Pidcock, enfin



Le Britannique a exploité la transparence de Mathieu van der Poel pour gagner au sprint la course qui le fuyait depuis trois ans.

15 Apr 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL PIERRE CALLEWAERT

BERGEN TERBLIJT (HOL) – Dans un à-propos historique intéressant, Mathieu van der Poel se présentait dimanche matin aux marches de l’Hôtel de Ville de Maastricht, vêtu de blanc de la fourche au cuissard, avec le même appétit de grandeur que son homologue Roi-Soleil, Louis XIV, ici même avec ses armées, il y a trois siècles et demi. Rieur mais conquérant, il évaluait sa batterie « pleine à 100%» après sa campagne des Flandres et son siège de Roubaix. À l’ombre du «Stadhuis», il semblait donc de bon ton de s’exprimer dans une prudence Grand Siècle sur les déroulements possibles de la course, la raison du plus fort étant toujours la meilleure vu que celui-ci vient de gagner deux Monuments.

Parmi cette polyphonie fataliste pointait une dissonance chez Benoît Cosnefroy, qui faisait les gros titres en néerlandais pour avoir osé dire que «oui, il est possible de battre Mathieu mais impossible de savoir comment» et qu’on « verrait bien ce soir » . Et Tom Pidcock, à qui on demandait quel scénario il envisageait, répondait dans un sourire régicide: «La victoire. » « Si tu crois que tu peux gagner, c’est toujours plus facile» , lui répondait à l’arrivée son directeur sportif chez Ineos Grenadiers, Christian Knees. Le king Mathieu n’ayant finalement pas les jambes, la course s’est ouverte plus vite que prévu et Ineos s’y est engouffré. «Ce qui a compté aussi, c’est mon équipe, qui a fait un super boulot, a ajouté le vainqueur, Pidcock. (Michal) Kwiatkowski s’est sacrifié. Il m’a mis dans une position parfaite. Il connaît l’Amstel comme sa poche (il l’a gagnée deux fois, en 2015 et 2022). Alors, un grand merci à lui.»

Le souvenir de la photo-finish de 2021

«Dès le départ, confirme Knees, lestratège allemand d’Ineos Grenadiers, on a pris la responsabilité de la course. On était en confiance, on a été vigilants. Et dans le final, dans les derniers 50 kilomètres, lesleaders qui avaient les jambes ont commencé à bouger. Tom est un coureur agressif, et il sent bien la course, il en a profité.»

Une image parlante: au pied de l’Eyserbosweg, un des verrous de la course où la planète attend toujours son démarrage, Van der Poel roule assis sur la selle ; Pidcock, à ses côtés, monte en danseuse. Rester assis: dans les flandriennes, c’est une culture, dans les ardennaises, c’est un symptôme. C’est là que se sont envolés les groupuscules séditieux qu’on ne reverrait plus avant Valkenburg, dont Marc Hirschi (2e), les Français Paul Lapeira (5e ), Valentin Madouas (6e ) etQuentin Pacher (7e), et Bauke Mollema (8e), et Pidcock.

À 24ans, le Britannique, le premier à emporter une classique ardennaise, rétablit enfin un palmarès de malentendus sur une course à sa taille (1,70m, 58 kilos) avec ses petites bosses asphaltées explosives. Troisième l’an dernier, il avait échoué sur la deuxième marche du podium en 2021, pour un millimètre de boyau concédé à Wout Van Aert, après l’examen de photo-finish le plus stressant depuis Nicéphore Niépce. Il n’a pas effacé l’épisode de sa mémoire. « Est-ce votre première ou votre deuxième victoire ici ? » , lui a-t-il été demandé en conférence de presse. «À vous de me le dire, a-t-il répondu en souriant. C’est un sujet délicat. Mais moi, j’ai ma réponse. Alors quand je me suis retrouvé dans le sprint avec Tiesj ( Benoot, 3e), encoreungarsde Jumbo( Visma-Leaseabike), jeme suis dit: non, pas encore! Mais bon, cette fois-ci, pas de photo-finish.» Il attribue aussi sa victoire au sprint aux efforts de Mauri Vansevenant (4e) : «On a sprinté avec le vent de face. Je pense que nous avons eu de la chance que Mauri ait démarré tôt, sinon on était rattrapés et on aurait fait tout ça pour rien, jedois donc le remercier.»

Une première marche vers les sommets?

Cette victoire à l’Amstel remet sur pied un coureur « qui gagne sa grande course régulièrement » , rappelle Knees (Strade Bianche 2023, Flèche Brabançonne 2021) mais qui était malmené depuis le début de saison. Le 1eravril, il avait dû déclarer forfait juste avant le départ du Tour du Pays Basque où il comptait s’évaluer face à Remco Evenepoel et Jonas Vingegaard, à la suite d’une chute dans la reconnaissance du chrono.

Touché sans gravité au côté droit, il s’alignait sur Paris-Roubaix le dimanche suivant. Même s’il l’a gagnée deux fois, en juniors et en Espoirs, la course sur pavés n’estplusadaptéeàsonformaten pro. «Roubaix était la seule opportunité pour que Tom fasse une course dure avant l’Amstel et Liège, explique Knees, et on l’a prise. Mais on n’a jamais autant travaillé que cette semaine. Alors j’ai dit à Tom qu’il avait malgré toutes ces déconvenues une chance de victoire et qu’il devait la prendre.»

Comme un gage de cet effort, Pidcock exhibait encore au matin à Maastricht ses mains trouées de cloques crevées et de stigmates de son passage sur les pavés, réponse aussi aux photos de paumes intactes qu’avait publiées Van der Poel dans la semaine. « Dans un sens, j’avais besoin de participer à Paris-Roubaix pour gagner l’Amstel, reconnaissait-il après sa victoire. Après la chute, lescanner a montré que je n’avais rien de très grave, seulement quelques contusions. C’était en grande partie ma décision d’y aller, sur une course très dure pour moi, surtout à mon poids, mais ça m’a aidé, autant pour le corps que pour le mental.»

Le 26 décembre dernier, Pidcock, champion du monde de cyclo-cross 2022 – et champion olympique de VTT à Tokyo –, avait croisé Van der Poel et Van Aert dans la boue du cyclo-cross de Gavere, en Belgique. Sur le podium qu’ils s’étaient accaparés, ils avaient reconstitué leur trio magique des sous-bois. Pidcock avait pris un selfie de ces retrouvailles. Comme les deux autres, il voyait le cross comme une préparationàautrechose.Vander Poel voulait un titre de champion du monde de cyclo-cross. Van Aert, une flandrienne. Et Pidcock avouaitdesambitionspourleTour de France, où on l’avait vu voler, en2022, vers l’alpe d’Huez. Sa victoire à l’Amstel Gold Race est peut-être une première marche verscessommets.

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