MATXIN - Révélateur de talents


21 Jul 2024 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL YOHANN HAUTBOIS

COL DE LA COUILLOLE (ALPES-MARITIMES) – Dans la descente du col de la Couillole, juste avant d’attaquer les virages encaissés parmi les parois ocres de la vallée de la Tinée, Joxean Fernandez Matxin (mais il préfère qu’on écrive Fernandez Matxin) était tout sourire, entouré des invités et du staff. Son poulain, Tadej Pogacar, venait de remporter sa cinquième étape, le maillot jaune bien attaché à ses épaules, et le directeur sportif d’UAE Team Emirates riait de toutes ses dents accordéesàsachemiseimmaculée.

Comme la veille, comme l’avant-veille et comme très souvent puisque rares sont les témoins qui l’ont vu se renfrogner le matin ou le soir d’une course, même quand tout ne s’est pas passé comme prévu. Dans ce cas de figure, en anglais, en espagnol, en italien et en français, premier arrivé au car de la formation émirienne et à faire face aux médias, il déverse un flot de paroles, d’éléments de langage, répétés à l’envi, sans se lasser. Et, donc, avec le sourire.

Son ami « de plus de vingt ans » , le manager de l’équipe Mauro Gianetti, consent des engueulades ( « Vous n’imaginez même pas combien de fois mais c’est parce qu’on veut tous les deux le meilleur » ), Pogacar l’a déjà vu « déçu et triste » mais son habilité à naviguer sans se fâcher dans le milieu est salué par tous, à commencer par le Maillot Jaune : « Matxin a de vraies qualités sociales, il sait ce que ressent le coureur, ce dont il a besoin d’entendre en course. Il voit l’homme chez le coureur. On peut toujours parler avec lui. »

Vingt ans après l’avoir côtoyé chez Saunier-Duval, en 2005 et 2006, l’ancien coureur Nicolas Fritsch a gardé la même image du dirigeant de 53 ans, « physiquement déjà, car il n’a pas changé, c’est fou. Et les rares fois où j’ai été amené à le croiser ou à lui demander quelque chose, il a toujours répondu. Il était proche de ses coureurs, il était tactile, il aimait ses gars » . Car il les connaît depuis longtemps pour certains, à l’aube de leur adolescence, car avant d’être le directeur sportif de la formation la plus puissante du monde, Matxin fut un recruteur réputé, ce qu’il n’a même jamais cessé d’être malgré ses responsabilités actuelles (Joao Almeida, Juan Ayuso chez UAE, c’est lui).

“Quand j’étais junior, il a été le 
premier que j’ai rencontré et c’est 
lui qui m’a sorti du milieu amateur 
pour devenir professionne"
   - TADEJ POGACAR

Entre la fin du Tour d’Italie où il était déjà la tête d’UAE en mai et le début du Tour de France, il a ainsi effectué des aller-retours entre Isola 2000, lieu du stage de l’équipe, et le Baby Giro, mi-juin. «C’est un bourreau de travail, témoigne Pogacar. Il travaille vraiment beaucoup, il vit pour le vélo à plus de 100% » . Si, par le passé, celui que Gianetti surnomme « Monsieur Vélo » pour cette même boulimie pouvait s’enfiler une centaine de courses par an, il a réduit un peu la voilure ( «seulement entre 20 et 30 » ) mais reste concentré sur toutes les épreuves Espoirs, où il guette les pépites, et ressuscite aussi des coups de coeur.

Ainsi, Pavel Sivakov, arrivé seulement cet hiver chez UAE, connaît bien l’homme de Cantabrie : « La première fois que j’ai vu Matxin, c’était en U23, j’étais chez BMC. Il venait sur toutes les courses car il était scout chez Quick Step. À cette époque, je marchais vraiment bien, il connaissait mon potentiel. Nos chemins ont été différents ensuite mais quand je le voyais sur les courses, il a gardé ça en tête. Il croit en moi, ça fait plaisir, ça donne confiance. »

C’est en effet au sein de la formation de Patrick Lefévère qu’il a étoffé son carnet d’adresses, aiguisé son oeil et le dirigeant belge, avec le recul, reconnaît qu’ « il a fait de belles choses, découvert de bons coureurs (Fernando Gaviria, Laurens De Plus…) mais à un moment donné, Gianetti m’a appelé pour en faire son directeur sportif. Il lui restait deux ans mais j’ai déchiré son contrat. » On est alors en 2018 et le dirigeant suisse discute avec les fonds des Émirats arabes unis pour monter une équipe professionnelle.

En laissant partir son recruteur, Lefévère a peut-être perdu également un certain... Tadej Pogacar. Fernandez Matxin l’avait sur ses radars depuis un moment, avant même sa victoire au Tour de l’Avenir, en 2018, mais « je n’avais pas le budget pour le prendre. Je n’en veux pas à Matxin ». «Pogi» non plus, puisqu’il a quitté sa petite formation continentale slovène Rog Ljubljana pour rejoindre l’Espagnol: «Quand j’étais junior, il a été le premier que j’ai rencontré et c’est lui qui m’a sorti du milieu amateur pour devenir professionnel. »

Des formations sans moyen et sulfureuses sur son CV

Son parcours, néanmoins, interpelle sur plusieurs points puisqu’il est devenu le directeur sportif de l’équipe la plus puissante du monde sur le tard, à partir de 2018, et qu’auparavant, il a navigué, comme directeur sportif, à la tête de formations sans moyen et sulfureuses. La Mapei chez les jeunes, donc, mais aussi Saunier-Duval puis Geox, formations concernées par des coureurs contrôlés positifs sans que son nom n’apparaisse dans la moindre enquête. Mais sa proximité avec Gianetti, au passé hérétique, fut à la fois son ancre et sa chance puisqu’ils ont lié leur destin.

Nicolas Fritsch n’imaginait cependant pas son ancien directeur sportif atteindre un tel niveau « car il avait toujours évolué dans de petites structures, sans budget mais avec Gianetti, ils ont touché le jackpot avec UAE» .Réunisouslamêmebannière,leduo se partage les tâches, au Suisse le business et le calme, à l’Espagnol la partie sportive et l’énergie, avec le succès que l’on connaît. Équipes dirigées : Saunier Duval (amateur, 1998-2000), Mapei (2001), Saunier Duval (2004-2008), Lampre (2014). Recruteur pour Quick – Step (20152017)

Lefévère regrette-t-il de ne pas lui avoir confié les rênes de sa meute comme directeur sportif? «Non, j’avais déjà des gens sous contrat, je n’avais pas la place pour quelqu’un d’autre. Et il faisait bien ce qu’il faisait dans son secteur.»

Sous-entendu, l’Espagnol, qui joue avec Pogacar au paddle ( «il est très bon » ), a pu apparaître plus léger tactiquement que danssesrecrutementsdejeunescoureurs. Gianetti en a une autre lecture : «Quand il était directeur des jeunes chez Mapei, j’avais vu sa capacité à gérer les coureurs en course, avec un caractère très fort. Et le soir, il redevenait copain avec les gars. Mais en course, ils le respectaient.» Patrick Lefevère répond à sa façon à la question : « Il a prouvé chez UAE que c’est un bon. Mais avec un talent comme Pogacar, ce n’est pas compliqué.» Le mérite lui revient, de toute façon, puisque «cette personne hyper positive» (Sivakov) est allée chercher le triple vainqueur du Tour au fin fond de la Slovénie.

EN BREF - Directeur sportif d’UAE depuis 2018
Équipes dirigées:
Saunier Duval (amateur 1998-2000)
Mapei (2001)
Saunier Duval (2004-2008) amateur 1998-2000)
Lampre (2914) 
Recruteur Quick-Step (2015-2017)

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