Guy Roux: «Calmez-vous, le match n’est pas fini!»

Alors qu’Auxerre accueillait Angers hier, « L’Équipe » a accompagné la légende locale, Guy Roux, qui, à 86 ans, continue de suivre son équipe lors de chaque match à domicile. Et ne peut s’empêcher de donner quelques conseils.

25 Nov 2024 - L'Équipe

LUC HAGÈGE

AUXERRE – D’un Auxerre-Angers à l’autre, plus de quarante-quatre ans se sont égrainés. Soit du 29juillet 1980, où Guy Roux a dirigé face au SCO (2-2) le premier rendez-vous à domicile de l’histoire de l’AJA dans l’élite – et le deuxième de ses 895 matches (*) à ce niveau – à hier. Il est venu comme d’habitude ces dernières années, en simple supporter, assister à un succès tardif (1-0, voir par ailleurs). Mais forcément, l’exentraîneur emblématique du club icaunais (1961-2005) ne sera jamais un fan comme les autres. Lorsqu’à un peu moins de deux heures du match, Guy Roux (86ans) débarque au pied de la tribune qui porte son nom, il se trouve assailli. Avec sympathie et respect par des vagues successives de fans de tous les âges.

Comme Cédric, un abonné venu avec deux exemplaires de L’Équipe pour lui faire signer: un du lendemain de la première des quatre victoires en Coupe de France (en 1994, 3-0 contre Montpellier) et l’autre du titre historique de champion, décroché en 1996.

Échanges avec des sponsors, Gérard Bourgoin et James Zhou

À ce moment-là, après les avoir dédicacés, l’extraordinaire conteur qu’est Guy Roux met en route la machine à anecdotes… qui ne s’arrêtera plus de la journée: «Une semaine avant le match qui a officialisé le titre (à Guingamp, 1-1, le 11mai 1996), lors de la soirée fêtant la ( deuxième) Coupe de France ( contre Nîmes, 2-1), j’ai autorisé la tenue d’un karaoké, mais en ordonnant de l’arrêter à 2heures du matin. Quand les joueurs ont voulu continuer, j’ai menacé de jeter l’engin (rire)! Ils sont allés se coucher, mais j’ai quand même vu quelques ombres continuer à bouger…»

Roux poursuit ses déambulations autour de l’enceinte, il déclenche l’hilarité d’une supportrice et enchaîne les photos. «Les selfies, c’est très bien, car c’est un énorme gain de temps par rapport aux autographes» , estime-t-il en aparté. Il se dirige ensuite vers sa loge habituelle, qui appartient à l’un des principaux sponsors du club, dirigé par Jérôme et Stéphanie Louault, spécialisé dans les semi-remorques et les convois exceptionnels. Exceptionnelle, comme l’est la faconde de Roux, et celle de Gérard Bourgoin (85ans), également présent hier. «Quand on prenait l’avion, Guy était toujours à côté de moi, raconte l’exsponsor historique puis président (2011-2013), mais aussi pilote. Et comme je n’avais pas toujours les retours nécessaires du service météo à l’atterrissage à Auxerre, il devait crier “sol” quand la terre s’approchait!» Pas de quoi effrayer l’ex-coach, qui a vécu tant d’autres événements. Comme l’arrivée du Chinois James Zhou, en octobre 2016, «premier propriétaire étranger de l’histoire du club, très sérieux» .

Situé dans la loge voisine, ce dernier est passé, comme à chaquefois,saluerl’hommeàl’inamovible bonnet siglé AJA et a confié: «Guy Roux représente l’histoire, l’esprit et la culture du club. Il est toujours présent pour nous aider à progresser.» Forcément honoré, l’intéressé a répondu: «Je n’ai pas forcément de conseils à lui donner, mais il sait qu’il peut compter sur moi à 100%.» Notamment pour garder un oeil très attentif sur toutes les équipes de jeunes, sous l’égide de l’association, dont il est devenu vice-président il y a un mois. « De 6 ans à 19 ans, on a une équipe pour chaque âge » , précise-t-il fièrement, après avoir échangé quelques mots avec Gabin, fils du président Baptiste Malherbe et qui évolue en U13.

C’était à la mi-temps du match, avant lequel il avait prévenu : «Pendant celui-ci, je ne parle pas, je reste concentré!» Il s’y est pratiquement tenu jusqu’au but vainqueur de Hamed Junior Traoré dans le temps additionnel, où il a esquissé un sourire. Mais l’euphorie autour de lui et l’entrée des remplaçants sur la pelouse l’ont agacé : « Calmez-vous, le match n’est pas fini ! » Quand cela fut le cas, il s’est levé et approché de la rambarde pour se délecter de la vibrante communion des supporters avec les joueurs. Il nous a alors demandé le classement de l’AJA: sixième (7e après la victoire de Nice). Christophe Pelissier, l’entraîneur actuel, confie apprécier «les discussions de passionnés» que lui même et des membres de son staff ont souvent avec Roux, présent à de nombreux entraînements, « même sous la neige» , comme jeudi. L’ancien lui rend bien: «J’ai l’impression qu’il s’inscrit dans mon sillon, en étant mêmemeilleur…»

(*) 891 avec Auxerre (1980-2005) et 4 avec Lens (2007). Il est le recordman des matches dirigés en L1.