Saut à la perche : pour Sergueï Bubka, « Armand Duplantis est exceptionnel »


Le monstre sacré de la perche, détenteur du record du monde à 35 reprises, livre au « Figaro » son avis sur son digne successeur, avec son oeil d’expert mais surtout de spectateur émerveillé.

20 Aug 2025 - Le Figaro
Thomas Larroquette

Icône absolue du saut à la perche, Sergueï Bubka a longtemps régné sur les hauteurs, repoussant sans cesse les limites. Alors, quand l’ukrainien, désormais âgé de 61 ans, parle d’armand Duplantis - l’homme qui a cassé ses exploits et amélioré pour la 13e fois son propre record du monde, le 12 août à Budapest, le portant à 6,29 m -, ses mots prennent une saveur particulière. Pour Le Figaro, celui qui fut détenteur du record du monde à 35 reprises revient sur les performances du phénomène suédois de 25 ans.Armand Duplantis a remporté le concours de saut à la perche du meeting de Silésie, à Chorzow (Pologne), samedi, en passant une barre à 6,10 m.

LE FIGARO. - Quel est votre avis sur la domination d’armand Duplantis à la perche depuis 2020 ?

SERGUEÏ BUBKA. - C’est formidable pour le sport et pour l’athlétisme d’avoir un athlète comme « Mondo » (le surnom du Suédois, NDLR). Il domine vraiment cette discipline à la fois excitante et populaire. Je suis très heureux et fier de voir un tel talent après ma propre carrière sportive. C’est vraiment un grand athlète.

Pensez-vous qu’il continuera à battre des records ?

Je le pense, oui. C’est un bon athlète, en excellente forme, et je crois qu’il peut aller encore plus haut.

Verra-t-on un autre athlète aussi fort que lui ?

Il est meilleur que les autres et je ne vois personne se rapprocher de lui pour le moment. Il y a un jeune athlète grec, Emmanouil Karalis, et un autre des Philippines, Ernest Obiena, qui ont, eux aussi, franchi 6 m. Tous deux peuvent aller plus haut, à mon avis. Mais, pour l’instant, il sera très difficile pour quiconque de rivaliser avec « Mondo »…

Qu’est-ce qui vous impressionne chez lui ?

«Mondo» est un athlète très régulier. Il bat, chaque année, des records depuis qu’il a 6 ans. Sa constance est remarquable. Il est très rapide, très concentré, et il a grandi dans une famille de sportifs. J’ai concouru contre son père, d’ailleurs. C’est formidable de voir ses qualités, sa régularité, les grandes performances et les records qu’il réalise.

L’avez-vous déjà conseillé ?

Nous avons eu des occasions de discuter, d’échanger ou de faire des interviews, comme récemment à Monaco, au Herculis (meeting international d’athlétisme ayant lieu tous les ans). Je lui parle toujours ouvertement et je partage mes idées. Bien sûr, il a son propre entraîneur, donc je ne peux pas m’immiscer dans son travail. Mais je reste toujours disponible pour discuter. Nous entretenons une très bonne relation. Je le respecte énormément. C’est une chance pour le sport d’avoir un athlète aussi exceptionnel.

Auriez-vous aimé concourir contre lui ?

Avec grand plaisir ! Cela aurait été fantastique pour moi, car, dans ma carrière, j’ai toujours apprécié mes adversaires. Ils m’ont poussé et motivé à établir 35 records du monde. J’ai commencé à 5,81 m et j’ai mis un terme à ma carrière à 6,15 m, mais je ne pense pas que ce fût ma limite. J’aurais aimé viser 6,30 m. Concourir contre Armand à ce niveau aurait vraiment été excitant, formidable, et je suis sûr que cela aurait permis de faire monter le record encore plus haut qu’aujourd’hui.

Auriez-vous pu franchir 6,30 m ?

Dans ma carrière, j’ai réalisé quelques sauts très hauts. L’un d’eux eut lieu aux championnats du monde 1991 à Tokyo, où j’ai franchi 5,95 m. Des scientifiques japonais ont estimé que, dans une tentative parfaite, j’aurais pu franchir 6,37 m. Un an plus tard, j’ai établi le record du monde à 6,13 m, encore à Tokyo, dans le même stade olympique, et ils ont dit que j’aurais pu passer 6,34 m. Mais je pense que mon saut le plus haut fut à Athènes, aux championnats du monde 1997, lorsque j’ai remporté mon sixième titre consécutif. J’ai franchi 6,01 m, mais l’écart entre la barre et mon corps était presque d’un demi-mètre. Cela remonte à longtemps, mais il était possible pour moi de sauter encore plus haut.

Quelles sont les principales qualités d’un bon perchiste ?

Il faut être rapide, bon gymnaste et mentalement très fort et stable. Bien sûr, la force physique est importante. Primordiale également, la maîtrise d’une technique moderne et efficace. C’est ce qui permet de sauter toujours plus haut…

***

Pourquoi Duplantis bat-il son record du monde d’un seul centimètre à chaque fois ?

20 Aug 2025 - Le Figaro
Sébastien Ferreira

Àforce de creuser, on peut trouver du pétrole. Mais à force de monter? Armand «Mondo» Duplantis se rapproche de la réponse à chacun de ses meetings. Le Suédois a battu, le 12 août à Budapest (Hongrie), le record du monde de saut à la perche pour la 13e fois de sa carrière. Celui qui a fait main basse sur sa discipline le 8 février 2020 (6,17 m) a désormais établi la marque à 6,29 m. Et vise un nouveau record les 27 et 28 août à Zurich, lors de la finale de Ligue de diamant.

Pour le porter à 6,30 m. Car, à chaque fois, Duplantis ne le bat que d’un petit centimètre. Pourquoi ? La première raison qui vient à l’esprit du grand public est celle de l’argent. Pour chaque record du monde, Duplantis, comme tous les athlètes, bénéficie d’une prime. Elle varie en fonction des meetings. À Torun (Pologne), lors de son premier record il y a cinq ans, le Suédois avait empoché 6000 euros. À Glasgow (Écosse), où il avait sauté 6,18 m la semaine suivante, c’était 27 000 euros.

Lorsqu’il le bat en Ligue de diamant, compétition qui compte une quinzaine d’étapes par an, on monte à 50 000 dollars, jauge fixée par la fédération internationale World Athletics. Le montant était le même lors des Jeux olympiques de Paris 2024, où Duplantis avait atteint les 6,25 m.

« Rester dans le “game” »

Mais penser que seul l’appât du gain motive son choix d’avancer centimètre par centimètre serait « un faux procès », estimait Gérald Baudouin, entraîneur national du saut à la perche à l’insep, pour Eurosport en 2020. « Un procès qu’on ne ferait pas à un athlète de niveau moyen qui bat son record d’un centimètre, ajoutait Baudouin. Quand on connaît la difficulté d’avoir cette motivation, tout le temps, chaque jour à l’entraînement… »

On en vient à l’autre raison derrière cette approche minimaliste : prendre le temps de se surpasser et conserver un objectif en ligne de mire. « N’importe quel athlète ferait la même chose. Ça lui permet de rester dans le “game”, de conserver une motivation sur le long cours. Car on sait à peu près tous qu’il peut faire 6,30 m, il les vaut dès maintenant», éclairait ainsi Philippe Collet, ancien perchiste français, dans les colonnes du Parisien en septembre 2023, lorsque Duplantis venait de sauter 6,23 m à Eugene (États-unis).

Enfin, cette méthode évite de s’enflammer, enivré par l’adrénaline d’un record du monde, et ainsi de se blesser. C’est ce qui est arrivé à Renaud Lavillenie, tombeur du record du monde le 15 février 2014 à Donetsk (Ukraine). Le Français avait franchi une barre à 6,16 m, un centimètre plus haut que l’illustre Sergueï Bubka en 1994. À peine l’émotion retombée, Lavillenie avait tenté 6,21 m. Mais, renvoyé par sa perche, il s’était mal réceptionné pour se blesser au pied gauche. Résultat : 16 points de suture et plus de deux mois sur la touche. Armand Duplantis a beau se rapprocher chaque fois un peu plus des étoiles, il s’efforce donc de garder les pieds sur terre.

Commenti

Post popolari in questo blog

Dalla periferia del continente al Grand Continent

I 100 cattivi del calcio

Chi sono Augusto e Giorgio Perfetti, i fratelli nella Top 10 dei più ricchi d’Italia?