VAN DER POEL, LE JAUNE ET LE SOURIRE
Mathieu Van der Poel n’aura lâché le maillot jaune qu’un seul jour.
Le Néerlandais a récupéré son bien pour une seconde à Tadej Pogacar, mais il sait que le conserver relève d’une mission presque impossible.
11 Jul 2025 - L'Équipe
PHILIPPE LE GARS
VIRE (CALVADOS) – Même s’il donne parfois l’impression de manquer d’intérêt pour le Tour de France, dans lequel il avoue « s’ennuyer lors des longues étapes où il ne se passe pas grandchose », Mathieu Van der Poel (30 ans) a prouvé hier que le maillot jaune était plus fort que tout. Pas la peine non plus de lui parler de son grand-père, Raymond Poulidor, qui ne l’a jamais porté, il lui rend justice à sa façon soixante ans plus tard.
Pourtant, au départ de Bayeux hier matin, l’idée n’était pas de reprendre la tunique mais plutôt de viser une deuxième victoire d’étape sur ce Tour, après celle acquise à Boulogne-sur-Mer dimanche où il avait enfilé le jaune par la même occasion, avant de le céder à Tadej Pogacar mercredi à Caen. « Au début (de l’échappée), je regrettais d’être là, car j’étais vraiment à la limite, avouet-il, éreinté. Le maillot jaune n’était pas un objectif, je voulais être un acteur pour la victoire d’étape. Malheureusement aujourd’hui, ce n’était pas possible, mes jambes n’avaient pas suffisamment récupéré des jours précédents. »
Mais même en étant à la limite, le Néerlandais est un compétiteur dans l’âme, et jamais il ne lui serait venu à l’idée de se relever. Il a donc collaboré à la réussite de cette échappée, sans jamais rechigner au moindre effort. « Mathieu aime ce genre d’étapes car elles se courent comme des courses d’un jour, explique Philip Roodhooft, le manager de l’équipe Alpecin-Deceuninck. Il n’aime pas calculer les secondes pour un classement général, ce n’est pas dans ses habitudes. »
Le maillot vert, nouvel objectif
On ne peut donc pas le soupçonner d’avoir sciemment joué le maillot jaune hier, même s’il adore se distinguer dans un peloton avec une tunique distinctive, comme l’arc-en-ciel l’an passé. Il y a surtout ce maillot vert qui semble l’intéresser de plus en plus, depuis l’abandon de Jasper Philipsen lundi. « J’ai participé au sprint intermédiaire (au bout de seulement 22 kilomètres) mais cela m’a demandé tellement d’énergie qu’il m’a fallu beaucoup de temps pour revenir en tête, raconte-t-il. Et quand j’y suis enfin parvenu, j’ai vu que la bonne échappée était en train de partir, j’ai donc décidé de la suivre. » Il avoue que cette option du maillot vert a pris forme seulement ces derniers jours. « En fait, c’est l’équipe qui tenait absolument à ce que je fasse ces sprints aujourd’hui (hier), car ils avaient vu mardi que peu de coureurs y participaient. »
Après avoir raté l’occasion de remporter une étape avec le maillot jaune sur le dos mardi à Rouen (il a été battu sur le fil par Pogacar), il aura une deuxième chance aujourd’hui à Mûr-deBretagne, où il s’était imposé en 2021 devant Pogacar et Primoz Roglic. « Je ne veux même pas y penser, ça remonte déjà à quatre ans, balaie-t-il. Si Pogacar et Vingegaard se mettent en tête de gagner, je ne vois pas qui pourrait les en empêcher. »
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Duel Acte III
Mathieu van der Poel et Tadej Pogacar se retrouvent aujourd’hui pour un troisième duel de puncheurs, cette fois au sommet de Mûr-de-Bretagne.
THOMAS PEROTTO
VIRE (CALVADOS) – Le raid entre costauds poinçonné par Mathieu van der Poel, hier, dans le mini-Liège-Bastogne-Liège normand n’est pas une invitation au duel parfait avec Tadej Pogacar, aujourd’hui à Mûrde-Bretagne. Dommage, car la double ascension du raidard breton (2 km à 6,9 %) était l’endroit rêvé pour une explication entre les deux meilleurs puncheurs du peloton. Elle avait eu lieu jusque-là sur les Monuments et les classiques du printemps, mais ce Tour de France les réunit au sommet des bosses. À Boulogne-surMer (van der Poel 1er, Pogacar 2e), à Rouen (Pogacar 1er, van der Poel 2e), mais pas hier à Vire puisque van der Poel avait pris la poudre d’escampette, et de nouveau aujourd’hui. Puncheurs, ils se ressemblent autant qu’ils se différencient.
Ce qui les réunit
Leur terrain de jeu déjà, du Tour des Flandres à Paris-Roubaix, en passant par les étapes à final en bosse sur le Tour de France, ou même Liège-Bastogne-Liège ou l’Amstel Gold Race. « Ce sont deux coureurs avec un très gros punch qui sont avant tout des coureurs qui aiment l’offensive, passer à l’attaque. On les retrouve très souvent ensemble. Sur les efforts de deux ou trois minutes, ils sont très similaires » , note Philippe Gilbert, un ancien puncheur d’exception. « Les deux ont de l’explosivité, de la puissance et de la résistance. Van der Poel est un puncheur qui sait sprinter, Pogacar un coureur complet qui sait être puncheur, c’est pour ça qu’ils sont à l’aise sur ce type d’arrivée », remarque Alexis Vuillermoz, qui avait gagné il y a dix ans à Mûr-de-Bretagne sur le Tour. Comme « MVDP » en 2021.
Les deux possèdent un démarrage impressionnant – dans un style différent – capable de faire de gros dégâts pour les adversaires juste derrière. « Ils ont un sprint en résistance impressionnant » , ajoute Gilbert, cinq Monuments au compteur, quatre Amstel Gold Race, une Flèche Wallonne ou encore un titre de champion du monde en 2012. « Visuellement, ils sont différents, mais ils ont une mêmegrosse capacité d’accélération, analyse Vuillermoz. Il faut de la force pure pour rivaliser et ils l’ont. »
Ce qui les éloigne
Leur gabarit n’est pas comparable. Le Néerlandais (1,84 m, 75 kg) est puissant, vorace sur l’asphalte, quand Pogacar (1,76 m, 66 kg) est forcément plus aérien et léger, même s’il dégage une puissance de vrai puncheur. « C’est sur leurs qualités intrinsèques qu’ils vont se départager, sur ce qu’on appelle la durabilité, la capacité à tenir sur un effort long, observe Sébastien Joly, directeur de la stratégie chez Decathlon-AG2R La Mondiale. Sur une étape comme à Rouen, les mecs sont au seuil pendant une heure et, pour Pogacar, c’est comme s’il faisait un col très long. Lui garde encore de la fraîcheur pour prendre l’ascendant. »
« Sa pointe de vitesse ne baisse pas, que ce soit après 180 kilomètres de course facile ou 6h30’ de difficulté» , pointe Gilbert à propos de Pogacar. « Mais une arrivée sèche, c’est avantage Van der Poel, car il pourra faire parler toute son explosivité sur un effort court » , ajoute Joly. « Sur un sprint lancé, sa vitesse de pointe sera toujours meilleure, appuie Vuillermoz. C’est pour ça que Pogacar a besoin de faire rouler ses coéquipiers avant, pour durcir, rendre le final usant. Van der Poel va devoir déployer beaucoup d’énergie avant, et il sera forcément moins dispo pour sprinter. »
Gilbert pointe une autre différence, à cause de l’expérience acquise ou non acquise sur les sprints : « Van der Poel, qui sprinte depuis très très longtemps, a toujours le braquet très juste pour un final de puncheur, alors que Pogacar, qui a l’habitude d’arriver seul pour la victoire, se fait parfois avoir sur les premières secondes du sprint, et souvent ça compte beaucoup. »
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