L’éclaircie Arensman
Thymen Arensman, vainqueur en solitaire à Superbagnères devant un public parfois facétieux, s’est aussi offert le bonheur d’un selfie auprès du Maillot Jaune, Tadej Pogacar.
Les deux hommes se connaissent depuis le Tour de l’Avenir 2018.
Ami de Romain Bardet, le Néerlandais de 25 ans a exploité hier son immense potentiel pour remporter l’étape et éclairer le Tour morose de son équipe Ineos Grenadiers.
"Quand il est lancé et en confiance,
c’est quelqu’un qui a les chevaux"
- ROM'AIN BARDET
"On ne fait pas de magie, on reconstruit un projet,
et cette étape est un gros accomplissement"
- KUR'T ARVESEN, SON DIRECTEUR SPORTIF
20 Jul 2025 - L'Équipe
ANTHONY CLÉMENT
BAGNÈRES-DE-LUCHON (HAUTE-GARONNE) – Le passé est un fardeau chez Ineos Grenadiers, dont les performances souffrent de la comparaison avec la grande époque de Sky, et qui doit vivre avec le retour de vieux fantômes. Depuis le début du Tour, les Britanniques n’avaient fait parler d’eux que pour de mauvaises raisons, ces liens entre le soigneur David Rozman et un médecin impliqué dans l’affaire de dopage sanguin Aderlass. Révélés par l’Irish Independent dimanche dernier, les faits remontent au Tour 2012 remporté par Bradley Wiggins, mais Rozman fait toujours partie de l’équipe, qui s’est contentée d’un communiqué laconique.
Si le contexte était donc sombre, la lumière est venue hier de Thymen Arensman, une tige d’1,90 m pour 68 kg, assez fort pour résister au retour des monstres et soulager ses partenaires. «Ça va alléger la pression, appréciait Geraint Thomas. Rien n’avait vraiment fonctionné, mais nous n’avons jamais cessé d’essayer, c’est super de remporter enfin une victoire.» C’est la plus belle d’Arensman, pourtant pas n’importe qui, car il avait achevé les Giros 2023 et 2024 à la sixième place, après avoir gagné l’étape reine de la Vuelta 2022, bouclée en cinquième position. Mais les attentes étaient très élevées depuis sa deuxième place au Tour de l’Avenir 2018, derrière Tadej Pogačar. «C’est un grand talent, mais il a eu ses périodes de doutes pour passer la vitesse supérieure, expliquait en souriant Romain Bardet, devenu son ami lors de leurs deux années communes chez DSM, en 2021 et en 2022. On est un peu timides, on était ensemble en stage et on a vraiment accroché humainement, je l’apprécie beaucoup. Il est ouvert, n’a jamais hésité à faire part des moments durs qu’il traversait. Il peut douter assez facilement. » Il avait de quoi se poser encore des questions après son Giro raté, quand il est tombé malade.
Le Néerlandais de 25 ans ne savait pas s’il serait retenu pour son premier Tour, l’a appris tardivement, et visait une étape tout en étant au service de Carlos Rodríguez. « Il s’est sacrifié pour moi jeudi, m’a aidé de toutes les manières possibles, alors je l’ai aidé à mon tour, confiait l’Espagnol, décevant dixième du général et échappé avec lui hier. Il était meilleur que moi et mérite sa victoire.»
Il était déjà passé tout près du pactole lundi, au Mont-Dore, quand il avait seulement été battu par Simon Yates sur les terres de Bardet. «Le soir, je lui ai dit au téléphone : avec ce que t’as fait, si tu gardes ta spontanéité, c’est sûr que tu vas en gagner une. Les bosses ne lui convenaient pas vraiment, c’était trop court pour lui, mais quand il est lancé et en confiance, c’est quelqu’un qui a les chevaux, explique l’Auvergnat. Après le Giro, il se demandait ce qu’il avait fait de mal, et je suis content de le voir s’adapter, j’avais peur qu’il se formate pour les classements généraux.»
Excellent rouleur, gros générateur de watts et à l’aise en montagne, «il est l’archétype du coureur 2025 de général», selon Bardet, et son directeur sportif Kurt Arvesen est d’accord: «Il est très calme et modeste. Il venait ici pour des étapes, mais on compte sur lui pour le général dans le futur. Chez Ineos, c’est très dur, car tout est comparé à nos résultats passés. On ne fait pas de magie, on reconstruit un projet, et cette étape est un gros accomplissement.»
Elle en est aussi un pour Arensman, revenu de loin après avoir quitté la Vuelta 2024 à cause du Covid. Deux semaines plus tard, il partait avec son beau-frère d’Andorre, où il réside, pour rejoindre les Pays Bas. Mille deux cent cinquantesept kilomètres en onze étapes, le plaisir retrouvé. « Ça n’allait pas fort physiquement, il avait besoin de se ressourcer. Il avait juste deux sacoches, un change et louait des hébergements, raconte Bardet. Ils sont passés par Clermont, on les avait accueillis avec plaisir.»
À six heures du matin, les amis avaient gravi le puy de Dôme, un bonheur confidentiel sur une route fermée. Hier, c’est la foule qui l’a porté vers le sommet de sa carrière.
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