CHERKI - La street credibility


Depuis son arrivée à Manchester City en juin, 
Rayan Cherki bluffe son entraîneur et ses nouveaux coéquipiers.

Pep Guardiola, sous le charme de sa recrue, a évoqué, fin octobre, un « joueur de rue » pour qualifier l’ancien Lyonnais. Liberté, créativité : en quoi le milieu offensif de City est-il un joueur loin des codes ?

13 Nov 2025 - L'Équipe
HUGO DELOM (avec L. T.)

On écoute différemment quand Pep Guardiola prend la parole. Alors, quand le 20 octobre, l’entraîneur de Manchester City parlait de Rayan Cherki comme « l’un des joueurs les plus talentueux » qu’il avait « jamais vus », forcément, on a tendu l’oreille. A fortiori quand il a ajouté: « C’est un joueur qui ne ressent pas la pression, il veut toujours avoir le ballon, comme un joueur de rue. » Jérémy Doku posait les mêmes mots ou presque quelques jours plus tard: « Rayan, c’est un peu un joueur de rue, il n’a peur de rien », soufflait l’ailier belge.

À 22 ans, Cherki, avec ce « talent spécial » décrit hier par Kylian Mbappé, entre, depuis quelques mois, dans une dimension différente. Où son talent technique est loué plus que décrié. Mais, derrière cette notion de rue, en quoi est-il un joueur différent ? À quel point cette liberté sur et en dehors des terrains l’éloigne-t-elle des footballeurs plus classiques? À quelques heures de sa deuxième titularisation en bleu, ses entraîneurs ou coéquipiers nous donnent des clefs de compréhension.

Il y a un paradoxe évident à définir comme un joueur de « rue » un gamin qui, dès 6 ans, a été inscrit dans un club de foot (Saint-Priest, Rhône) et qui a passé ensuite quinze années à l’OL. Mais alors, bien audelà de cette formation, d’où vient ce talent ? De son père Fabio, un dribbleur passé par l’AS Buers-Villeurbanne et avec lequel il a passé des heures sur les terrains de Pusignan ou de Saint-Priest? Peut-être mais pas seulement. « Il y a forcément une part d’inné. Quelque chose qui s’apparente à un don. Et puis, il y a le reste, cette liberté qui a construit son jeu, détaille Cyrille Dolce, son éducateur à l’OL en U15. Ça lui a permis de développer son ambidextrie, ses dribbles sous pression. »

UNE TECHNIQUE À PART 
« Des qualités de foot de rue mais pas uniquement » 

« Ce qu’il a du foot de rue, c’est ce toucher de balle, c’est cette technique de dribble sous pression, prolonge Amaury Barlet, l’un de ses formateurs, enfant, à l’OL. Et ça, ça ne vient pas de nulle part. Quand il revenait de l’école, il était le premier à l’entraînement, il prenait un filet de ballons et était sur le terrain dix-douze minutes avant les autres. Il dribblait, jonglait, tentait de nouvelles choses. »

Des heures qui ont construit le joueur, comme ses séances de futsal (une fois par semaine, de U10 à U13): « Le fait de dribbler des deux pieds, c’est une qualité de fou. Il sait dribbler à l’arrêt, en mouvement, il invente des gestes, poursuit son ex-coéquipier à l’OL, Maxence Caqueret. Il y a peu ou pas de dribbleurs comme lui. Il y a des joueurs techniques par la passe, le contrôle, mais pas des comme lui. Je pense même que c’est le meilleur dribbleur d’Europe. »

Une technique individuelle qu’il a su développer. « Je comprends ce qu’on veut dire à travers le mot “rue”. Mais on ne peut pas limiter la technique de Rayan à un joueur de futsal, analyse l’ex-entraîneur de l’OL (octobre 2019-mai 2021), désormais sélectionneur de la Belgique, Rudi Garcia. Oui, il a cette technique créative, ce sens du un-contre-un et du dribble, mais il a plus que ça. Il a une qualité rare dans les grands espaces. Pour faire des choix de jeu que les autres ne voient pas. Et il a cette qualité de finition, notamment de passe, pas commune. » Le joueur de rue est un joueur d’instinct. Quelle est cette part dans le jeu de Cherki?

« Elle est majoritaire, je pense, poursuit Garcia. Il sait tout faire ou presque, a une vision du jeu rare donc peut laisser parler son instinct. »

L’AMOUR DU JEU AU COEUR DE SA CONSTRUCTION 
« Aujourd’hui encore, 
s’il voyait un gamin dans la rue, 
il s’arrêterait pour jouer avec lui »

Ses formateurs sont unanimes sur un point : c’est dans son rapport au jeu que Cherki s’éloigne de la norme des footballeurs professionnels. « Il a un tel amour du foot qu’aujourd’hui encore, s’il voyait un gamin dans la rue, il s’arrêterait pour jouer avec lui, détaille Cyrille Dolce.

C’est un passionné à un point que les gens n’imaginent pas. » Gérald Baticle a été témoin de ce rapport singulier au jeu : « La première fois que je le vois, c’est dans le cadre d’un match de Youth League, il doit avoir 12, 13 ans. Et je vois, spectateur sur le bord du terrain, un “petit”, leader au milieu de quatre grands, se souvient le technicien, alors à l’OL et désormais sélectionneur de l’équipe de France Espoirs. Techniquement, il avait déjà tout. Il n’a pas regardé la deuxième mi-temps et a continué à manier le ballon. Uniquement pour le plaisir. Je pense que ce jour-là, j’ai compris Rayan. Il a un vrai amour du football. »

Cette passion a trouvé un prolongement dans sa carrière pro: « C’est quelqu’un qui voyait tous les matches et qui avait une réflexion sur le jeu, prolonge Garcia. C’est cette connaissance du jeu-là qui fait qu’il n’est pas compliqué à “driver”. Il faut lui expliquer et détailler les raisons de ce choix. » La quête de ses entraîneurs, bien au-delà de ses courses défensives défaillantes ou de sa difficulté à intégrer un cadre collectif, a été de l’amener vers un jeu efficace. La mue, commencée l’an dernier à l’OL (12 buts, 20passes décisives) doit se poursuivre.

UN RAPPORT À LA PRESSION DIFFÉRENT 
« Il va louper quatre-cinq duels, 
mais il va toujours y retourner »

« Rayan, il est comme il est. Pourquoi essayer de le définir d’ailleurs? Je trouve ça extraordinaire la manière dont il vit le foot. Cette liberté, ce plaisir, cette insouciance, ce détachement, ça, ce n’est pas commun. » Cyrille Dolce pose des mots justes sur l’indéfinissable Cherki.

Une personnalité à part. Qui en a surpris certains, en professionnel à l’OL: « Il a une énorme confiance en lui, sans avoir le boulard. Il savait qu’il était un joueur de grande équipe », estime Garcia. Mais qui lui permet de ne pas douter: « Ce qui m’impressionne chez Rayan, et c’est peut-être ça qui en fait le plus un joueur de rue, c’est que dans un match, tu peux le voir prendre vingt-trente duels et il va en louper quatre-cinq, mais il va toujours y retourner, détaille Caqueret. Il est sûr de lui, de sa technique, il y retourne et ça finit par payer. Et ça, pour moi, c’est le profil type d’un foot de rue. Tu envoies tout, tu ne te poses pas de question. »

Porté par son plaisir et sa confiance, Cherki nourrit un rapport à la compétition pas si commun: « Je n’ai jamais perçu, avant un match, du stress. Il y a une vraiment une forme de liberté, détaille Amaury Barlet. C’est un garçon compétiteur qui déteste perdre. » Chez les Cherki, les après-matches, à la suite de prestations ratées ou de matches perdus, peuvent être animés. Avec un rapport souvent complexe à l’échec. Mais dans son lien au monde pro, Cherki reste différent : « Il veut prendre du plaisir et en donner. Il aime les belles choses », prolonge Baticle. Dans son rapport au beau, Cherki cultive aussi sa différence: « Il faut lui laisser cette liberté, ce goût du beau. Quand on attaque, le foot a besoin d’être chaotique. Des joueurs aussi libres que Rayan amènent ça », conclut Cyrille Dolce.

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