David Lappartient : « Aucune raison objective de douter de la performance de Pogacar »


Emilian Baldow/icon Sport
Le président de L’UCI, David Lappartient, le 2 juin à Paris.

Le président de l’Union Cycliste Internationale procède à un vaste tour d’horizon de la discipline.

« Entre 1996 et 2010, la crédibilité des vainqueurs du Tour a été nulle ou pas loin. 
Derrière, la crédibilité ne se regagne pas tout de suite. 
Il faut forcément du temps. Le doute peut être là. 
Oui, c’est une particularité du cyclisme »

« On a un protocole en cas de chaleurs extrêmes. 
Mais, au-delà de ça, c’est l’ordonnancement du calendrier 
qui peut s’en trouver affecté à l’avenir. 
On n’en est pas encore à passer le Tour de France en février » 

8 Jul 2025 - Le Figaro
Propos recueillis par Jean-Julien Ezvan et Gilles Festor

Àmoins de vingt-quatre heures du grand départ du Tour de France, David Lappartient a reçu Le Figaro dans un hôtel de Lille. Le dirigeant français, seul candidat à sa succession, sera, le 25 septembre, à Kigali, reconduit sans vote pour un troisième mandat à la présidence de l’union cycliste internationale (UCI). Le Breton, avec « la foi d’un débutant », veut, pour le cyclisme, continuer à travailler sur plusieurs axes : « La crédibilité du résultat, les enjeux sur la sécurité, la féminisation et, à l’image des premiers championnats du monde qu’on organisera en Afrique, au Rwanda, en septembre (du 21 au 28 septembre, NDLR) qu’on aille partout dans le monde pour toutes les disciplines.»

LE FIGARO. - Le cyclisme est-il plus populaire que jamais ?

DAVID LAPPARTIENT. - Il est très populaire. Plus populaire que jamais, je l’espère. On a vu l’effet de Netflix sur la Formule 1 et sur le renouvellement de l’audience, sa féminisation. Cela a été très efficace. Nous, on le voit aussi (la 3e et dernière saison de « Tour de France : au coeur du peloton» vient d’être diffusée, NDLR). Avec notamment beaucoup plus de jeunes et des comportements d’ailleurs un peu différents en montagne. Mais on a eu aussi un certain renouvellement. Donc cela a élargi le spectre. Les cyclistes sont les héros des temps anciens et des temps modernes en même temps. C’est-à-dire qu’ils sont capables de relever des défis ou des choses qui paraissent un peu surnaturelles. Cette popularité, on va la voir lors du Tour de France, qui mêle le sport, l’histoire, la France profonde, les racines du pays. Donc, oui, le cyclisme est très populaire. Et on a des athlètes qui le méritent bien. Le Tour de France Femmes (du 26 juillet au 3 août), cela va être pareil.

L’utradomination de Pogacar fait-elle du bien ou du mal au cyclisme ? Est-il au-dessus de tout soupçon ?

D’abord, depuis le début de la saison, il n’a pas tout gagné. Milan-San Remo (3e) et Paris-Roubaix (2e), il se fait arranger. Il y a des athlètes comme Van der Poel ou d’autres qui sont capables de le battre sur des courses d’une journée. C’est plutôt bien. Mais Pogacar est quand même très, très fort, comme peut-être Merckx et Hinault l’ont été. Ils font partie des coureurs d’exception qui, par nature, ont toujours fait l’objet de soupçons parce qu’ils ultradominaient. Mais quel que soit le coureur, quelles que soient les disciplines, on est exigeant sur les contrôles. On conserve dix ans tous les échantillons. On a réanalysé cette année des échantillons, à peu près 300, de 2015, aucun n’était positif avec les technologies d’aujourd’hui. Donc, il sait aussi tout ça. Il peut être contrôlé à trois reprises dans la journée, parfois à 6 heures le matin, au début de la course ou à l’arrivée, parfois à 23 heures. On fait ce qu’il faut.

Trouvez-vous le poids des soupçons exagéré ?

Une domination fait par nature naître des soupçons. Mais nous n’avons aucune raison objective de douter de la performance de Pogacar. Il ne fait pas partie de ceux sur lesquels on a des alertes, parce qu’on aurait des éléments, des preuves, des informations. Il peut y avoir d’autres équipes ou d’autres coureurs sur lesquels il y a plus de clignotants rouges.

Les tricheurs ont-ils toujours un coup d’avance sur la recherche ?

Si tant est qu’ils en avaient un, ils sont sûrs qu’on va les réanalyser derrière. On s’est dotés de moyens supplémentaires pour pouvoir stocker, parce qu’on fait 15000 échantillons par an. Donc, quand vous stockez dix années, ça commence à faire du volume, donc il faut des moyens. On continuera d’analyser, car, si un jour une substance devait arriver sans pouvoir être détectée immédiatement, on pourra faire des contrôles a posteriori. Et ça, c’est quand même utile parce que, quand vous savez que vous avez une épée de Damoclès dix ans sur votre tête, ça vous invite peutêtre à réfléchir différemment.

On parle aussi beaucoup des zones grises, de la surmédicalisation des coureurs…

Nous, on statue dans le cadre des règles qui existent. On est généralement toujours en avance sur l’agence mondiale antidopage (AMA). On a interdit le Tramadol, maintenant c’est interdit par L’AMA, mais il a fallu attendre un petit peu. On a interdit le monoxyde de carbone, j’ai de bonnes raisons de penser que L’AMA va nous suivre aussi. On a milité des années pour l’interdiction des corticoïdes. Aujourd’hui, les corticoïdes sont sur la liste des produits interdits. On n’a pas peur d’anticiper, quand bien même le cadre juridique serait un peu moins solide.

Le cyclisme doit-il toujours en faire plus que les autres ?

Oui, parce qu’on a un passé qui est le passif. Entre 1996 et 2010, la crédibilité des vainqueurs du Tour a été nulle ou pas loin. Derrière, la crédibilité ne se regagne pas tout de suite. Il faut forcément du temps. Le doute peut être là. Oui, c’est une particularité du cyclisme. Mais, chez nous, on cherche. Quand on cherche, on peut trouver. Il y a d’autres sports au sein desquels l’énergie dépensée pour l’antidopage n’est pas forcément le motif premier d’action.

Le dopage mécanique fait toujours l’objet de fantasmes. Avez-vous l’impression que les mesures prises sont de nature à ramener la confiance ?

Globalement, oui. Quand j’ai été élu, en 2017, c’était un vrai sujet. D’ailleurs, j’étais un de ceux qui émettaient un certain nombre de réserves, non pas sur le fait qu’il y en ait, mais sur la manière dont on luttait à L’UCI. Donc on a désormais ces machines portatives de rayons X qui valent à peu près 50 000 euros pièce. On scanne les vélos. On les contrôle à l’arrivée. Et puis on ne s’interdit pas des démontages de vélo pour vérifier qu’il n’y a rien à l’intérieur. On le fait assez régulièrement. Et, sur ce Tour de France, ce sera peutêtre le cas…

La sécurité des coureurs est un sujet préoccupant, quelles sont les pistes d’étude pour l’améliorer ?

Cela va de plus en plus vite. J’ai regardé la courbe des vitesses des classiques, on a gagné quasiment 2 km/h en 5 ans. C’est énorme. Il y a eu beaucoup d’améliorations d’abord sur les vélos. Au cours des 10 dernières années, il y en a eu plus que pendant les 70 ans d’après-guerre. Les pneumatiques ont vraiment changé. Ils sont larges, avec beaucoup plus de rendement. Les vélos sont ultraprofilés. Et puis la position des athlètes aussi, il n’y en a plus un qui court sans combinaison… Tout cela joue. Donc, on a pris des mesures très claires. On va interdire les casques avec visière. Les guidons, il a été montré que plus vous êtes étroit et serré, plus vous progressez dans l’air. Alors on a remis une largeur minimale à 40 cm, sachant que certains commençaient à arriver à 38, puis à 36. Donc oui, on a mis le holà sur pas mal de sujets. Néanmoins, il y a aussi le fait qu’il y a de plus en plus d’obstacles sur les routes, les ralentisseurs, les chicanes… Et cela, c’est quand même très accidentogène. Ça n’existait pas auparavant. Quand vous allez plus vite et qu’il y a beaucoup plus d’obstacles, ça crée une situation stressante, d’abord pour les coureurs. Après, on peut aussi se poser la question de tout ce qu’ils ont comme informations, sont-ils totalement concentrés ?

Que pensez-vous des oreillettes ?

J’ai toujours été favorable à leur interdiction. Qu’on ne dise pas que c’est pour la sécurité, ce n’est pas vrai. Les directeurs sportifs veulent surtout pouvoir continuer à donner des instructions. Ce que je respecte d’ailleurs au demeurant.

Faire ralentir les vélos (une limitation des braquets sera testée en octobre), est-ce un non-sens ?

C’est un peu antinomique avec une compétition. La seule manière de ralentir, c’est d’avoir une moins bonne pénétration dans l’air. Je ne suis pas sûr qu’on ralentisse, mais il faut faire en sorte qu’on n’accélère plus. Sinon, effectivement, se pose quand même un sujet. Parce qu’après, si vous augmentez de 2 % la vitesse, les risques de chute ne vont pas augmenter de 2 %, mais peut-être de 20 %. Il ne faut pas oublier non plus le fait que ça court différemment. Avant, on ne venait pas frotter des leaders, il y avait une certaine hiérarchie qui s’établissait. Aujourd’hui, des coureurs m’ont dit : « On sait que ça va passer à 6, il y a 8 mecs qui arrivent. On sait qu’il y en a 2 par terre… »

Le réchauffement climatique boulever sera-t-il à l’avenir le cyclisme ?

Pourra-t-on toujours aller au même moment, au même endroit? Est-ce qu’on peut courir dans le sud de l’espagne miaoût ? Je m’interroge parfois, avec plus de 40 °C. Le Tour de France sera-t-il déplacé ? Non, parce qu’il peut faire chaud, bien sûr, en juillet, mais on reste un petit peu plus tempéré quand même que l’espagne. Ça peut supposer parfois des ajustements d’horaires éventuellement. Les étapes sont légèrement plus courtes qu’elles ne l’étaient. Le sujet, c’est vraiment les étapes de montagne. On a un protocole en cas de chaleurs extrêmes. Mais, au-delà de ça, c’est l’ordonnancement du calendrier qui peut s’en trouver affecté à l’avenir. On n’en est pas encore à passer le Tour de France en février. Mais le Tour Down Under, en Australie, en plein mois de janvier, avec parfois plus de 40 °C…

Avec l’arrivée de sponsors États dans le cyclisme comme dans le football et l’explosion des budgets, y a-t-il le risque d’un cyclisme à deux vitesses, avec notamment des équipes en souffrance, comme les Françaises en ce moment ?

Bien sûr, mais, comme les petits ne veulent pas qu’on limite le budget des gros, très bien, s’ils veulent se faire hara-kiri, qu’ils continuent comme ça. Quand on a proposé d’avoir un « budget cap », cela a été refusé globalement par les équipes. Et, ce qui m’a surpris, c’est que la grande majorité, qui avait quand même la chance de pouvoir bénéficier du système, n’y était pas favorable. Bon, moi je ne vais pas faire leur bonheur malgré eux. Mais je suis surpris de leur position, disant qu’il faut un autre modèle économique du vélo. D’abord qu’ils me le présentent, et ensuite on pourra regarder. Mais c’est assez étonnant, car oui, on a aujourd’hui un grand écart entre certaines équipes. C’est d’ailleurs bien que des grosses entreprises et des États investissent dans le vélo. Cela veut dire qu’ils estiment que le vélo a une vraie valeur. Mais je pense que c’est toujours intéressant d’avoir de la contradiction sportive et que tous les meilleurs athlètes ne soient pas forcément dans les meilleures équipes…

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