Comme à la maison

21 Aug 2024 - L'Équipe

DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL ALEXANDRE ROOS

Triple vainqueur de la Vuelta, Primoz Roglic s’est imposé hier dans la première arrivée au sommet et a endossé le maillot rouge. Une habitude.

"Je ne visais pas vraiment la victoire, 

mais je n’ai pas eu le choix et je suis content 

d’avoir eu les jambes pour finir le boulot"

   - PRIMOZ ROGLIC

PICO VILLUERCAS (ESP) – Et dire qu’il reste encore huit arrivées au sommet, plus de 50000m de dénivelé positif, soit près de sept Everest, et quelques chemins aux pentes réservées aux bouquetins. L’étape d’hier avec l’ascension du pico Villuercas n’était même pas un amuse-bouche, la poignée de cacahuètes qu’on avale machinalement au zinc, et pourtant, quand la route s’est vraiment cabrée à 5 km de la ligne et transformée en un enchaînement de plaques de ciment lézardé qu’escaladaient jadis des véhicules militaires à chenilles ou gros pneus pour se rendre sur une ancienne base, elle est restée coincée dans la gorge de beaucoup. Ce fut l’explosion générale.

Alors, avec ce qu’il reste à avaler dans cette Vuelta, ceux qui ont laissé des plumes hier ont pu soit se dire qu’il y avait encore du chemin pour se refaire ou, au contraire, que l’addition serait dix fois plus salée à Madrid, auquel cas autant repérer l’aéroport le plus proche (Salamanque ou Ciudad Real) et aller exhiber son bronzage bi-goût autre part.

Déjà droit dans le mur

La Vuelta a le chic pour dénicher des cols abominables et ne s’embarrasse pas de chichi. Quatrième jour de course, première étape de montagne et c’est droit dans le mur, sans oublier qu’en plus, la température était volcanique en Estrémadure. Après des accélérations de Pavel Sivakov au moment d’entrer sur la partie bétonnée, puis une attaque de Felix Gall à 3,8km de l’arrivée, un trio composé de Primoz Roglic, Enric Mas et Lennert Van Eetvelt s’est rapidement détaché.

Derrière, toutes les superpuissances avaient disparu, les UAE, Visma, Ineos. Tout le monde était asphyxié, mais l’avantage de ces raidards à plus de 20%, pour ceux qui y peinent en tout cas, c’est qu’ils ne sont pas propices à ouvrir de grands écarts et le retour sur l’asphalte à 2km du sommet permit à beaucoup de trouver un second souffleet un nouve au rythme.

Un second trio – Joao Almeida, Matthew Riccitello et Gall – puis Mikel Landa revinrent ainsi sur la tête.LeBasquedeSoudal-QuickStep tenta d’ailleurs de flinguer tout le monde dans les derniers hectomètres, mais il se fit contrer par le surpuissant Van Eetvelt. Le Belge est à 23ans un très grand talent, bluffant sur les classiques comme en montagne, vainqueur en début d’année de l’UAE Tour, 3e récemment de la Clasica San Sebastian, et il croyait tellement tenir un nouveau succès hier qu’il commença à lever un bras.

Un péché de jeunesse, certes, mais qui ne lui coûta pas la victoire, puisque Primoz Roglic, le sprinteur des cimes, arrivait de toute manière avec beaucoup de vitesse.

Le Slovène est injouable dans cette configuration, un animal à sang froid, à tel point que notre confrère Daniel Friebe a inventé un néologisme pour décrire ce qui est arrivé à Van Eetvelt, dernière victime d’une longue liste: il a été « roglifié » . Un peu comme la Vuelta de manière générale, qui a renoué son amourette avec son triple roi, de 2019 à 2021, encore vainqueur de deux étapes l’an passé et 3e du général.

Roglic a déjà revêtu le paletot rouge de leader et s’est rassuré, un peu, sur l’état de son dos, toujours douloureux après sa chute et son abandon dans le dernier Tour de France, même s’il sait que le véritable test sera à long terme. « J’ai encore mal après quelques heures sur le vélo, décrivait-il hier soir. Je ne visais pas vraiment la victoire, mais je n’ai pas eu le choix et je suis content d’avoir eu les jambes pour finir le boulot. Mais ça ne change pas le fait que je dois prendre jour après jour pour voir comment ça se passe, comment mon corps encaisse et j’espère que mon dos va aller de mieux en mieux au fil de la Vuelta.»

Almeida, un costume de leader chez UAE

Derrière Roglic, on retrouve Joao Almeida qui, en bon diesel, a géré son effort comme à son habitude pour revenir au train après les premiers allumages de pétard.

Au-delà de sa 3e place dans l’étape et de sa 2e position au général, le Portugais s’est pour le moment assuré du costume de leader au sein de sa formation UAE, car Adam Yates a patiné (à 1’29’’ de Roglic dans l’étape) et même la pépite Isaac Del Toro a fait mieux que le Britannique. Le Mexicain est arrivé à 51’’ du nouveau leader de la course, en même temps que Carlos Rodriguez. À l’image de l’Espagnol d’Ineos, les têtes d’affiche ont sorti la tête de l’eau en fin d’étape. Sepp Kuss n’a ainsi laissé que 28 secondes. Mais l’apnée reprendra vite, probablement dès demain, dans cette Vuelta sans répit.