Philipsen à terre, Merlier en profite


Mathieu Van der Poel, au centre, après la ligne d’arrivée, le 7 juillet, à Dunkerque.

Dans la 3e étape, entre Valenciennes et Dunkerque (178,3 km), victoire au sprint du Belge Tim Merlier (Soudal). Jasper Philipsen, le maillot vert, a chuté au sprint intermédiaire, avant d’abandonner.

Même quand il ne se passe rien, l’imprévisible guette à chaque hectomètre.

8 Jul 2025 - L'Humanité
Dunkerque (Nord), envoyé spécial. JEAN-EMMANUEL DUCOIN

Acte I, scène I. 
Au petit matin, une furieuse drache dégringola sur nos têtes, promesse d’une certaine continuité. Il y eut ainsi un moment de trouble étrange dès le départ, entre Valenciennes et Dunkerque (178,3 km), une sorte d’aphasie collective vécue entre chien et loup, sous un plafond bas ourlé de plomb dans une palette chromatique assombrie. De la pluie, des éclaircies, sans savoir de quel côté allait vraiment tomber la pièce, sur un profil dépourvu de difficultés, promise à un nouveau sprint massif. Raison pour laquelle, peut-être, le peloton lambina très longtemps après la sortie de Valenciennes, à la manière d’une sortie d’entraînement. Après deux jours de folie furieuse, les coureurs mirent «crosses en l’air ». Un choix.

Par des températures oscillant entre 15 et 20 degrés, le vent du nord allait se renforcer, d’abord de dos, puis de face. Autour de nos Héros, à mesure qu’ils fonçaient vers la mer, le paysage n’eut plus ce petit air à la fois rafistolé et précaire, mais bien, à perte de vue des champs et des collines que rehaussaient, à chaque passage de ville ou de village, les murs de spectateurs érigés telles des estampes. Les mots « étape de transition » vinrent à l’esprit du chronico eur. Les suiveurs ressentirent alors comme un moment de mélancolie dû autant à l’ampleur d’un ciel jouant au bilboquet qu’à cette procession « neutralisée » sur des terres pourtant assez sublimes.

Acte I, scène II. 
Autant l’avouer, c’était réel bonheur durant ce temps de calme d’assister à cette espèce de « défilé en jaune » du Néerlandais Mathieu van der Poel (VDP), quatre ans après sa première expérience avec la toison d’or, que jamais ne porta son grand-père Raymond Poulidor malgré quatorze participations. En 2021, lorsque VDP avait levé les bras à Mûr-de-Bretagne, il ne comptait à son palmarès que le Tour des Flandres. Depuis, il a conquis sept autres Monuments et un Mondial, tout en assumant publiquement sa relation contrariée, sinon contradictoire, avec le Tour. L’homme a même grandi hors des projecteurs de Juillet, devenant l’un des plus grands coureurs du monde sans compter sur la plus grande course du monde. Du jamais-vu, ou presque, à ce niveau de résultat et de notoriété.

Qu’on le sache, pour l’homme aux huit Monuments, le Tour ne constitue qu’« un bonus », un jour source de frustration, un autre théâtre de quelques-uns de ses plus beaux exploits. En début de cette année, froidement, le champion du monde 2023 affirmait: «Le Tour est une course qui ne me passionne pas. À part essayer de gagner des étapes et de porter le maillot jaune, il n’y a pas grand-chose à gagner pour moi. Je préfère faire cinq courses où je suis en mesure de gagner, que 20 étapes où je ne peux pas jouer la victoire la moitié du temps.» Un sacrilège ? Ou l’aveu orgueilleux d’un coursier qui se montre assez insensible au format de la Grande Boucle qu’il juge «anachronique» et «ennuyeux» et dans lequel il a le sentiment de diluer ses forces et ses capacités. Comme le suggérait hier matin Alexandre Roos dans l’équipe, « Van der Poel a été aspiré malgré lui dans le tourbillon du Tour en raison d’une histoire familiale dont il voulait se détacher », ajoutant que ses larmes d’il y a quatre ans « témoignaient simplement de la tristesse d’un petit-fils qui venait de perdre son grand-père, moins d’une émotion sportive ». Comment le dire mieux ?

POGACAR, CHASSEUR DES PYRÉNÉES

Acte II, scène II. 
À la tête de l’armada Alpecin, Mathieu van der Poel, sauf coup de Trafalgar, devrait se vivre en jaune au moins jusqu’à la dixième étape et les sommets du Mont-dore, avant la première journée de repos. Une aubaine, en vérité, pour le Slovène et tenant du titre Tadej Pogačar, juste placé dans la position du chasseur sûr de lui avec les Pyrénées, le Ventoux et les Alpes dans les dix derniers jours. « Je m’amuse beaucoup», expliquait d’ailleurs ce dernier, reconnaissant néanmoins que « les choses sérieuses seront pour plus tard, même s’il faut être vigilants et toujours devant tous les jours ».

Acte II, scène I. 
Le scénario de non-course se poursuivit tant et tant qu’il fallut attendre le sprint intermédiaire (km 118) pour hurler non de bonheur, mais de douleur. Dans la préparation de l’emballage, le Français Bryan Coquard, voulant éviter une chute, projeta sur l’asphalte le porteur du maillot vert, le Belge Jasper Philipsen, grand favori du jour. Résultat dramatique pour le vainqueur à Lille: une culbute mémorable, son corps venant se fracasser par l’avant à belle allure. La sanction ne tarda pas: abandon. Voilà le Tour en sa cruauté, en tant que genre. Même quand il ne se passe rien, le surgissement de l’événement imprévisible guette à chaque hectomètre. Dès lors, nous eûmes bien de la peine à nous concentrer. Sinon pour le récitatif final. Un sprint massif, plus du tout avec la même saveur. Un jeu de chamboule-tout, avec plusieurs hommes au sol, duquel sortit victorieux le Belge Tim Merlier (Soudal). La place était désormais vacante…

Épilogue. 
Le chronico eur, les pieds bien ancrés dans le réel, ne pouvait que répéter à quel point les coureurs restaient les maîtres de leur propre course. Tout en se demandant s’il ne s’agissait que d’un moment d’aphasie vécue entre chien et loup par un plafond bas ourlé de plomb, ou de la préfiguration de nouvelles furies, quelles qu’elles soient, et finalement chaque jour recommencées?

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