Armand Duplantis toujours plus près des étoiles
Sacré pour la troisième fois champion du monde, le Suédois a effacé la barre mythique des 6,30 m à Tokyo. Un exploit de légende.
« La vitesse et les qualités athlétiques requises pour faire ce qu’il fait sont si nombreuses, dans une épreuve si difficile à maîtriser. Personne ne connaît ses limites, mais je suis certaine qu’il a encore quelques records du monde en lui »
- Jessica Ennis-hill la triple championne
du monde britannique de l’heptathlon
16 Sep 2025 - Le Figaro
Cédric Callier
Armand Duplantis ou l’art de s’envoler toujours plus haut. À une altitude vertigineuse pour le commun des perchistes. Sauf pour lui. Pourtant, son rival annoncé, Emmanouil Karalis, aura tout essayé en finale des championnats du monde, lundi. Tentative à 6,10 m, puis 6,15 m et enfin 6,20 m. À chaque fois, le Grec, avec toute l’effronterie de ses 25 ans et de son statut d’outsider n’ayant rien à perdre, aura flirté avec la réussite. Mais à chaque fois, la barre aura fini par tomber, laissant le Suédois seul au monde, la tête ceinte d’une troisième couronne planétaire. Seul, également, face à sa propre légende, lui qui était en quête d’un quatorzième record du monde en carrière, avec dans le viseur une barre à la hauteur de son mythe : 6,30 m. Religieusement, le public du Stade national de Tokyo l’accompagnait, alternant silences respectueux et encouragements énamourés. Jusqu’à l’explosion lorsque «Mondo», à son ultime tentative, réussit l’impensable…
Après deux échecs d’un rien à 6,30 m, lui qui avait d’abord estourbi la concurrence en effaçant ses six premières barres sans la moindre anicroche, Duplantis sentait que l’exploit était à sa portée. Comme il y a à peine plus d’un an en finale des Jeux olympiques de Paris, le Suédois de 25 ans ne voulait pas se contenter de l’or. Il voulait aussi y mettre la manière et battre le record du monde lors d’un grand championnat pour la quatrième fois. Alors il s’envola une dernière fois dans le ciel tokyoïte. En quête d’éternité. Encore une fois, comme lors de ses deux précédentes tentatives, la barre trembla. Mais cette fois, elle n’eut pas le coeur de s’affaisser, ou de refuser au tout juste triple champion du monde ce destin qui lui tendait les bras. Du coup, elle resta sur ses taquets. Laissant Duplantis exploser de joie avant de se réfugier dans les bras de sa compagne. Pour une longue et belle étreinte. Celle que méritait bien un tel exploit.
« C’est encore mieux que ce que j’imaginais », lâcha même le principal intéressé au moment de s’adresser aux spectateurs qui ne voulaient plus rentrer chez eux. « Vous offrir ce record du monde est incroyable. Merci tellement pour votre enthousiasme et la force que vous m’avez donnée. Je suis tellement heureux. » Sur la BBC, Jessica Ennis-hill, la triple championne du monde britannique de l’heptathlon (2009, 2011 et 2015), ne cachait pas son admiration pour le Suédois.
« Des moments comme celui-ci vous coupent le souffle. Quand on pense à la pression qu’il subit, il est juste phénoménal. La vitesse et les qualités athlétiques requises pour faire ce qu’il fait sont si nombreuses, dans une épreuve si difficile à maîtriser. Et pourtant, lui, à chaque fois, il nous offre un incroyable spectacle. Personne ne connaît ses limites, mais je suis certaine qu’il a encore quelques records du monde en lui. »
Avec ce nouveau record amélioré d’un centimètre, comme à chaque fois pour des raisons purement économiques étant donné la prime s’y rapportant (environ 85000 euros sur ces championnats du monde), la question de savoir jusqu’où Duplantis peut décoller va de nouveau se poser. Si certains commencent déjà à fantasmer sur la dizaine supplémentaire, à savoir 6,40 m, sa réussite à Tokyo ce lundi laisse plutôt supposer que sa marge actuelle n’est guère plus haute que de 1 ou 2 centimètres. Mais pour celui qui n’a plus perdu une grande compétition internationale depuis les Mondiaux de Doha en 2019, lorsqu’il était encore minot et avait dû se «contenter» d’une médaille d’argent à 19 ans, une marge de progression existe sans doute encore. D’autant plus si le Grec Karalis parvient à le titiller comme lors de cette finale mondiale, et donc à le pousser à aller encore plus haut. Ou, dit autrement, de la progression du perchiste hellène pourrait dépendre les prochains records de son homologue suédois.
Dans le clan français, l’espoir d’une médaille était bien présent après des qualifications réussies. La dernière fois que les Bleus avaient été trois en finale de championnats du monde, du côté de Berlin en 2009, cela leur avait d’ailleurs souri puisque Romain Mesnil avait décroché l’argent juste devant un certain Renaud Lavillenie, en bronze (Damiel Dossevi finissant, lui, 6e). Seize ans plus tard, le Clermontois était toujours là, sans doute pour une dernière danse mondiale, lui qui fêtera ses 39 ans dans trois jours. Las, diminué par une inflammation à la cuisse droite, le champion olympique de 2012 et ancien recordman du monde (6,16 m) n’aura pu faire qu’illusion en franchissant superbement 5,75 m à sa première tentative, avant d’échouer une fois à 5,90 m, puis deux à 5,95 m.
Ethan Cormont rapidement éliminé avec trois échecs à 5,75 m, toute la pression se reportait sur Thibaut Collet. Passé un premier échec à 5,55 m, le Français de 26 ans trouvait les bons réglages pour enquiller les réussites à 5,55 m, puis 5,75 m, 5,85 m et 5,90 m. Malheureusement, la barre suivante, à 5,95 m - soit son record personnel -, le voyait échouer par deux fois. Contraint de jouer son va-tout sur son ultime essai pour se replacer au classement, Collet ne passait pas loin de devenir le troisième Français – après Lavillenie et Jean Galfione – à plus de 6 mètres, mais la barre finissait par choir, et lui devait se contenter de la 5e place, comme à Budapest il y a deux ans. Mais ce lundi soir, le plus important, et le plus beau, était ailleurs. Quelque part à 6,30 m du sol…

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