Le sprint français au ralenti
Entre des coureurs qui n’ont plus la fibre dès leur formation et un cyclisme en évolution, la France peine à exister dans le paysage du sprint mondial.
13 Jul 2025 - L'Équipe
THOMAS PEROTTO (avec Y. H .)
LAVAL – Arnaud Démare en 2018 à Pau pour la dernière victoire. Nacer Bouhanni en 2021 pour le dernier podium( à trois reprises). Voilà pour le sprint français sur la Grande Boucle. Cette saison, la seule victoire bleu-blanc-rouge en World Tour a été décrochée par le coureur Cofidis Bryan Coquard… au Tour Down Under.Lors de la 1re étape, remportée par Jasper Philipsen (à g.), trois Français étaient présents dans le top 10 : Anthony Turgis (4e, en blanc), Clément Russo (6e, en bleu au second plan) et Paul Penhoët (7e, en bleu au premier plan).
Ce Tour-ci invite aux circonstances atténuantes, entre les malheurs du sprinteur de Cofidis, impliqué dans deux chutes lors de la 3e étape mais meilleur Français hier à Laval (7e), ou l’abandon d’Émilien Jeannière (Total Energies), cependant un constat demeure: le paysage du sprint français est morose. Il ne brille plus sur la scène mondiale et doit se contenter des places d’honneur.
Paul Penhoët (GroupamaFDJ), qui n’a pas pu jouer devant hier à cause d’une crevaison dans le final, incarne avec ses 23 ans la nouvelle génération. Mais le Breton de Clamart, victime d’une rupture du ligament croisé antérieur du genou droit en 2023 suivie de dix-huit mois de galères pour retrouver son niveau, paraît loin, très loin, de Jonathan Milan, Tim Merlier, Biniam Girmay et tous les autres grands sprinteurs du peloton… Trois facteurs expliquent cette pénurie. ont montré qu’il était possible de gagner très tôt désormais.»
Aurélien Paret-Peintre pointe également un autre phénomène: « En France, les dernières générations ont été influencées par Romain Bardet, Thibaut Pinot, qui avaient une aura importante et qui ont montré que les choses se passaient sur le Tour. Devenir sprinteur n’est pas un réflexe.»
Une baisse des opportunités
Pourquoi se spécialiser dans un domaine dans lequel les occasions de briller sont devenues trop rares et où il faut se battre avec des hommes capables de régler un sprint massif sans même s’entraîner pour cela tous les jours ? « Ils ont vraiment peu l’opportunité de se montrer dans le calendrier des courses actuelles, note Guillaume Bonnafond, manager des équipes jeunes chez Decathlon-AG2R La Mondiale. C’est fait pour les grimpeurs, les coureurs de classiques, et même quand il y a un gros sprint on a souvent des belles bosses avant qui font un premier tri. »
En France, les rendez-vous de sprinteurs sont peu nombreux pour les jeunes, les amateurs ou les pros. Difficile de se faire la main régulièrement sur des sprints massifs. Une contrainte lorsqu’on sait que ces profils ont besoin de confiance et d’expérience. Une différence majeure avec la Belgique par exemple, où les kermesses de village, sacrées pour ce pays, sont souvent des nids à sprinteurs en devenir.
Une vision difficile en préformation
«Tant qu’ils ne sont pas arrivés en Espoirs, voire plus, les signaux qui peuvent nous alerter sur le potentiel d’un sprinteur sont encore peu visibles, relève Bonnafond. Il y a aussi moins de travail actuellement chez les jeunes sur le spécifique sprint. Rouler très fort sur le plat derrière un scooter se fait de moins en moins. » Le cyclisme français possède également un peu moins ce réflexe dans ses arcanes. « Les meilleurs sprinteurs, on les trouve sur la piste. Et en France, on a moins d’occasions de travailler sur un vélodrome, complète le manager. Je me suis occupé du groupe sprint chez DSM, il y a une culture de la piste et donc du sprint, cette volonté d’être le plus rapide, dès les plus jeunes. On développait les qualités d’aérobie, l’explosivité, la force de type 1. Ce n’est pas le cas aujourd’hui dans la filière française. »
Les différences de physiques s’ajoutent aussi à l’équation. Comme hier, entre les gabarits de Milan et de Coquard, par exemple. « Ce que développe Milan doit être assez exceptionnel, expliquait Cédric Vasseur, le manager de Cofidis après la 7e place de Coquard. Bryan a des données autour de 1000-1200 watts. Mais Milan mesure 1,90 m (1,94 m précisément) et pèse 85 kg, Bryan fait 58 kg. C’est aléatoire, on peut faire 5e ou 6e, 8e mais passer de la 7e à la 1re, il y a un gap important… »
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