TURGIS SURPRISE TOTALE - UN TOURBILLON


Au terme de la redoutable étape des chemins blancs 
où les leaders se sont rendu coup pour coup, 
ANTHONY TURGIS a surgi pour s’imposer au sprint 
devant ses compagnons d’échappée. 
C’est la troisième victoire française en neuf jours 
et la première pour l’équipe Total Energies depuis 2017. 

8 Jul 2024 - L'Équipe
ALEXANDRE ROOS

Au terme d’une journée folle sur les chemins blancs, Anthony Turgis a réglé l’échappée, troisième victoire française dans ce Tour, alors que Tadej Pogacar a multiplié les attaques mais a été neutralisé par Jonas Vingegaard.

TROYES – Quelle dinguerie, bon sang, pour achever cette première semaine du Tour de France, la peau décollée de frissons, cette sensation de flotter dans un monde parallèle, portés par une ivresse magnifique. Nous étions à peine sortis de ce labyrinthe démoniaque de chemins de vignes, de tortillons de villages étroits, de petites côtes vachardes, les joues dorées comme les blés qui coiffent les crêtes autour de Troyes, les gorges asséchées par les nuages de poussière, les caboches en vrac alors que, dans nos rétroviseurs, cela faisait plus de 150 km que les excités sur roues se mettaient d’énormes peignées, et voilà qu’Anthony Turgis nous cueille d’un dernier uppercut, celui du K.-O., et envoie tout le monde en protocole commotion.

Le dénouement d’une journée folle, tellement en phase avec ce Tour de France, ses projecteurs braqués sur ses figurants, leur humanité, leur revanche sur leurs carrières tourmentées. Des histoires belles, simples qui parlent à tous ces gens rassemblés au bord de la route et autour de tentes qui fument, à la recherche d’un bonheur collectif, d’un chavirement. La victoire d’Anthony Turgis est celle d’un besogneux et d’un méchant coureur, un des cinq meilleurs coureurs français sur les classiques depuis dix ans, l’un des plus constants. Cela faisait des années qu’il faisait face au vent d’hiver, un rayon d’été l’a enfin désigné pour lui offrir la grande victoire qu’il cherchait depuis longtemps. Et qu’il est allé cueillir au milieu de ce tourbillon d’une main sûre, alors que tout devait se bousculer dans sa tête. Parti dans la bonne échappée à plus de 150km de l’arrivée, Turgis a su manoeuvrer avec sangfroid, encore lucide alors qu’il venait de passer plus de 4 heures dans une machine à laver.

Un triomphe de Flahute dans une forme de classique

Jasper Stuyven s’était fait la malle à 11km de la fin, mais il fut repris un peu après la flamme rouge. L’intenable Ben Healy alluma alors un pétard, mais le Français ne moufta pas, il savait qu’il devait rester tapi jusqu’au sprint, où il laissa Derek Gee (3e) s’essouffler dans le vent puis résista à Tom Pidcock (2e). Le triomphe d’un Flahute au terme d’une étape que beaucoup comparèrent à une classique, à raison, mais c’était encore mieux puisqu’il y avait deux fronts de combat, celui pour l’étape, l’autre pour le général. Et qui osera encore dire que ce n’était pas grandiose, que ces chemins blancs, utilisés à bonne dose, au moment approprié, n’ont pas leur place dans le Tour de France, à part quelques grincheux professionnels ou obsédés du contrôle?

Ce théâtre a en tout cas donné toute leur grandeur à Tadej Pogacar et Remco Evenepoel, mousquetaires plein de panache qui avaient décidé de sortir les épées. Les deux alliés n’ont peut-être pas le même talent, mais ils partagent une philosophie similaire, celle de l’offensive, et c’est le Belge qui lança l’assaut, sur le terrible chemin de Loches-sur-Ource à Chacenay, où le vent cisaillait de côté, à 80km de l’arrivée. L’occasion était trop belle pour que Tadej Pogacar ne se joigne à la fiesta, alors qu’il s’était déjà dérouillé les jambes dans le secteur précédent. Une manoeuvre qui obligea Jonas Vingegaard à réagir et le trio retomba rapidement sur l’échappée. Mais le Danois refusa de collaborer et les deux autres zinzins ne le sont pas encore suffisamment pour accepter de rouler gratuitement pour lui, alors ils se relevèrent ensemble.

Visma et la politique des petits pois

Un scénario qui se reproduisit dans le chemin n°4, à22kmduterme,quandPogacar accéléra à nouveau et créa un petit écart sur Vingegaard et un plus important sur Evenepoel et Primoz Roglic. Le temps pour Christophe Laporte et Matteo Jorgenson d’enclencher le plan de sauvetage et le double vainqueur du Tour de France était de retour dans la roue de son rival, qu’il refusa une nouvelle fois de relayer. Résultat, les quatre leaders du général ont terminé ensemble et alors qu’au fil de l’étape, le délire couvait, les Visma-Lease a bike ont sorti l’extincteur de leur stratégie sans âme pour éteindre les braises.

Les Néerlandais ont bien le droit de courir comme ils le souhaitent, et on ne peut leur donner tort, c’est en comptant les petits pois qu’ils ont gagné le Tour l’an passé, mais ils n’ont pas remporté les faveurs de ceux qui veulent du rêve, de l’évasion. Tadej Pogacar n’a pas réussi à créer de différence avec Jonas Vingegaard, ce qui signifie que le Danois a remporté ce round, le regard rivé sur la troisième semaine. Ce match nul chronométrique est en tout cas la promesse d’autres bagarres acharnées et on a bien senti que le bras de fer avait gagné une nouvelle dimension au terme de cette journée de surchauffe.

Un grignotage de cerveau réciproque, chacun qui essaie d’imposer son plan de jeu à l’autre, Pogacar et son pilonnage permanent, Vingegaard et son marquage incessant, avec le même but: faire craquer l’autre et, hier soir, le Slovène était en rogne de s’être fait neutraliser de la sorte. La stratégie des Frelons peut se lire de deux manières: ils n’ont pas roulé avec Pogacar pour ne pas lui donner l’occasion d’épuiser leur leader et de lui prendre du temps; ils ont tellement confiance en la suite qu’ils ne se focalisent que sur le Slovène, quitte à mépriser les opportunités, comme hier, de creuser un avantage sur Evenepoel et Roglic. Le Maillot Jaune avait choisi son camp: «Je pense que Jonas a peur de moi, sinon il m’aurait relayé. Je m’en souviendrai.» Jusqu’au bout hier soir, Tadej Pogacar aura attaqué. Vivement la suite.

Commenti

Post popolari in questo blog

Dalla periferia del continente al Grand Continent

Chi sono Augusto e Giorgio Perfetti, i fratelli nella Top 10 dei più ricchi d’Italia?

I 100 cattivi del calcio