Adriano, la longue marche de l’empereur
Longtemps incompris, l’ancien Brésilien de l’Inter Milan vient de célébrer son jubilé, à 42 ans, après avoir arrêté sa carrière en 2016.
« O Imperador » est enfin aimé et respecté à la hauteur d’un talent qu’il a consumé par l’alcool et la dépression.
"La dépression m’est tombée dessus d’un coup.
Mon père n’était plus là alors l’alcool est devenu mon fidèle compagnon"
- ADRIANO
"C’est juste un gars honnête et authentique,
qui n’a jamais changé, ou rejeté ses racines"
- REINALDO, EX-ATTAQUANT DU PSG
FORMÉ AVEC ADRIANO AU FLAMENGO
25 Dec 2024 - L'Équipe
ÉRIC FROSIO
RIO DE JANEIRO (BRE) – Il paraît que l’intelligence artificielle fait des miracles. Alors, quand le speaker du Maracana a révélé un clip conçu par l’IA, les 25000 spectateurs présents au jubilé d’Adriano le 15décembre ont scruté les deux écrans géants. Et très vite, ils ont versé une larme en voyant le père de leur protégé, décédé il y a vingt ans, lui parler comme s’il était dans son salon.
«Mon fils, tout le monde t’aime, pas seulement pour le joueur que tu as été, mais pour la personne que tu es», a énoncé Seu Aldair, dont la voix a été ressuscitée par ordinateur. Estomaqué par une telle prouesse, «O Imperador» («l’Empereur») a fondu en larmes.
Encore plus quand sa mère et sa grandmère lui ont offert un maillot, celui du Flamengo, son club de coeur avec lequel il a été champion du Brésil en 2009. Bouleversés devant cette scène poignante, Romario, Zico, Djalminha ou Adrianinho, son fils de 18ans, ont alors masqué leurs larmes en enlaçant le héros du jour.
« Ce gars est vraiment spécial car il a du coeur, nous confiera ensuite Marco Materazzi, fier de représenter l’Inter Milan avec Julio Cesar ou Ivan Cordoba. Je suis trop heureux de voir à quel point il est aimé ici.» Pourtant, le géant, qui a achevé sa carrière à Miami United, en D4 américaine, il y a déjà huit ans, a tardé à conquérir les siens. Longtemps incompris, le bombardier au pied gauche de feu avait une fâcheuse tendance à disparaître pour se réfugier dans sa favela de Vil a Cruzeiro, l’ une des plus dangereuses de Rio.
Il y retrouvait ses racines, ses amis Hermes, Dingo ou Sapo pour partager un churrasco (le barbecue brésilien) et avaler quelques bières. Sans doute voulait-il aussi réveiller les souvenirs de son père, dont le décès, à seulement 44 ans, l’avait traumatisé. «Je n’ai pas eu le courage d’aller à son enterrement, a-t-il révélé dans sa biographie, qui vient de paraître au Brésil. Quand je suis retourné en Italie, j’ai été meilleur buteur de SerieA et de la Coupe des Confédérations… Et puis, boum, la dépression m’est tombée dessus d’un coup. Mon père n’était plus là, alors l’alcool est devenu mon fidèle compagnon.»
Alcoolique et dépressif, «Didico», son autre surnom, ne voulait plus jouer les «Empereurs ». La dolce vita italienne n’ayant plus le même goût, il a profité d’une convocation avec la Seleçao pour disparaître dans sa cité interdite, une fois de plus. Une fois de trop. Il résiliera son contrat avec l’Inter après 74 buts en 177 matches. «J’étais seul, sans famille ou épouse à mes côtés. Et j’étais traqué par les paparazzi, nous confiait l’attaquant, en 2009. J’avais besoin de retrouver la joie de jouer au foot.»
Malgré le soutien de José Mourinho, il s’assoit sur un contrat de 5M€ par an et rejoint les siens à Rio. Mais, à seulement 27 ans, et malgré une belle saison avec le Flamengo, en 2009, sa carrière s’étiole. Adriano n’a plus faim, ou alors pour faire la fête et séduire les femmes. Son corps, dur comme du béton armé, se ramollit. Et son pied gauche, qui a fait le bonheur des amateurs de PES, est proche du game over. «Après mon opération du tendon (au Corinthians, en 2011), c’était fini. Je ne pouvais plus jouer comme avant. Je boitais, j’avais perdu mon agilité et ma puissance.»
Alors, malgré 29 buts en 50 sélections, et une Copa America remportée pratiquement tout seul (en 2004), les supporters (sauf ceux du Flamengo) parlent de gâchis. Ils lui reprochent son surpoids, son goût pour l’alcool et les femmes. Le colosse disparaît du paysage médiatique. Il ne ressurgit que sur de courtes vidéos où il transpire lacachaçaetsembleàladérive.Mais,bizarrement, ses excès, et ses rares interviews, où il admet ses erreurs et ses faiblesses, font office de rédemption. Le grand public saisit enfin la complexité du personnage et apprécie sa fragilité.
«Les gens ont mis du temps pour le comprendre, résume Reinaldo, ex-attaquant du PSG formé avec Adriano au Flamengo. C’est juste un gars honnête et authentique, qui n’a jamais changé, ou rejeté ses racines.» Un constat partagé par Hernanes, son ex-coéquipier au Sao Paulo FC (2008). «Il aurait pu donner plus au football, regrette “le Prophète”. Mais ce qu’il a offert fut suffisant pour toucher le coeur des gens. Il mérite le respect, car ce mec est un géant! » Un géant au coeur tendre qui restera comme « l’un des meilleurs que le foot brésilien a créés» , plaide Zico, lui aussi tombé sous le charme de cet «Empereur» déchu.
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EN BREF BRÉSIL
42ANS
Attaquant 50 sélections, 29 buts
Clubs : Flamengo (BRE, 20002001, 2009-2010) 2012, Inter Milan (ITA, 2001-2002, 20042009), Fiorentina (ITA, 2002), Parme (ITA, 2002-2004), Sao Paulo (BRE, 2008), AS Rome (ITA, 2010-2011), Corinthians (BRE, 20112012), Atlético Paranense (BRE, 2014,), Miami United (USA, 2016).
Palmarès : Copa America (2004), Coupe des Confédérations (2005), Champion d’Italie (2006, 2007, 2008, 2009), Champion du Brésil (2008, 2009, 2011), Coupe d’Italie (2005, 2006).
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