Le gros coup d’O’Connor
Sur les routes de la Vuelta, Ben O’Connor a remporté la dixième victoire de sa carrière.
L’Australien de Decathlon-AG2R La Mondiale s’est imposé en solitaire, mais il a surtout pris le maillot rouge avec désormais près de cinq minutes d’avance sur Primoz Roglic.
"Ça va être dur de le reprendre"
- SEPP KUSS, TENNANT DU TITRE DU TITRE
23 Aug 2024 - L'Équipe
ALEXANDRE ROOS
YUNQUERA (ESP) – À la suite de sa prise de pouvoir mardi au pico Villuercas, Primoz Roglic, inquiet de l’évolution de ses maux de dos, soucieux de préserver ses troupes, avait laissé entendre qu’il était prêt à placer un temps son maillot rouge en gardiennage. Le tracé de l’étape d’hier, accidenté, difficile mais pas non plus indigeste, était propice à ce type de manoeuvre et on peut dire que la formation Red Bull-Bora a parfaitement réussi son coup, mais dans des proportions qui lui ont échappé.
Roglic et ses équipiers ont laissé la tunique de leader, certes, mais aussi 6’30’’ sur la ligne d’arrivée à Ben O’Connor. Le Slovène compte désormais 4’51’’ de retard sur l’Australien, qui n’est pas le premier têtard venu, déjà 4e d’un Tour de France (2021) et d’un Giro (cette saison). La stratégie des Allemands a paru en kit toute la journée. Ils ont d’abord roulé derrière l’échappée, avant de serrer le frein à main à 70km de l’arrivée et de passer le relais aux Bahrain et aux UAE qui, au milieu des oliviers, ont assuré des poursuites mollassonnes. En plus, les Red Bull avaient à l’avant Florian Lipowitz, qui assurait avec candeur à l’arrivée qu’il s’était un peu retrouvé là par hasard et certifiait que la consigne avant le départ était claire : personne dans l’échappée. Peut-être pas si claire…
Bien sûr, le trône avec gros coussins sur lequel est désormais assis Ben O’Connor est le problème de tous ceux qui jouent la gagne à Madrid, mais la responsabilité de la course revenait aux troupes de Roglic. Même dans la dernière montée, qui grimpait gentiment vers les bâtisses immaculées de Yunquera, alors que l’hémorragie avait été diagnostiquée, ils n’ont rien repris à O’Connor. Devant, le grimpeur de Decathlon-AG2R La Mondiale était en mission.
Dans le cercle des vainqueurs sur les trois grands Tours
«Quand je suis parti dans l’échappée et que j’ai vu que les autres équipes ne venaient pas me chercher, je me suis dit que c’était une bonne opportunité» , appréciait-il. Il s’était ainsi employé à plusieurs reprises pour écrémer un groupe de fuyards trop fourni. Puis dans le puerto del Viento, à plus de 60 km du terme, il était parti en doublette avec Gijs Leemreize (DSM-firmenich PostNL), qu’il allait planter plus loin, sur les pentes arides, chauves du puerto Martinez, dans la descente duquel Adam Yates allait chuter pour laisser encore plus de 2 minutes à l’arrivée sur les autres favoris. «Dans la dernière montée, je pensais juste à combien de temps je pouvais prendre au général, parce que je savais déjà que j’allais gagner l’étape» , racontait le nouveau maillot rouge.
Depuis le Giro, O’Connor s’était concentré sur la Vuelta, son deuxième grand objectif de la saison, où il espérait remporter une étape qui, après ses victoires à Madonna del Campiglio dans le Giro 2020 et à Tignes dans le Tour 2021, le propulserait dans le cénacle des vainqueurs sur les trois grands Tours. «J’avais vraiment ça en tête, reconnaissait-il, c’est sans doute une question d’ego, mais avant la course, je regardais la liste de ceux qui l’avaient fait.» Il est désormais le 111e. Mais son exploit d’hier a dépassé ses attentes. «C’est une opportunité incroyable, analysait-il. Je n’ai pas vraiment de pression, j’ai gagné une étape, j’ai le maillot. Peut-être que je peux gagner cette Vuelta. C’est un bon avantage à avoir, je ne suis pas trop mal sur les longues montées, c’est même plutôt ma spécialité. Évidemment, on ne pensait pas qu’on mènerait cette course, ce sera une nouvelle expérience pour nous, mais je ne pense pas plus loin que ça pour le moment.»
Avec Felix Gall, Valentin ParetPeintre, Clément Berthet, 4e de l’étape hier, Bruno Armirail, entre autres, il va pouvoir compter sur un bataillon solide.
Sur le Tour 2021, O’Connor avait remporté la 9e étape avec 6 minutes d’avance sur les favoris. Il avait alors été propulsé à la 2e place du général, mais il avait su s’accrocher, pour terminer 4e à Paris. Mardi, il avait perdu 1’11’’ sur Roglic, mais il avait notamment mis ça sur le compte de la chaleur. Un petit air de pessimisme flottait ainsi dans l’aire d’arrivée. Wout Van Aert estimait que «certaines équipes avaient clairement sousestimé» Ben O’Connor. Son leader Sepp Kuss soufflait : «Ça va être dur de le reprendre.»
Un scénario qui rappelait un peu au vainqueur 2023 son échappée victorieuse de l’an passé, déjà sur la 6e étape, qui ne lui avait pas offert autant de temps mais l’avait mis dans une position avantageuse. Dans tout cela, la formation française, toujours 6e au classement mondial, a renoué avec la victoire en World Tour pour la première fois depuis le Giro, après un Tour en deçà des attentes. Les sourires étaient de sortie, alors qu’en interne, une procédure de licenciement aurait été ouverte contre le patron historique, Vincent Lavenu, comme nous le révélions mercredi. De ça, Ben O’Connor, qui va lui-même quitter l’équipe à la fin de la saison pour Jayco-Alula, n’a pas voulu parler. « Je veux juste profiter de mon maillot rouge» , a-t-il éludé.
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