Champs de bataille


La démonstration de Mathieu Van der Poel, vendredi à Harelbeke, sera encore dans toutes les têtes aujourd’hui, sur les routes mémorielles de la Première Guerre mondiale, à une semaine du Tour des Flandres.

PHILIPPE LE GARS
24 Mar 2024 - L'Équipe

WEVELGEM (BELGIQUE) – Des gueules de bois au lendemain de l’E3 à Harelbeke, il y en a déjà eu et comme diraient certains Flandriens du cru tel Tom Boonen dans une interview au Nieuwsblad hier matin, «mieux vaux combattre le mal par le mal» . Car si Gand-Wevelgem est géographiquement éloigné des Ardennes flamandes, le terrain de jeu du Ronde, il n’en reste pas moins éprouvant, surtout dans des conditions climatiques qu’on annonce musclées aujourd’hui, avec de grosses rafales de vent. Car de ce côté-ci des Flandres, dans sa partie occidentale, on est tout proche de la mer du Nord et rien n’arrête les éléments déchaînés qui peuvent se défouler sur le peloton, comme en 2015, lorsque la moitié des coureurs s’étaient retrouvés projetés dans les fossés dès les premiers kilomètres. Et même le Kemmel, l’ancêtre des dunes quand la mer recouvrait la Flandre, ne peut protéger des intempéries qui marquent souvent cette course.

Tout à l’heure le peloton s’élancera d’Ypres, la capitale des Flanders Fields, le nom désormais accolé à Gand-Wevelgem en mémoire des terribles batailles qui ont meurtri cette région lors de la Première Guerre mondiale. Les coureurs passeront sous le Mémorial de la Porte de Menin, mais n’entendront pas The Last Post, l’hymne qui résonne ici tous les soirs en hommage aux soldats tombés sur ces terres, notamment ceux des pays du Commonwealth. Plus de cent ans plus tard, c’est aussi le cyclisme qui aide au souvenir avec cette classique rude et violente qui a redoré son blason depuis une dizaine d’années, en trouvant une place de choix à une semaine tout juste du Tour des Flandres. Même s’il ne s’agit pas À Gand-Wevelgem, sur un parcours qui emprunte les chemins de la Grande Guerre, les AlpecinDeceuninck avec Mathieu Van der Poel, vainqueur à Harelbeke vendredi (p. 21 à g.) et surtout Jasper Philipsen (victorieux à Milan-San Remo, à dr.) font encore figure de favoris. là d’une répétition, les monts au programme aujourd’hui n’étant pas les mêmes que ceux de dimanche prochain.

Pour les Lidl-Trek ou les Soudal-Quick Step, 
il va falloir exister et se rassurer

C’est vendredi à Harelbeke qu’elle a véritablement eu lieu, sur une partie du parcours du Ronde, où l’évidence s’est confirmée, avec l’archi-domination de Mathieu Van der Poel. Le Néerlandais se dirige tout droit vers un troisième succès sur le Tour des Flandres pour rejoindre Tom Boonen et Fabian Cancellara, les derniers co-recordmen du nombre de victoires. Mais si, à leur époque, la concurrence existait pleinement et pouvait encore donner l’espoir de relever la tête la semaine suivante aux grands perdants du GP E3, la démonstration du champion du monde avant-hier laisse peu de place à l’originalité pour les pronostics.

On n’en saura d’ailleurs pas plus aujourd’hui sur Wout Van Aert, le grand battu d’Harelbeke, qui n’a pas modifié son programme initial, où Gand-Wevelgem était déjà absent, pour se consacrer à une approche du Tour des Flandres plus légère que par le passé, loin de son duel avec son rival éternel, présent, lui , aujourd’hui au départ d’Ypres. Peut-être Van Aert aurait-il eu besoin de retrouver ses repères sur ses routes préférées, car sa chute vendredi, au pied du Paterberg, un endroit qu’il connaît pourtant par coeur, rappelle les tristes expériences de Primoz Roglic, victime de chutes toutes bêtes en course à la sortie de ses longs stages au sommet du volcan Teide aux Canaries, comme si les fondamentaux de la compétition avaient été oublié.

Le Belge va plutôt essayer de panser ses plaies psychologiques. Physiquement, il a roulé 180 km à l’entraînement hier autour de chez lui, ce qui tendrait à prouver que les effets de sa chute se sont estompés. Et il va attendre mercredi sur À Travers les Flandres pour tenter de compenser son déficit de confiance face à Mathieu Van der Poel, alors qu’il y a un an tout juste, son équipe Jumbo-Visma, plus vaillante qu’aujourd’hui, avait joué sur du velours avec le doublé victorieux Christophe Laporte - Wout Van Aert. Si sa «générosité» vis-à-vis de son coéquipier français lui avait valu pas mal de critiques, dans un pays où brader une classique comme Gand-Wevelgem relève du sacrilège, la question ne se posera pas tout à l’heure, ni l’un ni l’autre ne seront présents, le Varois, à court de forme, est resté à la maison ( voir par ailleurs).

Mais pour les autres, l’équation sera la même, seules les couleurs auront changé, le bleu des Alpecin-Deceuninck de Mathieu Van der Poel, qui joueront la carte du sprint pour Jasper Philipsen, a remplacé le jaune des Visma. Derrière, il faut exister et se rassurer, comme les Lidl-Trek de Mads Pedersen et de Jasper Stuyven, qui ont fait preuve de la plus grande force collective vendredi, mais sans pouvoir compter sur un leader comme van der Poel ou Van Aert pour achever le boulot, ou les Soudal-Quick Step qui sount clairement rentrés dans le rang, malgré l'evidente bonne volonté de Julian Alaphilippe, Yves Lampaert ou Kasper Asgreen, ce qui rappelle que le poids de l'âge pèse beaucoup plus sur ces pavés et ces monts.

Laporte absent, Visma remaniée

Vainqueur l’an passé de sa première grande classique, ici, sur Gand-Wevelgem, Christophe Laporte a dû renoncer à être au départ aujourd’hui. Cette décision a été confirmée hier matin par l’équipe Visma-Lease a bike, qui avait laissé planer le doute vendredi, alors qu’il était déjà absent sur l’E3 Saxo Classic. Malade juste avant Milan-San Remo, où il avait abandonné, le Varois n’est pas à 100 % et a donc préféré reporter son retour à mercredi pour À Travers la Flandre, qu’il avait également remporté en 2023 dans la foulée de son succès à Wevelgem. Cette semi-classique devrait lui permettre, dans le meilleur des cas, de préparer le Tour des Flandres mais surtout Paris-Roubaix, son principal objectif du printemps, même si sa préparation ne sera évidemment pas optimale. Il sera remplacé aujourd’hui par l’Italien Edoardo Affini (abandon à Harelbeke), alors que Jan Tratnik, le vainqueur du Nieuwsblad fin février, prendra la place du Norvégien Per Strand Hagenes, qui s’est fracturé le nez vendredi. L’équipe néerlandaise misera aujourd’hui sur son sprinteur Olav Kooij.
PHILIPPE LE GARS

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Alpecin, la «petite équipe» qui monte

La formation belge, en concentrant ses forces autour de Philipsen et Van der Poel sur les classiques et les étapes, est devenue un acteur majeur du peloton.

WEVELGEM – Plus forte que les autres. Alors qu’elle vit financièrement à l’ombre des gros bras du peloton, l’équipe Alpecin - Deceuninck rivalise sur la route avec Visma-Lease a bike et UAE. Déjà six victoires marquantes, dont un beau tir groupé en mars: MilanSan Remo le 16 et la Classic Bruges-La Panne le 20 avec Jasper Philipsen, l’E3 Saxo Classic avec Mathieu Van der Poel et une étape du Tour de Catalogne le 22 avec le FrançaisAxelLaurance.Unebelle semaine qui rappelle le début de saison dernière avec, déjà, la Primavera (pour «VDP» cette fois). Avec un budget estimé à 16millions d’euros, loin des lignes comptables des équipes de Jonas Vingegaard et Tadej Pogacar, comment font-ils pour tout rafler oupresque?

Les frangins Philip et Christoph Roodhooft, créateurs en 2009 de la formation BKCP-Powerplus, capitalisent depuis 2014 et l’arrivée de Van der Poel sur le champion du monde. En 2019, le petitfils de Poulidor avait agité une première fois le peloton avec sa victoire à l’Amstel Gold Race, prémices d’un passage sur la route, avec une politique ciblée: la gagne sur les courses d’un jour et les étapes des épreuves d’une semaine ou plus. Exactement la philosophie passée du Wolfpack de Quick-Step qu’Alpecin a transformée en portée de gentils chihuahuas depuis deux ans. Adrie Van der Poel, le papa, estime cette réussite contrainte par les limites financières d’une structure qui était encore en 3e division il y a six ans: «UAE et Visma ont beaucoup d’argent pour payer ceux qui visent les Tours ou les viseront plus tard comme Jorgenson, Uijtdebroeks, Ayuso… Si l’équipe avait plus d’argent, elle prendrait plus de coureurs du niveau de Philipsen ou de Mathieu. Mais elle n’a pas les coureurs pour disputer les classements généraux et elle se concentre surtout sur les classiques. Le mois à venir est par exemple très important.»

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Van der Poel a modelé, transfiguré l’équipe

Gand-Wevelgem aujourd’hui, le Tour des Flandres dans une semaine, Paris-Roubaix le 7 avril, sont clairement des objectifs affichés par les dirigeants belges. L’an passé, sur le vélodrome roubaisien, Alpecin avait placé son Néerlandais et son Belge aux deux premières places, dessinant à la fois une stratégie et sa hiérarchie. Bart Leysen, aujourd’hui chez Tudor, a passé quatre ans comme directeur sportif auprès des Roodhooft, il estime que tout le monde avait assimilé cette donnée: «Philipsen et Van der Poel sont les deux grosses pièces du budget mais ils sont les plus forts dans leur domaine, les classiques et le sprint. Jouer trop de cartes n’est pas la meilleure chose. Ou alors si tu veux tout, tu as besoin d’un budget.»

La concentration autour des deux leaders offre aussi de la place aux autres, qui «savent que sur d’autres courses, ils auront des responsabilités», poursuit Leysen.

Le deuxième étage de la fusée peut alors se faire plaisir: l’an dernier, Kaden Groves avait levé les bras sept fois, dont trois fois sur la Vuelta, une fois sur le Giro. Cette saison, le Français Axel Laurance, transfuge de l’équipe de développement, a démontré tout son potentiel (victoire d’étape à Bessèges et au Tour de Catalogne): «Il y a beaucoup de confiance entre nous tout comme de la part de nos dirigeants. Quand il faut bosser pour Mathieu ou Jasper, tout le monde le fait avec plaisir. Mais c’est surtout une équipe qui laisse sa chance à tous ses coureurs, comme moi ici en Catalogne» , a-t-il indiqué vendredi, lors de sa victoire.

Pour Adrie Van der Poel, elle ne se pose même pas la question des forces budgétaires en présence : « Si les coureurs ont une chance de gagner, ils roulent comme les équipes avec de gros budgets. Si la course est trop dure, ils l’acceptent et cela devient plus ou moins une étape de repos (sourires). » Maisdanssaquêtederésultats, son fils boulimique de 29ans laisse très peu de miettes aux autres, sauf à ses équipiers, comme Philipsen à San Remo. Le double vainqueur du Ronde est ce qui est arrivé de mieux à son équipe. Plus qu’un coureur, il a modelé, transfiguré la « petite équipe de cyclocross, dans une petite région, dans un petit pays » (Christoph Roodhooft en 2021). Et, plus que les succès à Harelbeke, à San Remo ou à Viladecans, la prolongation jusqu’en 2028 de son contrat, en débutdesemaine,représenteprobablement la plus belle victoire d’Alpecin cette saison.

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