dont j’ aime le plus parler. J’ ai regardé tellement de documentaire set de filmslà-dessus.
Nous avons contacté l’ ingénieur aérospatial Allan Petre, plus jeune Français de l’ histoire à avoir intégré la NASA en janvier 2024, à 24 ans. Il est originaire comme vous de région parisienne(Seine-Saint-Denis). Après avoir entendu votre exposé sur la matière noire, il a décidé de vous tester sur une autre question: “Qu’est-cequ’untrounoir?”
Avec plaisir. Le mot trou noir induit en erreur le grand public parce qu’ on l’ appelle trou, mais c’ est un objet cosmique, une singularité. C’ est une énorme quantité de matière concentrée en un point. Cela crée un champ gravitationnel tellement puissant que même les particules de lumière, les photons, ne peuvent pas s’ en échapper. C’ est pour cela que c’ est noir. C’ est un objet à la masse si énorme que l’ espace-temps s’ en trouve dis tendu. Le temps s’ y écoule différemment. Je m’ en suis bien sorti ?(
Enfant, vous découvriez les films de “Star W ars” avec votre père. Votre préféré est l’ épisode 3 (“La Revanche des Sith ”). Peut-on y trouver l’ origine de cette addiction à l’ espace?
Non. Ce sont deux choses différentes, arrivées à deux périodes de ma vie. L’ espace, c’ était la fin de l’ école primaire, lecollège. StarWars, beau coup plus tôt (dès 4 ans ). Ce n’ est pas tant pour le côté inter galactique que les personnages, les mondes. Les combats dans l’ espace, ce n’ est pas le plus intéressant, plutôt ceux au sabre laser. Et puis, je n’ aime pas ça parce que c’ est de la S F. Cela n’ en est même pas vraiment. C’ est un“spa ce ope ra ”, si éloigné de la science que c’ est plutôt juste de la fiction. J’ ai beaucoup aimé aussi A lien. J’ ai regardé et apprécié les films Du ne( de Denis Villeneuve), et j’ ai surtout l’ intention de lire la saga dès que j’ en aurai l’ occasion.
j’ai embrassé le fait de ne pas
être comme les autres,
sur plusieurs plans"
La série “fantasy” l’année dernière s’ appelle “Les Archives de Roshar ”, de Brandon Sanderson. Certains la placent au-dessus du “Seigneur des Anneaux ”. Votre avis?
De Tolkien, j’ ai juste lu le Hobbit. J’ai commencé le Seigneur des Anneaux à 10 ans mais je me suis arrêté. Je préfère Roshar, mais c’ est comme préférer les nouveaux Star Wars auxanciens, ou la NBA d’au jourd’ hui àcelled’ il y a quarante ans, c’ est juste une époque différente. Je préfère regarder la NB Ad’ aujourd’ hui, sans hésitation (il rit).
Y a-t-il un lien entre votre goût pour la S F, le fantastique, et le fait d’avoir, très jeune, été différent des autres? Cela vous a-t-il donné envie de cultiver ce côté unique?
Mon attrait pour ces oeuvres vient du fait que je sois différent plutôt que l’ inverse, en effet. Cela fait longtemps que j’ ai embrassé le fait de ne pas être comme les autres, sur plusieurs plans. J’ aime ça. De toute façon, ce ne sont pas des centres d’ intérêt que je partage avec les gens de mon âge, ou avec les basketteurs en général.
Vous avez évoqué la série des “Alien”. C’ st aussi devenu votre surnom sur le parquet. Vous auriez pu ne pas apprécier cette appellation, parfois assimilée à lamonstruosité…
L’alien, c’ est l’ extraterrestre, mais c’ est aussi lexé nom or phe (nom donné à la créature dans la saga).
Étymologiquement, cela signifie“forme étrangère” en grec. C’est ce qu’ on ne connaît pas. C’ est un sens auquel je peux m’ identifier car c’ est quelquechose que j’ essaie de proposer, sur le terrain comme dans ma vie. Quelquechose de nouveau, qui fait rêver aussi un peu. L’ a lien, cela va main dans la main avec ma personnalité. Et sur le terrain, j’ essaie toujours d’ être moi-même. Je veux trouver des moyens de contourner les stratégies de l’ adversaire, proposer les meilleures réponses, même si cela passe par des choses non orthodoxes.
Avez-vous toujours le temps de dessiner (l’une des es autres passions)?
Je dessine et j’ écris beaucoup, mais c’ est quelquechose que je souhaite garder pour moi.
Vos rêves olympiques parsèment-ils cescroquis?
Pas du tout. C’ est plutôt justement pour m’ échapper de tout ça par moments.
Vous aviez déclaré enfin de saison que l’ or était un objectif“très atteignable” pour les Bleus. Après une préparation difficile et quatre défaites de suite, l’ or ne serait-il pas plutôt de la science-fiction?
(Il rit.) Pas du tout. Bien sûr que je reste convaincu de cela. C’ est basé sur quoi? Sur ce quel’ on vit tous les jours avec le groupe, les joueurs et le staff. C’ est fondé sur notre marge de progression, que je sais énorme. Les défaites n’ ébranlent pas du tout ma confiance en l’ équipe. Même avant de rejoindre le groupe, de commencer la prépa,j en’ avais aucun doute sur le fait que le parcours vers la victoire serait semé d’ embûches. Le chemin n’ est jamais celui auquel tut’attends.
Vous allez disputer pour la première fois un tournoi international, sa rugosité, son exigence, tactique et physique, sa difficulté, à l’ image de la défaite contre la Serbie (67-79) et votre duel avec Nikola Jokic. Ç’a été un choc?
Je ne dirais pas un choc. Enfin, physiquement, si, j’ encaisse beaucoup de chocs( Mais disons que ça correspond à ce que je voyais à la télé. Cela me rappelle fortement les compétitions internationales jeunes. Seulement, c’ est décuplé.
Pour votre première campagne, vous allez disputer la compétition ultime: des JO, à la maison. Diriez-vous que les planètes sont alignée souque tout cela arrive beau coup trop tôt?
Ce n’ est pas trop tôt. Disons que je vais faire le maximum pour prouver que les planètes sont alignées. Personnellement, je vis pour l’ exploit, la grande réussite, pas pour les petites victoires de tous les jours, même si on prend (sourire).
"Je ne suis pas au niveau
de quelqu’un qui se prétendrait
le meilleur joueur du monde.
Je ne suis pas encore ce joueur''
Tony Parker, le plue grand joueur de l’histoire du basket français, avait débarqué chez les Bleus dans le même contexte, sa sélection restant sur l’ argent olympique (2000 à Sydney). Vous êtes attendu comme l’ héritier, avec des attentes encore plus élevé es. Comment vivez-vous cette obligation de réussite?
Je suis fier de m’ inscrire dans cette lignée, mais les attentes, cela ne m’ atteint pas. Je ne pense qu’ aux objectifs sportifs, à rien de ce qui vient de l’ extérieur, des réseaux, des médias, ni aux autres équipes de la compétition, même si je regarde les match es bien sûr. Seulement à celles qu’ on doit jouer tout de suite. Je me concentre sur ce que mon coach me dit et ce que mes coéquipiers pensent.
Avez-vous un souvenir des J O?
J’en ai tellement. Mais le contre de Nicolas Batum en 2021 (cela m’ a marqué. J’étais àl’Astroballe (avec mon père et mon frère, plein d’ autres gens. Je fil mais quand c’ est arrivé, on était comme des fous, on criait, c’ était dingue. endemi-finalesfaceàla Slovénie[90-89]), salle de Villeurbanne)
Vous déclarez souvent que le meilleur joueur est celui qui rend meilleure son équipe. Quels sont les challenges de votre adaptation aux autres, et de leur adaptation à vous, pour arriver àcetteharmonie?
Je pense que je rends déjà mes coéquipiers meilleurs. En tout cas, je fais le maximum pour y parvenir. Je ne suis pas au niveau de quelqu’ un qui se prétendrait le meilleur joueur du monde. Je ne suis pas encore ce joueur. Mais c’ est ma volonté de suivre cette voie pour m’ en approcher le plus possible, le plus vite possible. Car je sais que c’ est ça qui permet de faire passer une dimension supplémentaire à une équipe. Cela passe par l’ élévation du collectif, pas des individus.
Avant d’ être dr aft épar San Antonio, vous aviez raconté avoir eu une“vision ”. Vous l’ aviez même confiée dans une vidéo avant le jour J. En avez-vous eu d’ autres depuis? En rapport avec les Bleus?
Bien sûr que j’ en ai eu. Ce sont plus que des visions, des certitudes, desfeelings. Tous les jours, toutes les nuits je rêve, de mes objectifs, parfois de choses inattendues. (Il sourit.) Pour moi, pour nous, ce n’est que le début.»
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Wemby comme Kobe
Il prend la pose les yeux fermés. Le nez et le front de Victor Wembanyama, maillot bleu sur les épaules, reposent sur le cuir du ballon des JO, où sont ancrés les anneaux olympiques. L'intérieur des Bleus s'est prêté hier au jeu de la séance photos pour la une de L'Équipe, entre l'entraînement du soir et le dîner d'équipe de l’équipe de France. La composition du cliché de notre photographe Alexis Réau, réalisé à l'aide de plusieurs éclairages sur un pan de mur à la bleutée d'un bâtiment du Creps de Wattignies, n'avait rien d'un hasard. La pose est directement inspirée d'un portrait iconique en noir et blanc du regretté Kobe Bryant pour le magazine Highsnobiety. Wembanyama, qui porte désormais les espoirs français de médaille olympique, est un inconditionnel de l'ancien arrière des Los Angeles Lakers, deux fois sacré aux JO, en 2008 et 2012, avec Team USA. En attendant son arrivée, et pour quelques tests de lumière, plusieurs membres du staff – Boris Diaw, Ruddy Nelhomme – en ont profité pour, eux aussi, passer sous l'objectif.
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