Duplicité
Par Dov Alfon
29 Mar 2024 - Libération
Ceux qui voudraient calculer la profondeur de l’abîme dans lequel plongerait la France si l’extrême droite y arrivait au pouvoir ont plusieurs scénarios possibles à élaborer, mais aucun n’est plus clair, menaçant et immédiat que le virage antidémocratique de l’Italie sous Giorgia Meloni.
Premier chef d’Etat d’extrême droite sur le Vieux Continent depuis Benito Mussolini, et première femme à diriger l’Italie, Meloni est aussi la dirigeante la plus habile, la plus calculatrice et la plus impitoyable d’Europe occidentale.
Depuis son accession au pouvoir, elle a réussi en moins de dix-huit mois à museler les médias du service public, entraver l’accès à l’IVG, assécher les institutions culturelles, harceler les couples LGBT +, émasculer les contre-pouvoirs, persécuter les demandeurs d’asile et surtout réécrire l’histoire pour mieux assombrir l’avenir.
Tout ceci grâce à une duplicité politicienne vieille comme le monde : rassurer par sa politique extérieure pour mieux terroriser à l’intérieur. S’alignant tout en sourires sur la position de l’Union européenne sur les sujets où son ascension au pouvoir était redoutée – la guerre en Ukraine, les vaccins contre le Covid, la transition écologique, le conflit israélo-palestinien, le réarmement de l’Otan ou le déficit budgétaire – Meloni a charmé les dirigeants qui auraient pu limiter sa politique autoritaire, le président américain allant jusqu’à l’embrasser tendrement sur la tête lors de sa visite à la Maison Blanche.
Quant à un possible Brexit italien, même les membres les plus inflexibles de son parti, Fratelli d’Italia, n’en parlent presque plus. Et pour cause, il s’agit pour eux de rester dans l’Union européenne pour mieux la détruire de l’intérieur. Notre enquête sur les tactiques de Giorgia Meloni est édifiante, de Rome à Bruxelles, mais ses résultats ne surprendront pas outre mesure les lecteurs de Machiavelli.
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