Kévin le Conquérant
Sur les terres de son enfance, le Normand, entouré de ses proches, a été le centre d’une formidable fête populaire hier, qui l’a replongé dans ses racines.
"C’est plus qu’une image sur une montgolfière, c’est tout un chemin"
- KÉVIN VAUQUELIN
"C’est un truc de dingue,
c’est le «number one» en Normandie''
- NÉNESSE, SON MASSEUR CHEZ ARKÉA-B&B HOTELS
11 Jul 2025 - L'Équipe
DE NOTRE ENVOYÉ SPÉCIAL YOHANN HAUTBOIS
VIRE (CALVADOS) – Le Tour de France dessine une géographie de ses champions et, de Bayeux jusqu’à Sainte-Honorine-la-Chardonne, le village de Guillaume MartinGuyonnet, il n’y en eut que pour Kévin Vauquelin hier, au cours de cette sixième étape qui fut un chantier comme le coureur d’Arkéa-B&B Hotels les aimait tant, par le passé. Si on n’a pas vu et entendu qu’on était sur les terres du jeune Normand (24 ans), il est urgent de prendre rendez-vous chez l’ophtalmo et l’ORL.Kévin Vauquelin n’a pas pu résister au selfie avec les siens et ses fans venus en nombre, au départ de Bayeux, hier matin.
Du Vauquelin partout – dans les oreilles, sur les tee-shirts de ses proches, dans le dos de la veste de son père Bruno et même sur une montgolfière, on y reviendra –, ce qui a toujours été un peu sa marque de fabrique sur un vélo. Son ancien entraîneur au VC Rouen, Jean-Philippe Yon, se souvient d’un garçon « hyper fougueux, il en mettait en effet un peu partout. La première fois que je l’avais encadré chez les juniors, en équipe de Normandie, à Jugon-les-Lacs, en Coupe de France, je lui avais demandé de ne pas bouger avant le circuit final ». Première échappée, au kilomètre 5? Notre Kévin Vauquelin: «Il a été repris (rires). C’était ça, Kévin, au début.»
Quelques années plus tôt, il était déjà ce garçon hyperactif, qui voulait s’essayer au tir au pistolet, et qui découvrit le vélo à 8 ans, embarquant avec lui son petit frère, Dylan, avant qu’une blessure ne stoppe la carrière de ce dernier, en juniors. D’ailleurs, l’euphorie du moment a poussé le frangin « à remonter sur la selle, il m’a redonné envie. J’ai repris le vélo la semaine dernière, je me sens bien ». Cette « relation complice », malgré les trois ans et demi de différence d’âge, résiste à sa renommée naissante: « Quand il rentre à la maison, c’est “Kéké”, pas Kévin Vauquelin le coureur. Il n’a pas la grosse tête, on ne parle pas vélo, on rigole comme quand on était gamins et on continue de faire des conneries. » L’une des plus mémorables convoque des spatules et une peau de banane pour une partie de tennis assez particulière dans la cuisine familiale de JuayeMondaye, où le peloton a pu goûter à la « Vauquelinmania »: « On a fait hurler maman mais c’était génial ( rires). »
Tout ne le fut pas pour le vainqueur de l’Étoile de Bessèges et, après des débuts à l’AC Bayeux puis à l’UC Tilly, il tenta sa chance à Chambéry, en plein Covid. Il ne se fit ni à la région ni à l’ambiance et appela son père en pleurs. Bruno Vauquelin quitta la Normandie à minuit, y revint vingt-quatre heures plus tard avec le fiston, que Jean-Philippe Yon récupéra en « croustilles. Il a passé un an et demi au VC Rouen et tout de suite on a vu qu’il avait des qualités hors normes. Mais il avait besoin d’être cadré, canalisé, car il avait du mal à donner sa confiance ».
Entre le dirigeant et le coursier se créa alors une relation fusionnelle, même si Vauquelin gagna peu sous les couleurs rouennaises: « Il me dit toujours que je suis son père dans le vélo, raconte en souriant Yon. Même Bruno dit que je suis son second père, mais ça me gêne. C’est juste que cela a matché, qu’on a évolué tous les deux et qu’on vit une belle aventure humaine. Mais le personnage est tellement génial, nature, frais. » Il suffisait de l’entendre, hier, raconter sa journée comme au bistrot (« Des mecs dans le peloton sont venus me dire qu’ils avaient des frissons pour moi, même Jonas [Vingegaard] est venu. C’est incroyable »), de voir les paillettes dans ses yeux quand il a découvert sa trombine sur une montgolfière : « Comment on fait ça logistiquement? » Il faut demander à son père et à son parrain qui préparent la surprise depuis plusieurs jours, dans le secret le plus total. « Cette montgolfière appartient à un voisin, s’est remémoré le vainqueur de l’étape à Bologne il y a un an. Ce sont des souvenirs, elle fait penser à l’été, quand on était dans le salon, en train de prendre le goûter devant le Tour de France. C’est plus qu’une image sur une montgolfière, c’est tout un chemin.»
En 2021, il l’a mené chez Arkéa-B&B Hotels, grâce à JeanPhilippe Yon encore. Dans une structure à taille humaine, Vauquelin a continué de grandir, apaisé, pas si loin de sa Normandie : « Comme il est arrivé jeune dans l’équipe, on est sa deuxième famille, souligne Nénesse, son masseur chez Arkéa. On l’a vu évoluer et quand il performe, comme sa première victoire au Haut Var (2023), on craque, on pleure. Le voir jouer avec les grands du Tour, hier (mercredi)… On avait les yeux rouges sur la table de massage. Dans l’équipe, on est tous des hypersensibles, lui aussi. » Son chrono la veille à Caen (5e), sa troisième place au général (4e depuis ce mercredi et la prise du maillot jaune par Mathieu Van der Poel), les pancartes «Kevin Le Viking», «Kevin The King of Normandy » , son nom crié dans cette Suisse normande en fête ont remué son petitcoeur de guimauve: « Qu’est-ce que je peux demander de plus? » De rester avec les plus grands « jusque dans les Pyrénées », calcule Jean-Philippe Yon alors que sa mère Valérie, émue, «ne réalise toujours pas » ce que vit son fils. Pas plus Nénesse qui, pourtant, en a vu d’autres: «C’est un truc de dingue, c’est le number one en Normandie.» En prévision d’un débordement lacrymal d’ici Paris, l’assistant d’Arkéa a abandonné l’idée d’utiliser un simple paquet de mouchoirs: « J’ai pris un rouleau d’essuie-tout.»
Commenti
Posta un commento