O’Connor triomphe, Pogačar contrôle


MARCO BERTORELLO/AFP 
Ben O’Connor, jeudi 24 juillet, dans son ascension du col de la Loze.

Dans la 18e étape, entre Vif et le col de la Loze, au-dessus de Courchevel (171,5 km), victoire en solitaire de l’australien Ben O’Connor (Jayco), devant Pogačar et Vingegaard.

25 Jul 2025 - L'Humanité
Envoyé spécial. JEAN-EMMANUEL DUCOIN

Acte I, scène 1. 
Et il fallut tout entreprendre pour que, en nous et bien au delà, la mythologie ne soit pas dévorée par le cyclisme moderne auquel elle donna naissance. Se préparait donc une danse macabre, sans nulle autre semblable, en tant que genre, nichée quelque part dans la tragédie classique et l’épopée versifiée. Entre Vif et le col de la Loze, au-dessus de Courchevel (171,5 km), avec trois ascensions hors catégorie et plus de 5500 mètres de dénivelé positif, nous entrâmes en cette zone inconnue que nous nommions « l’étape reine », le « point d’orgue », l’« heure de vérité » . L’entrée dans les Alpes offre en général les faveurs du monde aux hommes sans chair qu’attirent les élévations supérieures, quand d’ordinaire l’art de grimper éveille les corps comme une écriture organique.

AU SOMMET DU GLANDON

Avec ce profil démoniaque, tout nous parut pourtant hors cadre. À moins de convoquer les manières ancestrales de courir. Excusez du peu : le Glandon (21,7 km à 5,1 %, 1 924 m, HC), la Madeleine (19,2 km à 7,9 %, 2 000 m, HC) et l’apothéose avec l’arrivée au sommet du col de la Loze, monstrueuse montée (26,4 km à 6,5 %, HC), toit du Tour cette année (2 304 m), là où, à deux reprises, face à Primoz Roglic en 2020 et à Jonas Vingegaard en 2023, Tadej Pogačar vécut de variables défaillances, infimes ou totales, symbolisées, il y a deux ans, par sa célèbre phrase prononcée sur le vélo : « Je suis mort. » Vu l’état du peloton, éreinté et rincé, passé au laminoir de moyennes horaires records, nous anticipions une claire définition, voire des surprises aux saveurs antiques.

Acte I, scène 2. 
À l’heure du déjeuner, les 162 rescapés de cette édition entamèrent leurs longs monologues avec les silences dès le Glandon, avec leurs façons virtuoses ou démembrées d’effleurer le chaos, les paumes en suspens, tandis que des ondes néfastes traversaient déjà leurs corps en action. Après le sprint intermédiaire, réglé par le géant vert Jonathan Milan (km 23,7 km; 20 pts), les événements se précipitèrent dans les premiers contreforts et une course « à deux vitesses » se mit en place. Dans un groupe d’échappés en constitution, les Visma placèrent Van Aert à l’avant, les UAE envoyèrent Wellens. Grandes manoeuvres. Et quand l’énigmatique Roglic attaqua de loin, rejoint par Jorgenson, nous comprîmes que quelque chose se tramait dans les entrailles des tactiques préétablies. Mais qui était harcelé ? Très tôt, les UAE de Pogacar durent s’époumoner pour tenter de réguler la folie ambiante. Deux groupes s’extirpèrent enfin, l’un d’une quinzaine d’unités (Roglic, Gall, O’Connor, Wellens, Jorgenson, Martinez, Armirail, etc.), l’autre en contre (Jegat, Rodriguez, etc.). Qui représentaient les vrais grimpeurs, oublieux des calculs, jetant sur leurs congénères des serments suicidaires ?

Acte II, scène 1. 
Dans ce décor grandiose, France des semeurs et des vachers, la tension se vécut au présent. Au sommet du Glandon, Martinez imprima sa marque et prit les points. À l’arrière, le duo Pogačar-Vingegaard, roue dans roue, comptait plus de trois minutes de passif sur Roglic et les fuyards. Pas de quoi paniquer, d’autant que nous attendions la grande offensive des « Frelons ». Mais quand ? Dans la descente du Glandon, notre Lenny Martinez rendit les armes, en perdition. Et dans la Madeleine, le rythme devint ultra-soutenu, à tous les échelons. Dans ce qu’il restait d’un peloton exsangue, les UAE contrôlaient d’abord les Visma, avant que ces derniers ne prennent les commandes à tour de rôle. Et Vingegaard plaça l’attaque programmée, à 5 kilomètres du sommet de la Madeleine, retrouvant Jorgenson en relais. Pogacar suivit, en mode survie, isolé. À 70 bornes de l’arrivée…

LES « FRELONS » NE PIQUAIENT PLUS

Acte II, scène 2. 
Dans la vallée, un jeu de dupes psychologique se noua. Vingegaard et Pogacar se marquèrent, ne roulèrent plus, laissant O’Connor, Jorgenson, Rubio et Lipowitz prendre du champ (3’45”). Un surplace incompréhensible : qu’attendait Vingegaard ? Du coup, les largués revinrent par l’arrière (Vauquelin, Jegat, etc.), les deux cadors récupérèrent des équipiers. Il était presque 16h30, et nous y fûmes ! Quand se profilèrent les pourcentages de la Loze, les rayons d’un soleil moins généreux traversèrent les cauchemars de nos héros de Juillet, mais nul sourire ne vint éclore sur leurs faces de spectres ni sur leurs corps placés sous l’égide de la souffrance extrême. Un autre monde s’offrit à eux, comme une effraction. Le Tour revenait dans ce sanctuaire en enfer, devenu un « classique ».

Sous les décombres d’une pente atypique, du chacun pour soi. Lorsque l’asphalte se braqua vraiment, dans les 7 derniers kilomètres, tout explosa, devant, derrière. Et tout se figea, entre tremblement du temps et séisme pour cyclistes en perdition, sur une chaussée étroite et himalayesque balayée par les vents. Changement de rythme, d’une brutalité inouïe. À l’avant, en dernier Mohican, l’australien Ben O’Connor (Jayco) s’envola vers une victoire de prestige. À l’arrière, l’inattendu se produisit : les « Frelons » ne piquaient plus et Vingegaard n’osa rien de tranchant, sauf une accélération dans le final, suivi par le maillot jaune. Avant la ligne, le Slovène déborda même son dauphin, assez aisément, et reprit, encore, une poignée de secondes. Tout ça pour ça…

Épilogue. 
La pluie et la grêle s’abattirent soudain sur nos âmes. Le chronicoeur, perdu dans ses songes, se référa au mythe et aux Forçats, qui doivent toujours dominer les éléments et sans relâche tenter d’abolir les inégalités d’un peloton écrasé. Ce vendredi, nous vivrons une sorte de réplique, en Savoie, avec quatre ascensions et le final au sommet de La Plagne. Une autre danse macabre à prévoir, pas moins mythologique. À moins que…

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